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L’âge d’or et Prométhée. Destins croisés de deux mythes fondateurs chez les Grecs.
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L’âge d’or et Prométhée Destins croisés de deux mythes fondateurs chez les Grecs
« La campagne anglaise, […], c’est le jardin d’Eden d’où la révolution industrielle victorienne nous a tous éjectés. Par conséquent, week-ends et congés scolaires sont systématiquement mis à profit par 80% des gens – statistique touristique officielle – pour renouer périodiquement avec l’âge d’or, pour gambader dans la verte campagne telle qu’elle est peinte sur les dépliants touristiques ». Le Monde, 29 mars 2001(à propos de la fièvre aphteuse) Lake District
« C’est ainsi que l’automobile a merveilleusement réussi contre les transports en commun, le nucléaire contre le solaire, le périssable contre le robuste, le gaspilleur contre le sobre, etc. Les chantres de Prométhée ont alors beau jeu de dire que l’on ne peut revenir en arrière, que ce développement était le seul possible : ’La preuve, c’est que les gens veulent toujours plus d’essence, plus d’autoroutes, plus d’électricité’ » L. Puiseux, La Babel nucléaire, Paris, 1977 (pp.242-243) Golfech, Tarn-et-Garonne
Plan de la leçon • Introduction • Le mythe de l’âge d’or (Hésiode, Platon, Aratos de Soles) • Le mythe de Prométhée (Hésiode, Eschyle, Platon) • Conclusion générale
Les Travaux et les Jours, 106-201 Hésiode (vers 650 A.C.)
L’ « âge » d’or selon Hésiode (vv.109-119) • « D’or fut la première race d’hommes périssables que créèrent les Immortels, habitants de l’Olympe. C’était aux temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas : mais, bras et jarret toujours jeunes, ils s’égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourant, ils semblaient succomber au sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même (αὐτομάτη) une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre ».
L’ « âge » d’argent selon Hésiode (vv. 127-137) • « Puis une race bien inférieure, une race d’argent, plus tard fut créée encore par les habitants de l’Olympe. […] L’enfant, pendant cent ans, grandissait en jouant aux côtés de sa digne mère, l’âme toute puérile, dans sa maison. Et, quand […], ils atteignaient le terme qui marque l’entrée de l’adolescence, ils vivaient peu de temps et, par leur folie, souffraient mille peines. Ils ne savaient pas s’abstenir entre eux d’une folle démesure. Ils refusaient d’offrir un culte aux Immortels ou de sacrifier aux saints autels des Bienheureux, selon la loi des hommes qui se sont donné des demeures ».
L’ « âge » de bronze selon Hésiode (vv.143-151) • « Et Zeus, père des dieux, créa une troisième race d’hommes périssables, race de bronze […] Ceux-là ne songeaient qu’aux travaux gémissants d’Arès et aux œuvres de démesure. Ils ne mangeaient pas le pain; leur cœur était comme l’acier rigide; ils terrifiaient. […] Leurs armes étaient de bronze, de bronze leurs maisons, avec le bronze ils labouraient, car le fer noir n’existait pas ».
« Ceux-là périrent dans la dure guerre et dans la mêlée douloureuse, les uns devant les murs de Thèbes aux sept portes […]; les autres au-delà de l’abîme marin, à Troie ». « A d’autres enfin, Zeus […] a donné une existence et une demeure éloignées des hommes, en les établissant aux confins de la terre ». La race des héros, « plus juste et plus brave » selon Hésiode (vv.156-173
Les îles des Bienheureux • « C’est là qu’ils habitent, le cœur libre de soucis, dans les îles des Bienheureux, aux bords des tourbillons profonds de l’Océan, héros fortunés, pour qui le sol fécond porte trois fois l’an une florissante et douce récolte, loin des Immortels et Cronos est leur roi. Car le père des dieux et des hommes a dénoué ses liens et aux héros fixés au bout du monde octroyé honneur et gloire ».
L’«âge » de fer selon Hésiode (vv.174-201) • « … Car c’est maintenant la race du fer. Ils ne cesseront ni le jour de souffrir fatigues et misères, ni la nuit d’être consumés par les dures angoisses que leur enverront les dieux. Du moins trouveront-ils encore quelques biens mêlés à leurs maux. Mais l’heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d’hommes périssables: ce sera le moment où ils naîtront avec des tempes blanches. […] Nul prix ne s’attachera plus au serment tenu, au juste, au bien: c’est à l’artisan de crimes, à l’homme toute démesure qu’iront leurs respects; le seul droit sera la force, la conscience n’existera plus. […] De tristes souffrances resteront seules aux mortels; contre le mal il ne sera point de recours ».
L’Eden et la faute Lucas, Cranach, 1472-1553
Le Politique, 268d-274e Platon (427-347)
L’ « âge d’or » selon Platon (271e-272a) I. • « Or, puisque la Divinité était leur pasteur, il n’y avait pas besoin de constitution politique; ils ne possédaient point une femme et des enfants […]. Mais tandis qu’était absent de leur état tout ce qu’il y a de cette sorte, en revanche, les arbres, sans parler d’innombrables taillis, leur fournissaient les fruits à profusion lesquels ne réclamaient point d’être produits par la culture, étant au contraire une production spontanée de la terre ».
L’« âge d’or » selon Platon (271e-272a) II. • « D’autre part, ils vivaient nus, dormant au pâturage, le plus souvent sans lit, à la belle étoile: c’est que, par la façon dont les saisons étaient tempérées, ils étaient préservés d’avoir à en souffrir; c’est aussi que molles étaient leurs couches, étant faites de gazon qui à profusion poussait de la terre ».
Evaluation ambivalente de l’âge d’or par Platon (272b-d) I. • « Suppose les nourrissons de Cronos, ainsi pourvus d’un copieux loisir,[…] pour réaliser un enrichissement de la pensée: cette supposition faite, il te sera facile de décider que, par rapport au bonheur, les gens de ce temps-là étaient mille et mille fois supérieurs aux hommes d’à présent ».
Evaluation ambivalente de l’« âge d’or » par Platon (272b-d) II. • « Suppose-les, en revanche, une fois gorgés à satiété de nourritures et de boissons, se racontant les uns aux autres, ainsi qu’aux bêtes, des légendes du genre de celles qu’à leur sujet on raconte à présent, voilà encore de quoi, au moins à le déclarer selon mon opinion personnelle, il ne serait pas moins facile de décider ».
L’«âge de fer » et Prométhée chez Platon (274b-d) • « Comme […] toutes celles des bêtes, en grand nombre, dont le naturel n’était point commode, revenaient à l’état sauvage […], ils étaient par elles mis en pièces. En outre, dans les premiers temps, ils étaient encore dépourvus de moyens et sans industrie, du fait que leur faisait défaut l’alimentation spontanée […], ils ignoraient jusqu’alors la possibilité de se la procurer autrement […]. Telle est donc l’origine de ces bienfaits dont, selon d’antiques légendes, des Dieux nous ont fait bénéficier, en y joignant les enseignements et l’apprentissage exigés par leurs présents: le feu, don de Prométhée; les arts, dons d’Héphaïstos et de la Déesse qui est sa collaboratrice ».
Les Phénomènes, 100-136 Aratos de Soles (IIIe s.a.C.)
«L’âge d’or » chez Aratos (108-113) • « En ce temps-là, ils ignoraient encore la chicane funeste, les rivalités préjudiciables et les désordres de la guerre. Et ils vivaient sans avoir besoin d’autre chose; la mer et ses épreuves restaient loin de leur pensée, les navires n’apportaient pas encore de vivres des pays lointains; les bœufs, les charrues, et elle-même , Justice […] leur procuraient tout en abondance ».
« L’âge d’argent » chez Aratos (114-117) • « Justice fut là tant que la terre continua à nourrir la race d’or, mais celle d’argent, elle ne la fréquentait que peu et mal volontiers, car elle regrettait les mœurs des anciens peuples. Cependant, même sous la race d’argent, elle était encore là ».
« La race de bronze » chez Aratos (vv.129-134) • « Mais quand ceux-là moururent à leur tour, et qu’apparurent les hommes de la race d’airain, plus affreux que les précédents, qui les premiers forgèrent le couteau criminel des grands chemins, et les premiers aussi dévorèrent la chair des bœufs laboureurs, alors Justice prit cette race en haine et s’envola vers le ciel ».
Prométhée, créateur de l’humanité? (bas-relief italien, IIIe s.)
« Mais le brave fils de Japet […] déroba, au creux d’une férule, l’éclatante lueur du feu infatigable; et Zeus […] s’irrita en son âme, quand il vit briller au milieu des hommes l’éclatante lueur du feu »(565-569. Hésiode, Théogonie (520-616) Heinrich Fueger, 1868)
« Zeus le chargea de liens inextricables, entraves douloureuses qu’il enroula à mi-hauteur d’une colonne. Puis il lâcha sur lui un aigle aux ailes éployées; et l’aigle mangeait son foie immortel, et le foie se reformait la nuit… » (521-525). Hésiode, Théogonie (520-616) Gustave Moreau, 1868
Hésiode, Théogonie (520-616) • « Et quand, en place d’un bien, Zeus eut créé ce mal si beau, il l’amena où étaient dieux et hommes, superbement paré […]; et les dieux immortels et les hommes mortels allaient s’émerveillant à la vue de ce piège, profond et sans issue, destiné aux humains. Car c’est de celle-là qu’est sortie l’engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des hommes mortels » (585-592).
« C’est que les dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes; sinon, sans effort, tu travaillerais un jour, pour récolter de quoi vivre toute une année sans rien faire » (42-44). « La race humaine vivait auparavant sur la terre à l’écart et à l’abri des peines, de la dure fatigue, des maladies douloureuses, qui apportent le trépas aux hommes » (90-92). Hésiode, Les travaux et les jours (41-105)
« A cette femme, il donne le nom de Pandore, parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce présent, font présent du malheur aux hommes qui mangent le pain » (80-82). Hésiode, Les travaux et les jours (41-105)
« Oui, c’est pour avoir fait un don aux mortels que je ploie sous ce joug de douleurs, infortuné! Un jour, au creux d’une férule, j’emporte mon butin, la semence du feu par moi dérobée, qui s’est révélée pour les hommes un maître de tous les arts, un trésor sans prix » (107-111). Eschyle, Prométhée enchaîné Nicolas-Sébastien Adam, 1705-1778
Avant les dons de Prométhée (selon Eschyle) • « Ecoutez en revanche les misères des mortels, et comment des enfants qu’ils étaient j’ai fait des êtres de raison, doués de pensée […]. Au début, ils voyaient sans voir, ils écoutaient sans entendre et, pareils aux formes des songes, ils vivaient leur longue existence dans le désordre et la confusion » (443-450).
« Ils faisaient tout sans recourir à la raison, jusqu’au moment où je leur appris la science ardue des levers et des couchers des astres. Puis ce fut le tour de celle du nombre, la première de toutes […], ainsi que celle des lettres assemblées, mémoire de toute chose, labeur qui enfante les arts » ( 447-461). « Oui, j’ai délivré les hommes de l’obsession de la mort […]. J’ai installé eu eux les espérances aveugles » (248-250). Les dons de Prométhée (selon Eschyle)
« Ils cherchaient donc à se rassembler et à fonder des villes pour se défendre. Mais, une fois rassemblés, ils se lésaient réciproquement, faute de posséder l’art politique; de telle sorte qu’ils recommençaient à se disperser et à périr » (322a-b). « Zeus alors, inquiet pour notre espèce menacée de disparition, envoie Hermès porter aux hommes le respect et la justice, afin qu’il y eût dans les villes de l’harmonie et des liens créateurs d’amitié » (322c). Platon, Protagoras (320c-322d)