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Toxicologie et cancer. Académie lorraine des sciences 13 mai 2007 Docteur Elisabeth Luporsi Centre Alexis Vautrin. Quelques données générales. Estimation des cas de cancer aux Etats-Unis en 2006. homme 720 280. femme 679 510. Prostate 33% poumons bronches 13% Côlon & rectum 10%
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Toxicologie et cancer Académie lorraine des sciences 13 mai 2007 Docteur Elisabeth Luporsi Centre Alexis Vautrin
Estimation des cas de cancer aux Etats-Unis en 2006 homme720 280 femme679 510 Prostate 33% poumons bronches 13% Côlon & rectum 10% Vessie syst. urinaire 6% Mélanomes 5% lymphome non hodgkinien 4% rein 3% Orl 3% Leucémie 3% Pancréas 2% autres 18% • 31% sein • 12% poumons bronches • 11% Côlon & rectum • 6% corps uterus • 4% lymphome non hodgkinien • 4% Mélanomes • 3% Thyroide • 3% Ovaire • 2% vessie et syst. urinaire • 2% Pancréas • 22% autres
Décès par cancer aux Etats Unis en 2006 Homme291 270 Femme273 560 • poumons 31% • Côlon & rectum 10% • Prostate 9% • Pancréas 6% • Leucémie 4% • Foie 4% • oesophage 4% • Lymphomesnon-Hodgkin 3% • Vessie, syst.urinaire 3% • Rein 3% • Autres 23% • 26% poumons • 15% sein • 10% Côlon & rectum • 6% Pancréas • 6% Ovaire • 4% Leucémie • 3% lymphome non-Hodgkin • 3% corps de l’utérus • 2% myélome • 2% cérébral • 23% autres ONS=Other nervous system. Source: American Cancer Society, 2006.
Evolution de l’incidence des cancers invasifs du sein en fonction de l’âge American Cancer Society, Surveillance Research, 2003
Stades au diagnostic en fonction des pays en Europe (Eurocare2)
Les facteurs de risque de cancer • Génétiques • 10 à 15 % des cancers ont une prédisposition génétique • Personnels : • hormonaux, nombre d’enfants… • Modes de vie : • alcool et tabac (important et bien mesuré), alimentation (important mais mal mesuré)… • Environnementaux • Certains facteurs de risque sont modifiables • Les risques se multiplient : • par exemple tabac x4, alcool x4 la combinaison des 2 donne x16 !
Cancérogenèse = processus multi-étapes Polypose Adénomateuse Familiale
MODELE DE KNUDSON prédispositiongénétique : mutation constitutionnelle + mutations environnementales - âge plus précoce < 40 ans - bilatéral - multifocal - cancers multiples On n’hérite pas d’un cancer mais d’une prédisposition à développer un cancer
MODELE DE KNUDSON sporadique : mutations environnementales - âge moins précoce - unilatéral - unifocal
Hommes: morbidité et mortalité par cancer en 2000(taux pour 100 000 à âge égal) et facteur multiplicatif X entre 1980 et 2000
Femmes: morbidité et mortalité par cancer en 2000taux pour 100 000 à âge égal) et facteur multiplicatif X entre 1980 et 2000
Décalage • Les effets observés sur la santé en 2006 sont la conséquence des comportements du passé • Ainsi, la mortalité due au tabac à 70 ans dépend d'habitudes prises à 20 ans c'est à dire vers 1950
Des constats anciens 1775 cancer de la peau du testicule des ramoneurs 1900 cancer du poumon des mineurs (exposition au radon) cancer de la peau des radiologistes, des agriculteurs facteurs de risque
Des phénomènes à forte latence - Le délai entre exposition et cancer peut être long. - La durée de cette période de latence dépend : • de l'individu • de l'intensité et de la durée de l'exposition • du type de cancérigène • de l'association à d'autres facteurs - Latence après Hiroshima et Nagasaki : - Leucémies, pic d'incidence 5 ans après l'exposition - Tumeurs solides, excès d'incidence continuant à augmenter pendant 15 à 20 ans.
Les causes connues de cancersen toxicologie Le Centre International de Recherche sur le Cancer (IARC), qui dépend de l'OMS, classe les substances ou expositions en : - certainement cancérogènes pour l'homme - probablement cancérogènes pour l'homme - possiblement cancérogènes pour l'homme - inclassable- probablement non cancérogène pour l'homme Liste à jour sur www.iarc.fr
Mortalité par cancer : part attribuable Tabac 24% Alcool 11% Alimentation 35% Infections 15% Hormones de la reproduction 12% Radiations (UV, radon, …) 5% Expositions professionnelles 2% Pollution 2% Inactivité physique 1% Pratiques médicales <1% Adapté à la France à partir de Doll R. The causes of cancer. RESP 2001
Focus sur le tabac : du poumon (x 15 à 30)- du larynx (x 10)- de la bouche et du pharynx (x 4 à 5)- de l'œsophage (x 2 à 5)- des voies urinaires (x 3)- du pancréas (x 2 à 4) -mutiplication des risques amiante et tabac Source: Vineis et al. JNCI 2004 Fumer augmente très nettement le risque de cancer
Focus sur l’alcool - de l'œsophage (x3)- de la bouche, du pharynx et du larynx (x2)- du foie (x1,5)- du sein (x1,2) Source: Doll RESP 2001 Consommer de l’alcool augmente très nettement le risque de cancer
Difficultés d’interprétation • Certains produits chimiques non nocifs peuvent le devenir si combinés à d’autres produits interactions • Chaque nouveau produit mis sur le marché augmente le nombre de combinaisons chimiques dans notre environnement. Ainsi les risques d’interaction à effet nocif augmentent • Le standard de certitude de causalité doit atteindre 95% (standard en recherche scientifique). Il est inconcevable d’attendre la certitude de causalité : Principe de précaution : on peut agir dès que l’on dispose d’indices des effets nocifs protection : les manufacturiers doivent prouver que leurs produits sont sécuritaires avant leur mise sur le marché Bonne pratique de santé publique mais nombreuses embûches : la mobilisation de la population est utile
théorie • Prédisposition génétique et pas de toxiques -pas de cancer • Pas de prédisposition génétique et toxiques pas de cancer • Moment de l’interaction : pendant la puberté par exemple pour le cancer du sein
Les xéno-oestrogènes • Imite l’action de l’œstrogène • Sont dans les pesticides, insecticides, détergents, solvants à peinture, plastiques • Dans l’air lors de la fabrication de ces produits • Ces substances font croître les cellules du sein in vitro • Lien probable mais pas certain, difficultés d’extrapoler à l’homme
Mécanismes de défense : détoxication des cancérogènes • Au sein de la cellule: • « Outils » de transformation chimique : enzymes dont certaines vont « activer » le toxique • D’autres participent à l’élimination et à la neutralisation du produit • Ainsi lorsqu’une cellule est attaquée par un produit, elle peut se défendre de 2 manières : soit en diminuant l’activité des enzymes responsables de l’activité du toxique, soit en augmentant l’activité des enzymes participant à son élimination. • La cellule peut recevoir des « aides extérieures » : certaines molécules présentes dans les végétaux et certains médicaments qui augmentent les capacités de défense des cellules , ce sont des chimioprotecteurs
Dioxine et cancer • Molécule classée substance cancérigène par l’OMS, surveillance par le ministère de l’agriculture et de la pêche • 419 types de composés apparentés à la dioxine, dont 30 considérés avec une toxicité importante, TCDD (tétrachlorodibenzodioxine) est le plus nocif • Résidus combustion industrielles ou naturelles environnement chaine alimentaire • Incinérateurs de déchets (combustion incomplète) • Plus on se trouve en bout de chaîne alimentaire, plus la concentration est élevée • Tests de toxicité : substance très toxique à de très faibles concentrations mais flou sur les éventuelles corrélations • DJT : dose journalière tolérable
Dioxine (suite) • EPA (agence de protection de l’environnement) américaine en mai 2000, le risque de cancer est 10 fois plus élevé : responsable de 100 des 1400 décès par cancers observés chaque jour aux US nouvelle réglementation en cours. Forte critique sur l’action de l »EPA • Réglementation meures prises en 1970 • Mais voie alimentaire expose au risque de cancer • Bibliographie contradictoire : car les cobayes et animaux sont très sensibles à la dioxine mais pas l’homme • Seveso : aucun décès humain/ 10 après moins de cas de cancers comparaison par rapport à une zone de référence non touchée • Problème de dose : - si doses massives : cancer, - si doses faibles et exposition aux aflatoxines par exemple cancer • Exemples : lait maternel pays bas, incinérateur de Gilly sur Isère • INVS du 30 novembre 2006 : demande d’un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs
Les déodorants et les anti-transpirants • Utilisation fréquente de déodorants et antitranspirants • Rôle possible du Parabens (ester de p-hydroxybenzoic acid) et des sels d’aluminium car absorption par la peau mais lente ; • Lien entre rasage (électrique ou non) et pénétration cutanée • Rôle possible Parabens et estrogènes in vitro pour la croissance des cellules ( lignées MCF7 et ZR-75-1) et in vivo favorise la croissance des cellules utérines chez la rate • Relation cancer du sein et estrogènes • Information Internet • Les risques se multiplient…
Antitranspirants et déodorants: définition • Antitranspirant à base de sels d’aluminium : lutte contre le flux de transpiration et la dégradation de la sueur (bactéries) • Déodorant à base de bactéricides (éthanol, triclosan…) : lutte contre les mauvaises odeurs Le parabens était un conservateur de certaines matières premières qui composaient la formule N’est plus utilisé comme actif de déodorants
Bibliographie • Articles en faveur du risque • An earlier age of breast cancer diagnosis related to more frequent use of antiperspirants/deodorants and underarm shaving. McGrath KGEur J Cancer Prev. 2003 Dec; 12(6):479-85. • Significance of the detection of esters of p-hydroxybenzoic acid (parabens) in human breast tumours. Harvey PW, Everett DJJ Appl Toxicol. 2004 Jan-Feb; 24(1):1-4. • Environmental oestrogens, cosmetics and breast cancer. Darbre PDBest Pract Res Clin Endocrinol Metab. 2006 Mar; 20(1):121-43. • Articles en défaveur • Antiperspirant Use and the Risk of Breast Cancer. Mirick DK, Davis S, Thomas DB. J Natl Cancer Inst. 2002 Oct 16; 94(20):1578-80. • Parabens in cosmetics: something to worry about? Lorette G.Presse Med. 2006 Feb; 35(2 Pt 1):187-8. • Articles ni pour, ni contre et suggérant des études complémentaires • Do underarm cosmetics cause breast cancer? Gikas PD, Mansfield L, Mokbel KInt J Fertil Womens Med. 2004 Sep-Oct; 49(5):212-4.
Articles en faveur du risque McGrath 2003 : Chicago • 437 cancers du sein : 4 groupes selon utilisation et rasage, pas de bras contrôle (plus jeunes utilisatrices / plus âgées non utilisatrices) • Etude rétrospective • Âge du diagnostic du cancer plus jeune de 22 ans chez les utilisatrices de déodorants (au moins 2 fois par semaine) et celles qui se rasent (au moins 3 fois par semaine) • Âge de moins de 16 ans pour ces 2 habitudes d’hygiène : facteur de risque • Relation mais pas causalité études complémentaires et autres facteurs de risque Critiquable car :- Absence de témoins- Seul constat, les femmes plus jeunes utilisent des déodorants
Articles en faveur du risque : Harvey 2004 : North Yorkshire, UK “Significance of the detection of esters of p-hydroxybenzoic acid (parabens) in human breast tumours” • Étude complémentaire à celle de Darbre et al. (2004) relatée dans “Concentrations of Parabens in Human Breast Tumours » qui rapportait que les esters de p-hydroxybenzoic acid (parabens) pouvaient être détectés dans des échantillons de tissus issus de tumeurs de cancer du sein. • Le lien avec le fait de trouver des parabens dans des échantillons de tumeur est discuté dans cet article: (1) design de l’étude de l’équipe de Darbre ; (2) qu’est-ce qui peut être conclu ou non de ce type d’étude ? (3) la toxicologie de ces produits ; (4) les limites de la base de données existante et le besoin de considérer des données appropriées aux expositions humaines. • Il est conclu au terme de cet article que des études plus approfondies sont nécessaires pour démontrer les hypothèses logiques de Darbre et al. car rien ne démontre que l’accumulation de parabens soit liée à l’utilisation de déodorant.
Articles en faveur du risque : Harvey 2004 • Parabens mime l’activité hormonale des estrogènes, qui sont promoteurs du cancer du sein et font croître les cellules in vitro et in vivo accumulation de parabens dans les cellules Critiquable car :- Etude biologique constituée d’hypothèses et non argumentée sur un facteur de risque
Articles en faveur du risque :Darbre 2004 • Petite étude (par chromatographie et spectrométrie) sur 20 échantillons de cellules de sein : montre que l’accumulation de parabens est liée aux déodorants • Ne prouve pas la causalité, • Pas d’études sur d’autres tissus que le sein • Pas de notion de récepteurs hormonaux au niveau des tumeurs • Pas de connaissance des autres facteurs de risque • Pas notion d’utilisation de déodorants Critiquable car :- Echantillon faible- Pas de notion de facteurs de risque et d’utilisation des déodorants
Articles en faveur du risque : Darbre 2006 : school of Biological Sciences, Reading, UK “Environmental oestrogens, cosmetics and breast cancer” • Hypothèse : stockage de nombreux produits chimiques (pesticides, produits de beauté…) pouvant se retrouver dans le sein et ayant une activité estrogénique • Étude effectuée : mesure de la présence de ces produits chimiques (parabens, sels d’aluminium, cyclosiloxane, triclosan…) dans différentes parties du corps humain • Résultats : mise en évidence d’un rôle fonctionnel des interactions combinées des produits chimiques cosmétiques avec les estrogènes environnementaux, les estrogènes pharmacologiques, les phyto-estrogènes et les estrogènes physiologiques dans l’incidence naissante du cancer de sein Critiquable car :- Etude regroupant des données réalisées hors d’un cadre méthodologique statistique- Pas de lien
Articles en défaveurMirick 2002 : Fred Hutchinson Cancer Research Center, Seattle (1600 femmes) • Pas d’augmentation du risque • 813 cas de cancers du sein, 793 témoins sans cancers du sein • 90% d’utilisation de déodorants • Pas d’augmentation du risque avec une utilisation régulière quelque soit le type de rasage et le délai de moins d’une heure/ au rasage • OR : 0.9, p=0.23 antitranspirant • OR : 1.2, p=0.19 déodorant • OR : 0.9, p=0.40 antitranspirant et moins d’une heure après rasage • OR : 1.2, p=0.16 déodorant et moins d’une heure après rasage • Etude fiable et de bonne qualité Etude intéressante car : - Groupe témoin - Population importante - Bonne qualité méthodologique
Articles en défaveur et suggérant des études complémentaires : Lorette 2006, Université François-Rabelais, Tours “Parabens in cosmetics: something to worry about?” • Constats : • Plus grande fréquence de cancer du sein dans le quadrant supéro-externe des seins, zone proche de la zone d’application des déodorants et/ou anti-transpirants • Présence de parabens et autres produits chimiques potentiellement dangereux dans les déodorants et anti-transpirants • Relation cancer du sein et estrogène établie • Effet estrogénique faible du paraben • Présence de parabens dans des tumeurs de cancer du sein • Contre-arguments : • Est-ce que la plus grande fréquence de cancer du sein dans le quadrant supéro-externe des seins ne serait pas liée à la plus grande quantité de tissu mammaire dans ce quadrant ? • Il n’y a pas plus de cancer du sein chez la femme qui utilise des anti-transpirants que chez celle qui n’en utilise pas • Les parabens trouvés dans les échantillons tissulaires peuvent avoir une autre origine, notamment alimentaire • Un faible effet estrogénique observé dans des conditions expérimentales ne veut pas dire que des effets estrogénique cliniques existent dans l’espèce humaine Editorial qui insiste sur le rôle des médecins qui doivent s’appuyer sur des données scientifiques et non pas céder à la pression médiatique, de façon à répondre au mieux aux patients
Au final sur l’hypothèse du rôle cancérigène des déodorants et antitranspirants: • Pas de preuve de l’effet • Effet estrogènique faible pour les parabens et nul pour les sels d’aluminium • Sources multiples de composés chimiques (alimentation…) • Effet < 1.20 (alcool : 3,4 à 6,7)
En résumé sur le sujet des déodorants et antitranspirants • Risque faible • Autres facteurs • Estrogènes circulants sont 500 à 10 000 fois plus puissants que le parabens • Le parabens est utilisé également ailleurs que dans les déodorants (alimentation, médicaments, cosmétologie et hygiène de façon générale) • Avis de la communication oncologique internationale (NCI) : pas d’augmentation du risque • Avis des autorités : SCCP (Europe), AFSSAPS (France) : pas de preuve scientifique, études complémentaires demandées sur la pénétration in vitro
Cancer et coloration des cheveux plusieurs études, pas d’augmentation du risque -Etude de cohorte (Thun) : 574000 femmes risque est de 0.95 (0.98-1.08) -Etude cas-témoin : Cook 844 cas et 960 témoins : risque de 1,3 (1,0 - 1,6)
conclusion • Des risques majeurs : tabac, alcool, alimentation (riches en graisse, pauvres en légumes, ..) • D’autres risques connus et moins connus • Une pression médiatique brouillant les cartes amplifiée par internet (cf les hoax, responsabilité juridique de celui qui relaie) • Des études publiées pas toujours réalisées suivant une méthodologie rigoureuse, une critique contradictoire qui reste à organiser • Des études à poursuivre malgré les durées longues inhérentes aux phénomènes en jeu • Quelle application du principe de précaution?
C’est fini ! Merci de votre attention