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Licence 1 ------- Histoire économique. Chapitre I – La place de l’économie dans la haute Antiquité. A – L’encastrement de l’économie. L’objectif est de montrer que, depuis l’invention de l’agriculture jusqu’au 2ème millénaire avant l’ère commune, l’économie est encastrée dans le social.
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Licence 1-------Histoire économique Chapitre I – La place de l’économie dans la haute Antiquité
A – L’encastrement de l’économie • L’objectif est de montrer que, depuis l’invention de l’agriculture jusqu’au 2ème millénaire avant l’ère commune, l’économie est encastrée dans le social. • La démarche consiste à : • présenter l’invention de l’agriculture, au néolithique, il y a 10.000 ans environ; • comprendre en théorie cet encastrement; • le décrire à l’œuvre dans les « empires de la terre » (Égypte et Mésopotamie).
1. L’invention de l’agricultureMazoyer M. et Roudart L. [1997], Histoire des agricultures du monde, Paris, Seuil / coll. Points, p.97-135 • Entre -14000 et -10000, au Mésolithique, suite à un réchauffement climatique, de nouvelles formations végétales apparaissent… • forêts mixtes de conifères et feuillus dans les régions froides; • forêts caduques et prairies en zones tempérées; • forêts claires, savanes et steppes dans la zone saharienne actuelle; • forêts tropicale et équatoriale. • …suscitant une « économie de prédation » : • la chasse aux grands animaux se perfectionne et conduit à l’extinction d’espèces (mammouth); la chasse au moyen et petit gibier se développe. • Chasse, pêche et cueillette se développent simultanément, accompagnées souvent de nomadisme lorsque le territoire exploité est appauvri.
Pourquoi passe-t-on à l’agriculture ? • Quand les territoires de chasse et cueillette s’épuisent avec l’essor démographique… • Et que la migration n’est plus possible… • Si les outils techniques nécessaires sont déjà disponibles… • Et si les espèces végétales locales domesticables sont assez diversifiées pour permettre une nutrition équilibrée… • Alors on applique sur de grandes surfaces le principe de germination d’espèces naturelles, découvert par hasard, sans doute autour des points de cuisson des aliments. • Mais cela suppose des transformations socio-culturelles importantes…
Quelles sont ces transformations ? • Créer une organisation sociale permettant de prélever des semences sur la récolte actuelle; • Préserver les champs ensemencés du droit de cueillette ou les animaux élevés du droit de chasse des autres groupes; • Assurer la répartition des fruits du travail agricole entre les producteurs-consommateurs de chaque groupe et sur plusieurs générations… • Mais aussi pouvoir exprimer les nouvelles conditions matérielles, l’organisation, les règles : les langues et les religions se développent simultanément avec l’agriculture.
On repère quatre foyers rayonnants • Un foyer syrien entre - 8000 et – 7000, fondé sur le blé, la lentille, le pois, et qui connaît une extension des surfaces des villages, le développement de la poterie, la production de haches de pierre polie. • Un foyer chinois (au Henan), vers – 6500, fondé sur le millet, puis, en s’étendant au sud, sur le riz et le soja. • Un foyer centre-américain (sud du Mexique), entre – 7000 et – 2000, fondé sur maïs et haricot, puis coton. • Un foyer néo-guinéen vers – 8000 basé sur le taro. • Tous ces foyers progresseront dans l’espace car la pratique de l’abattis-brûlis, en appauvrissant rapidement la terre, obligeait à étendre la zone d’influence.
Dans les régions forestières, où l’abattis-brûlis est possible, c’est l’agriculture qui deviendra dominante, souvent sans élevage car les animaux ne pouvaient y paître (racines, souches). • Dans les formations herbeuses ouvertes, peu fertiles et au tapis herbacé difficile à couper, c’est l’élevage qui va l’emporter. • Dès le néolithique donc, une différenciation géographique s’opère entre sociétés d’agriculteurs (sédentaires) et sociétés d’éleveurs (plutôt nomades). Nous la retrouverons…
2. L’encastrement de l’économiePolanyi K. [1983], La grande transformation, Paris, Gallimard, p.71-86 • Polanyi considère que l’économie est traditionnellement encastrée dans le social, • L’économie n’est pas une dimension autonome, séparée des autres activités sociales; • Elle n’est pas identifiée par les acteurs comme distincte de ces activités; • L’homme ne produit pas initialement pour échanger et faire du profit mais pour assurer ses besoins et participer à la vie sociale • Cet encastrement se réalise sur la base de l’un ou plusieurs des trois principes suivants : • La réciprocité. • La redistribution • L’administration domestique
La réciprocité : par exemple un homme va nourrir la famille de sa sœur (îles Trobriand) La redistribution : une instance centrale (Etat, temple) va collecter la production et la répartir suivant des critères sociaux spécifiques. L’administration domestique : chaque foyer ou famille élargie produit pour sa propre consommation.
L’administration domestique se prête cependant à l’échange… • Un foyer ou un groupe social peut vouloir échanger ce qu’il a en trop (son surplus) contre ce qu’il n’a pas. • Mais Polanyi distingue entre ce désir d’amélioration de la vie domestique et la recherche du profit. • Néanmoins, l’échange sur un marché peut apparaître et faire évoluer les acteurs vers la recherche du profit. • Une fois celle-ci en marche, la société deviendrait un simple appendice du système économique. • C’est alors le pouvoir politique et religieux qui pourra empêcher ce mouvement, « répression » à l’œuvre dans la haute Antiquité.
3. Les empires de la terreNorel P. [2004], L’invention du Marché, Paris, Seuil, p.70-85 • L’ Égypte et la Mésopotamie antiques résulteraient de la déforestation massive réalisée peu à peu par les agriculteurs du foyer initial syrien, entre – 7000 et – 4000… • Cultures pluviales devenues impossibles et élevage en régression auraient conduit les populations à se replier le long des grands fleuves. • Le Nil en Égypte, le Tigre et l’Euphrate en Mésopotamie, comme l’Indus, seraient devenus des lieux essentiels de civilisation, en apportant l’eau aux cultures (inondation puis irrigation).
L’encastrement de l’économie en Égypte (-4000; -1100) • La construction et la maintenance des bassins de décrue et réseaux d’irrigation supposeraient un pouvoir central fort (effectif vers -3000) : principe du despotisme oriental. • Si la propriété privée de certains notables a existé au début, le pharaon aurait récupéré toutes les terres vers -1480. • Le pharaon aurait bien contrôlé le commerce extérieur en envoyant ses propres émissaires vers les pays voisins. • L’Égypte aurait utilisé le principe des « ports of trade » pour isoler le pays de l’influence des marchands extérieurs.
L’encastrement de l’économie en Mésopotamie (-3500; -1750) • On observe au 3ème millénaire un principe de redistribution, notamment par le temple. • Le commerce extérieur est d’abord strictement contrôlé par le pouvoir politique. • A partir de -2000, les marchands au loin exercent pour le compte du pouvoir (vente des biens de monopole) mais aussi pour leur propre compte (vente de biens libres) au sein de l’institution du karum (groupe des marchands). • Le commerce avec l’Anatolie (cuivre) et l’Afghanistan (étain) serait officiel et permet la fonte du bronze : premier âge de la métallurgie.
B – le développement de la propriété privée, des marchés et du commerce • L’objectif est de montrer que l’économie commence à se désencastrer du social, de -1750 environ à -500. • La démarche consiste à : • présenter les évolutions sensibles en Mésopotamie; • Analyser le grand commerce phénicien en Méditerranée.
1. Évolutions en Mésopotamie Joannes F. [2001], Dictionnaire de la civilisation Mésopotamienne, Paris, Laffont. • Entre -1750 et -539, le commerce extérieur se privatise… • Diminution du tonnage des bateaux marchands; • Implantation par les karums de comptoirs à l’étranger; • Création de réseaux familiaux d’affaires. • Autonomie financière par rapport à l’État. • Entre -1600 et -1150, les commerçants se font usuriers et concentrent des terres.
Comment est née la propriété privée ? • Il existait depuis longtemps une « propriété publique » de terres importantes appartenant au palais et au temple… • et une « propriété privée » des maisons et de petites superficies (jardins et vergers familiaux). • Il s’agissait de terres qui n’étaient pas susceptibles de faire l’objet d’une redistribution par le pouvoir politique… • Il existait par ailleurs des terres « communes » vivrières, initialement allouées aux familles, mais souvent cédées plus tard par celles-ci à cause du surendettement. • Ces terres étaient régulièrement redistribuées aux familles par le pouvoir, pour permettre la subsistance.
Cette redistribution empêchait a priori toute appropriation durable (Hudson)... • L’accumulation foncière ne pouvait donc avoir lieu qu’à l’intérieur du palais ou du temple… • C’est donc dans le « secteur public » que la propriété privée est née : saisies de terres par le souverain, redonnées ensuite à ses dépendants, puis cédées à d’autres notables. • De fait il fallait un « catalyseur public » pour légitimer l’apparition de la propriété privée…
2. L’essor commercial phénicienNorel P. [2004], L’invention du Marché, Paris, Seuil, p.85-93 • Descendant des Cananéens, les Phéniciens sont établis vers -1000 dans des cités côtières de l’actuel Liban : Tyr et Sidon notamment • Ils font alliance avec Israël vers -950 et échangent leurs produits de luxe contre blé, cuivre et argent. • Ils accèdent ainsi aux réseaux commerciaux terrestres comme à ceux de la mer Rouge et de l’océan Indien • Ils affichent une vocation maritime : • Cités établies sur presqu’îles, promontoires, dans des criques, etc. • Techniques de navigation sophistiquées (de nuit, en haute mer, usage du bitume pour l’étanchéité des coques). • Hérodote dit qu’ils auraient fait le tour de l’Afrique vers -600.
Leur commerce maritime est d’abord contrôlé par le pouvoir et le temple. • Les échanges pour le compte du souverain de la ville d’origine obéissent d’abord à une logique de réciprocité… • …qui conduit les marchands à pratiquer le « commerce à la muette » sur les côtes abordées. • Mais rapidement ils n’échangent que si l’or donné en échange est en quantité suffisante. • Puis ils pratiquent des transactions négociées mais devant le temple construit localement sur cette côte. • Ils semblent utiliser la religion comme outil de commerce mais aussi agir sous son contrôle…
Ce commerce prend sa vraie dimension avec la colonisation des côtes méditerranéennes et la fondation de Carthage (-814). • Tyr agit d’abord comme émissaire commercial de l’empire assyrien (-1150;-539) pour lui procurer des métaux… • Ceci l’amène à créer de nombreux comptoirs commerciaux jusqu’en Andalousie, via Sicile et Sardaigne. • En -814, la fondation de Carthage autorise un commerce plus actif en Méditerranée occidentale. • Les marchands phéniciens stimulent les productions minières locales (Tartessos en Espagne). • Carthage commence alors à défendre son espace par la force, ce qui scellera sa perte, au 3ème siècle, contre Rome…
Conclusion du chapitre • Si l’histoire économique commence sans doute avec celle de l’agriculture et de l’élevage… • …L’économique reste longtemps encastrée dans le social. • Mais les logiques de l’échange amèneraient la possibilité d’une recherche du profit pour lui-même. • Si les pouvoirs politiques et religieux répriment cette tendance, ils sont aussi les premiers à fonder et légitimer la propriété privée. • La haute Antiquité voit enfin le commencement d’un commerce lointain brillant, celui des Phéniciens, qui va rapidement trouver des échos en Asie...