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Quelques éléments de cadrage sur le vieillissement et la dépendance. Mireille ELBAUM Professeure au CNAM. I. Les projections démographiques à l’horizon 2060.
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Quelques éléments de cadrage sur le vieillissement et la dépendance Mireille ELBAUM Professeure au CNAM
I. Les projections démographiques à l’horizon 2060 • L’INSEE vient de renouveler en octobre 2010 ses projections de population en les portant à l’horizon 2060 (les précédentes dataient de 2006), mais les projections de population active correspondantes n’ont pas encore été revues. • Les hypothèses retenuesdans le cadre du scénario central sont les suivantes : - maintien de la fécondité à un niveau de 1,95 enfant par femme (1,9 dans les projections précédentes) ; - stabilisation du solde migratoire à un niveau estimé de +100 000 personnes par an ; - poursuite de la baisse de la mortalité, avec une espérance de vie atteignant pour les femmes 91,1 ans en 2060, et un resserrement des écarts avec les hommes, dont l’espérance de vie atteindrait 86 ans. • Dans ce scénario central,la population continuerait à augmenter régulièrement en France métropolitaine, jusqu’à 72,3 millions en 2050 et 73,6 millions en 2060. Sa croissance serait ininterrompue mais de moins en moins rapide, et le solde naturel deviendrait à partir de 2040 plus faible que le solde migratoire. • Malgré cette augmentation, le vieillissement de la population se poursuivrait, en s’accélérant : • les personnes âgées de 60 ans ou plus représenteraient 26,4% de la population en 2020, 31% en 2040, et 32% en 2060 ; - les seules personnes âgées de 75 ans ou plus compteraient pour 9,4% en 2020, 14,7% en 2040 et 16,2% en 2060.
Les projections démographiques à l’horizon 2060 (suite) • Six principales variantes ont été réalisées pour tester la sensibilité de ces hypothèses. • Ce sont les variantes de fécondité qui ont le plus d’impact sur l’évolution de la population totale, avec un écart de près de 8 millions de personnes en 2060 entre les variantes de fécondité « haute » et « basse ». • Un écart de plus 7 millions d’habitants potentiels existe aussi entre les variantes « haute » et « basse » de solde migratoire.
Les projections démographiques à l’horizon 2060 (suite) • Aucune de ces variantes ne remet toutefois en cause le vieillissement de la population : • La proportion des 60 ans et plus en 2060 varierait entre 30,5% (variante fécondité haute) et environ 34% (variantes fécondité basse ou espérance de vie haute) selon la variante retenue. Même le cumul de toute les variantes favorables ne la ferait pas descendre au dessous de 29%. • Le ratio de « dépendance » entre les personnes d’âge inactif (moins de 20 ans et plus de 60 ans) et d’âge actif (20-59 ans) passerait de 86% en 2007 à 118% en 2060 dans le scénario central. C’est l’évolution potentielle de l’espérance de vie qui a le plus fort impact sur ce ratio, qui augmenterait toutefois inéluctablement dans une fourchette de 114 (espérance de vie basse) à 123 selon les variantes. • Le rapport entre les seules personnes âgées et celle d’âge actif passerait dans la variante centrale : • de 40% en 2007 à 70% en 2060 avec une limite d’âge de 60 ans (60 ans et plus /20 à 59 ans), • de 28% en 2007 à 52% en 2060 avec une limite d’âge à 65 ans (65 ans et plus /20 à 64ans),
Les projections de l’INSEE pour la France (suite) • Quelles que soient les politiques suivies en matière de fécondité et de migrations, ce vieillissement est inéluctable, car lié aux deux facteurs que sont l’arrivée des baby-boomers aux âges élevés et l’allongement séculaire de l’espérance de vie • L’analyse des projections démographiques présentes et passées réalisée en 2008 par D. Blanchet et F. Le Gallo confirme à cet égard : • les interactions entre fécondité et migrations, la poursuite de l’augmentationde la population d’âge actif pouvant être assurée avec une descendance supérieure à 1,9 enfant par femme et un solde migratoire de +100 000. • le caractère inéluctable du « vieillissement par le haut » lié à l’allongement de la durée de la vie en tant quefacteur dominant du vieillissement, qui se retrouve dans tous les scénarios de projection. → Ce vieillissement n’est pas réversible par le biais d’une remontée de la fécondité ou de l’immigration : . il faudrait un doublement du taux de fécondité (de 1,9 à 3,8) pour stabiliser à long terme le rapport entre les plus de 60 ans et les 20-59 ans… . ou des migrations « explosives » pour parvenir au même résultat, dans la mesure où les migrants d’abord actifs deviennent eux aussi des retraités…ce qui appellerait des vagues migratoires de plus en plus élevées…
Le risque de dépendance et de perte d’autonomie • L’impact du vieillissement de la population sur les besoins de prise en charge des personnes dépendantes est plus tardif qu’en matière de retraites, puisque la dépendance touche essentiellement les personnes âgées de plus de 75 ou même 80 ans. Une première augmentation est à attendre d’ici 2010 du fait des cohortes nées après la première guerre mondiale, mais les conséquences du baby-boom se feront sentir à partir de 2025-2030. • L’estimation du nombre de personnes âgées dépendantes est en elle-même difficile, car elle repose sur des grilles d’évaluation qui peuvent être différentes et prennent plus ou moins en compte les problèmes de dépendance psychique. L’estimation fondée sur les incapacités déclarées par les intéressés dans les enquêtes peut par ailleurs être différente de celle provenant d’équipes médico-sociales). • Les principales grilles utilisées sont : la grille Colvez qui mesure la perte de mobilité en 4 niveaux, la grille EHPA qui y adjoint les troubles du comportement et la désorientation, l’indicateur de Katz qui évalue les capacités à effectuer les actes de la vie quotidienne et, pour l’APA et la tarification des établissements, l’outil AGGIR. Celui-ci comprend dix variables, qui aboutissent à la définition de six « groupes iso-ressources » (GIR) : les GIR 1 à 3 regroupent les personnes considérées comme très dépendantes, le GIR 4 les personnes modérément dépendantes. • Les premiers résultats de l’enquête Handicap-Santé de 2009 ont été publiés pour les personnes de plus de 20 ans vivant à domicile. La DREES a ainsi conduit une étudedistinguant les différentes limitations fonctionnelles et restrictions d’activité dans les groupes d’âge en deçà et au-delà de 60 ans (Dos Santos et Makdessi, 2010).
Le risque de dépendance et de perte d’autonomie (suite) • Elle confirme l’augmentation des limitations et restrictions avec l’âge, mais celles-ci sont d’ampleur différente, faisant apparaître des problèmes différenciés : • 25% des plus de 60 ans déclarent au moins une limitation physique absolue; • 14% une limitation cognitive grave (contre 8%); • 4% une restriction absolue pour les activités essentielles de la vie quotidienne (contre 0,4%); • 18% une restriction absolue pour les activités instrumentales (contre 3%) • Le basculement est encore plus flagrant au-delà de 80 ans : 52% des personnes ayant atteint cet âge ayant une limitation physique absolue et 44% une restriction des activités instrumentales
Le risque de dépendance et de perte d’autonomie (suite) • L’étude tente par ailleurs une typologie en quatre groupes caractérisés par des degrés d’autonomie différents : autonomie totale, autonomie modérée, dépendance et forte dépendance. Selon cette classification, parmi les personnes vivant à leur domicile : • 17% des 60-79 ans (1,4 M) et un quart des 80 ans et plus (661 000) souffriraient d’une perte d’autonomie modérée ; • 2,7% des 60-79 ans (273000) et 11 % des 80 ans et plus (277000) connaîtraient une situation de dépendance ; • 0,6% des 60-79 ans (61 000) et 2,5% des 80 ans et plus (62 000) seraient enfin « fortement dépendants ». • Préalablement à la nouvelle enquête Handicap-Santé, l’estimation du nombre de personnes âgées dépendantes avait été réalisée à partir de celle de 1998-1999, etdes projections réalisées par l’INSEE et la DREES, et actualisées lors des travaux du Commissariat au Plan conduits en 2005 sur l’hébergement des personnes dépendantes • Les principaux facteurs qui influent sur ces projections sont : - l’accroissement du nombre des personnes âgées de 75 ans et plus, que les nouvelles projections de l’INSEE évaluent à 6,2 millions en 2020 (soit 1,18 fois plus qu’en 2007), et à 11,9 millions en 2060 (soit 2,27 fois plus) ; - l’évolution de l’espérance de vie sans incapacité, qui s’est accrue continuellement dans les années 1980 et 1990, du moins pour la dépendance physique, car il est plus difficile d’apprécier ce qu’il en est des troubles psychiques et des démences. Or, il semblerait y avoir eu un ralentissement de cette progression, la tendance semblant désormais être à une diminution limitée de la prévalence de la dépendance lourde et à un maintien, voire une progression de la dépendance légère.
Le risque de dépendance et de perte d’autonomie (suite) • Les projections de 2005 avaient déjà écarté les scénarios les plus optimistes, et retenu deux hypothèses d’évolution pour les GIR 1 à 4 : - une hypothèse basse (optimiste) de stabilité de la durée de vie en dépendance (hypothèse haute également retenu dans les projections qui viennent d’être relancées. - une hypothèse haute (pessimiste) de légère augmentation de cette durée , avec un taux de prévalence par âge se réduisant de 1% par an • L’hypothèse pessimiste des nouvelles projections sera moins favorable, avec une stagnation de la fréquence de la dépendance à chaque âge, une hypothèse intermédiaire étant aussi enisagée. • Sur la période 2005-2030, l’augmentation attendue du nombre de personnes âgées dépendantes pourrait ainsi varier de 200 à 370 000 (+25 à +43%). Elle serait de 200 à 335 000 (+30 à + 49%) pour les seules personnes âgées de 75 ans et plus, principalement touchées par la dépendance et potentiellement concernées par l’institutionnalisation
Les dépenses sociales liées à la dépendance • L’estimation des dépenses liées à la dépendance est un exercice encore moins aisé dans la mesure où, à côté des prestations qui y sont dédiées, figurent un ensemble important d’exonérations sociales et fiscales : réduction d’IRPP pour les personnes âgées en établissement, déductibilité de l’APA, déduction forfaitaire pour les descendants qui hébergent une personne âgée dépendante, majoration du nombre de parts, crédit d’impôt sur les équipements liés à la perte d’autonomie, exonérations sociales et réduction d’impôt pour l’emploi de personnels à domicile ou le recours à des prestations d’aide ménagère… • Une partie des dépenses d’assurance maladie (ONDAM médico-social, soins infirmiers, dispositifs médicaux), mais également des dépenses de vieillesse (aide ménagère, action sociale en faveur des personnes âgées) y est en outre consacrée, de même qu’une part des aides au logement, dont bénéficient notamment les personnes en établissement. • La Cour des comptes a tenté en 2005 une estimation des dépenses publiques liées à la dépendance en distinguant le « noyau dur » des aides consacrées à la compensation (4,16 Md€ en 2003); les aides dont les personnes âgées dépendantes sont de fait les bénéficiaires (11,38 Md€) ; les autres aides aux personnes âgées, dont la prise en compte (dépenses d’assurance maladie et exonérations fiscales bénéficiant aux personnes âgées) irait jusqu’à multiplier ces montants par 2,6. • Cette estimation a été réactualisée et confirmée pour 2007-2008 par le rapport de la mission parlementaire d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Celui-ci évalue les dépenses publiques de prise en charge de la dépendance à 19 à 21,4 Md€ en 2008 (si l’on inclut les exonérations de cotisations sociales), soit 1 à 1,1 point de PIB (tableau). Elles seraient de 22,7 Md€ pour 2010 (graphique).
Les dépenses sociales liées à la dépendance (suite) • L’évolution future de ces dépenses dépendra non seulement de la variation du nombre de personnes dépendantes, mais aussi et surtout des choix sociaux qui seront effectués concernant l’hébergement et la prise en charge de ces personnes : • selon que les politiques s’orientent fortement vers le maintien à domicile ou laissent subsister un recours important à l’hébergement en établissement. • selon l’évolution des taux d’encadrement en établissement, qui devront en tout état de cause augmenter du fait de la lourdeur accrue de la dépendance des résidants. • selon les parts respectives attribuées aux aidants familiauxet aux emplois « formels » pour fournir les aides au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. Les évaluations sont épineuses en la matière, car ces deux formes d’aide sont davantage complémentaires que substituables. Toutefois, on sait que : . davantage de personnes âgées devraient bénéficier d’une vie en couple aux âges élevés grâce à l’allongement de l’espérance de vie masculine et au resserrement des écarts entre hommes et femmes ; . ce phénomène sera atténué par la montée du célibat et des divorces; . le nombre des personnes âgées de 50 à 79 ans (qui constituent aujourd’hui la majorité des aidants familiaux) augmentera moins que celui des personnes dépendantes; . la hausse de l’activité féminine devrait réduire les disponibilités en matière d’aide informelle.
Les dépenses sociales liées à la dépendance (suite) • A partir des évaluations de la Cour des Comptes, le Centre d’analyse stratégique (CAS) avait défini en 2006 un scénario dit « du libre choix », qui comporte un effort soutenu de création de places en établissements jusqu’à 2010, un développement de l’hébergement temporaire, de l’accueil de jour et des services infirmiers à domicile, une progression des taux d’encadrement, une augmentation des heures d’aide à domicile pour les personnes isolées et un renforcement de l’attractivité de ces métiers. → L’augmentation des coûts de personnel associée serait de 0,5 à 0,6 point de PIB entre 2005 et 2025, les dépenses totales atteignant environ 1,5 point de PIB à cet horizon • La mission réalisée en 2007 par Mme Gisserot, procureur près la Cour des Comptes, sur les perspectives financières de la dépendanceà l’horizon 2025 confirme cette sensibilité aux frais de personnel, qui représentent environ 85% des coûts de prise en charge, et considère l’estimation du CAS comme un scénario intermédiaire → Elle évalue l’augmentation des dépenses sur 20 ans entre 0 et 0,7 à 0,9 point de PIB, selon que : • l’on s’impose de ne pas accroître les prélèvements obligatoires affectés à la dépendance • l’on prévoit au contraire une amélioration de la qualité des prises en charge et une limitation des restes à charge pesant sur les familles (et/ ou les assurances privées) • De son côté, la Commission européenne,qui part d’une estimation de dépenses plus élevée égale à 1,4 point de PIB en 2007, projette pour la France à l’horizon 2060 une augmentation comprise entre 0,7 (gains d’espérance de vie en bonne santé) ou 0,9 (impact mécanique du vieillissement) et 1,3 point de PIB (extension de la prise en charge formelle à travers l’institutionnalisation), avec un « scénario de référence » à +0,8 point de PIB.
L’évolution récente de l’APA • La montée en charge de l’APA a été très importante et s’est poursuivie de 2008 à 2010 : 1,185 M de personnes en bénéficiaient en septembre 2010 , dont 727 000 (61%) vivant à domicile et 458 000 (39%) en établissement. La hausse a été de 3,3% sur un an, après +2% en 2009, 3,4% en 2008 et 5,1% en 2007. • Il s’agit généralement de personnes très âgées, dont une sur deux avait en 2007 plus de 85 ans et une sur 4 plus de 89,5 ans. Ce sont dans 3 cas sur 4 des femmes. 35% des bénéficiaires à domicile sont mariés, contre 17% en établissement. • L’âge moyen d’entrée dans l’allocation était de 83 ans en 2007, et les bénéficiaires la perçoivent pendant 4 ans en moyenne (un an de moins en établissement qu’à domicile). • 45% des bénéficiaires sont modérément dépendants : 58% des bénéficiaires à domicile et 24% en établissement relèvent ainsi du GIR 4. A contrario, 16% des bénéficiaires en établissement relèvent du GIR 1, contre 2,6% à domicile • Leurs ressources étaient en 2007 en moyenne de 1056 € par mois et inférieures à 670 € dans un quart des cas. • Les plans d’aide valorisés sont stables et inférieurs en moyenne de 31% aux plafonds nationaux Le montant moyen de l’allocationversée était en septembre 2010 voisinde491 € à domicile et 498 € en établissement • 77% des bénéficiaires à domicile paient un ticket modérateur. Environ un quartdu montant des plans d’aide à domicile et un tiers des tarifs dépendance en établissement (29,5% pour les GIR 1 et 2) restent à charge des bénéficiaires.
Quelle prise en charge du risque de « perte d’autonomie » ? • Les réformes annoncées en matière de dépendance font référence à l’idée d’instaurer un « cinquième risque » au sein de la protection sociale, consacré à la perte d’autonomie des personnes âgées. • La notion de « cinquième risque » peut être entendue de diverses façons, compte tenu de la décentralisation des « aides à la compensation » (APA et PCH) qui prévaut dans le système français, mais elle implique a priori : - la constitution d’un champ de prise en charge large et cohérent, - la prise en compte à la hauteur nécessaire des besoins liés au vieillissement de la population, - l’affectation de ressources pérennes et suffisantes eu égard aux choix sociaux d’aide et d’hébergement, - une plus grande universalité des couvertures : rapprochement des aides en faveur des personnes âgées et handicapées, adaptation des aides au coût réel des soins et services, maintien ou amélioration de la qualité des prises en charge, limitation des restes à charge auxquels sont confrontées les personnes dépendantes (CNSA, 2007 ; Elbaum, 2008). • Les orientations envisagées en 2008 par le Gouvernement comportaient des réponses en termes de capacités et de coûts d’hébergement, mais sans harmonisation prévue des aides aux personnes âgées et handicapées ou de globalisation de la régulation du système. • L’objectif de plafonner les ressources publiques affectées au risque dépendance a conduit en outre à envisager une sélectivité accrue des prestations et une extension du recours à laprévoyance privée (Vasselle, 2008 ; Rosso-Debord, 2010). • Or, indépendamment même des critères d’équité, se pose la question de la capacité de l’assurance privée à permettre la couverture d’un risque comme celui de la dépendance dans des conditions économiquement efficaces.
Quelle prise en charge du risque de « perte d’autonomie » ? (suite) • Indépendamment même des critères de justice ou d’équité, l’analyse économique montre en effet qu’un certain nombre de facteurs doivent être pris en compte pour apprécier l’optimalité du fonctionnement des marchés assurantiels et l’utilité d’une intervention publique en ce domaine, qu’il s’agisse de règles concernant la sélection des assurés , de l’instauration d’une obligation d’assurance ou d’un système public de couverture. • Parmi ces facteurs, figurent : - la myopie des individus s’agissant de risques à long terme, - l’existence d’incertitudes sur la nature et l’évolution du risque assuré, - la capacité pour les assureurs à s’engager à horizon éloigné sans bouleverser les paramètres des couvertures proposées. -les problèmes de sélection des risques, qui peuvent conduire les assureurs soit à proposer des contrats trop onéreux pour les personnes à risque moyen ou limité soit à tenter sélectionner les risques, ce qui conduit à l’exclusion des personnes à hauts risques, confrontées à des coûts devenus prohibitifs.La réponse économiquement adéquate à ces problèmes de sélection consiste, comme pour l’assurance maladie, à garantir l’accès à une couverture universelle et obligatoire, assortie d’une tarification indépendante des caractéristiques liées au risque - les problèmes « d’aléa moral » - les coûts de gestion liés à la concurrence • A contrario, la concurrence peut permettre : • la définition de « paniers de services » correspondant à à la diversité des préférences individuelles, • l’intégration des fonctions d’assurance et de production des services sous l’égide d’une responsabilité unique , qui peut accroître l’efficience du système en réduisant les problèmes d’asymétrie d’information portant sur le coût et la qualité des prises en charge, et liés à l’existence de « relations d’agence » entre financeurs, prestataires et assurés.
Quelle prise en charge du risque de « perte d’autonomie » ? (suite) • Or, il existe des limites à la couverture par l’assurance indiviuelle, qui sont à la fois liées aux caractéristiques propres du risque dépendance, et étayées par les enseignements de l’expérience américaine, où le marché de l’assurance dépendance privée est relativement ancien, mais ne concerne qu’une fraction limitée de la population. • La dépendance est d’abord un risque à long terme susceptible d’être mal anticipé par la population, avec des phénomènes de « myopie temporelle », qui, si on laisse jouer les préférences instantanées des individus, sont de nature à conduire à une « sous-assurance » par rapport aux besoins (Pestieau et Ponthière, 2010). Les incitations fiscales peuvent certes contribuer à diminuer ces coûts anticipés, mais elles risquent de renforcer les différences entre les ménages aisés et modestes, qui ont une capacité réduite à souscrire. • L’ampleur potentielle du risque de « perte d’autonomie » donne par ailleurs lieu à d’importantes incertitudes, qui concernent assez peu la dépendance lourde ou totale, mais jouent fortement en matière de dépendance partielle et de dépendance psychique. - Ces incertitudes concernent à la fois l’identification de la dépendance, sa probabilité, et l’évolution future de la durée de vie en incapacité. - Elles risquent de conduire à une offre privée de couverture paradoxalement centrée sur la dépendance lourde, avec une offre de contrats s’accompagnant pour la dépendance partielle de restrictions visant notamment à sélectionner les risques. - Les difficultés que rencontrent les assureurs à identifier les « hauts risques » peuvent les inciter à procéder à une sélection médicale via des questionnaires d’état de santé, ou à proposer des polices soit trop restrictives, soit trop onéreuses pour couvrir l’ensemble des assurés et des besoins potentiels.
Quelle prise en charge du risque de « perte d’autonomie » ? (suite) • Les incertitudes portent également sur la difficulté à anticiper l’augmentation des coûts unitaires de prise en charge. Elles incitent le marché à proposer des prestations forfaitaires ne tenant pas compte du coût des services et /ou à prévoir des montants de primes révisables que certaines personnes (notamment des retraités) pourraient avoir des difficultés à verser. • Cette tendance du marché de l’assurance à aboutir à une couverture relativement onéreuse et/ou peu développée, est confirmée par l’observation des contrats existant en 2006 (Dufour-Kippelen, 2008. Elle interroge sur sa capacité à couvrir le risque de perte d’autonomie de façon optimale et généralisée, s’agissant d’uncomme un risque social reconnu. • Se posent par ailleurs des problèmes d’articulation entre les couvertures privées et publique, notamment pour ce qui concerne la reconnaissance du risque et les possibles révisions de leurs frontières respectives. • Ces limites économiques nécessiteraient pour être surmontées un changement complet de nature et de régulation du marché, comportant des modes de reconnaissance harmonisés de la perte d’autonomie, des obligations de souscription et de couverture, une interdiction de la sélection des risques, ainsi que la définition de « paniers de services » minimaux (Geoffard, 2010). • L’intérêt d’une offre d’assurance privée pourrait résulter dudéveloppement intégré de prestations de service associées,qui seraitsusceptible d’améliorer l’efficience des prises en charge, mais qui semble n’être envisagé qu’à la marge par les opérateurs. • Il existe donc de « puissantes analogies » entre assurance dépendance et assurance santé, justifiant une mutualisation large de la perte d’autonomie (Barr, 2010).