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Le langage, instrument professionnel des enseignants. Quels apports théoriques de la pragmatique linguistique ? Quelles spécificités pour les enseignants spécialisés ? Éric Saillot Université de Caen Basse-Normandie Laboratoire CERSE Blog : eric.saillot.overblog.com.
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Le langage, instrument professionnel des enseignants Quels apports théoriques de la pragmatique linguistique ? Quelles spécificités pour les enseignants spécialisés ? Éric Saillot Université de Caen Basse-Normandie Laboratoire CERSE Blog : eric.saillot.overblog.com
Apports de la pragmatique linguistique • Courant de la linguistique qui s'intéresse aux éléments du langage dont la signification ne peut être comprise qu'en connaissant le contexte de leur emploi • Distinction entre la phrase (code linguistique) et l’énoncé (discours contextualisé) • La pragmatique peut être envisagée comme une science de la communication
Le langage pour les enseignants • Les métiers d’interactions humaines(enseignement) nécessitent des compétences solides dans la maîtrise des formes conversationnelles et dialoguées(Patrick Mayen en didactique professionnelle) • Le langage est au cœur de toutes les activités pédagogiques et les situations didactiques (interactions langagières enseignants-élèves) • Rôle structurant dans la réflexivité des enseignants (Piot, Bucheton) • Recentrer les formations des enseignants sur le langage (Bucheton)
La théorie des actes de langage • Selon Austin, (Quand dire c’est faire, 1970), certaines phrases ne décrivent rien et ne sont ni vraies, ni fausses : les phrases performatives, qui sont le fondement de la théorie des actes de langage • clivage constatatif / performatif (Le chat est sur le paillasson / Je te promets que je t’emmènerai au cinéma demain)
Les actes de langage (2) • La fonction du langage est de réaliser des actions, d’agir sur le monde en agissant sur l’interlocuteur • Austin définit l’acte de langage comme l’unité minimale de la communication, divisée en trois actes complémentaires : • L’acte locutoire • L’acte illocutoire (force illocutoire = intention = but) • L’acte perlocutoire (effets produits)
Les actes de langage (3) • Pour Grice (1975) : • l’implicature : contenu implicite véhiculé par un énoncé= acte de langage indirect* (Searle) • le principe de coopération, basé sur 4 maximes conversationnelles • la maxime de quantité(« donner autant d’information que nécessaire ») • la maxime de manière(« parler clairement, sans ambiguïté ») • la maxime de qualité(« ne pas affirmer ce qu’on croit être faux ») • la maxime de pertinence ou de relation(« parler à propos ») *Cette distinction entre la phrase et l’énoncé est fondamentale pour la pragmatique.
Les actes de langage (4) • Reboul et Moeschler (1998) : inscription dans le courant cognitiviste: capacité à avoir des états mentaux mais aussi capacité à en attribuer (notamment des intentions) • Interpréter un énoncé, découvrir son sens implicite, c’est formuler des hypothèsessur les intentionsdu locuteur • L’implicite des énoncés est souvent discriminant à l’école • Sperber et Wilson, dans la continuité de Grice, distinguent deux intentions : • l’intention informative, • l’intention communicative Deux étapes dans l’interprétation des énoncés : une codique (linguistique) et une inférentielle(pragmatique)
Dialogisme et polyphonie • La contestation de l’unicité du sujet parlant • Un dialogisme littéraire avec Bakhtine (1929) et une polyphonie linguistique (Ducrot) • Les discours s’enracinent dans des discours antérieurs, explicites ou implicites • c’est la présence implicite de plusieurs voixdans les discours (la présence de l’autre dans le discours) • Dialogisme discursif : nos discours sont toujours construits à partir d’autrui • intersubjectivité = co-construction de l’interaction
Le système de la politesse • « L’ensemble des procédés conventionnels ayant pour fonction de préserver le caractère harmonieux de la relation interpersonnelle » (Kerbrat-Orecchioni, 2005) • le « face-work » de Goffman : « tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne (y compris elle-même) » • Lien avec l’agir communicationnel d’Habermas (vérité, justesse, sincérité)
Quelles spécificités du langage pour l’enseignant spécialisé ? • pour les étayages • pour enrôler les élèves • pour réguler • pour évaluer • pour expliciter • pour faire expliciter • pour encourager • pour motiver • pour gérer les conflits • pour communiquer avec les partenaires
Recherches sur le rôle du langage • Vygotski pour la médiation langagière • Bruner pour les fonctions d’étayage • Piaget pour le conflit cognitif • Doise et Mugnypour le conflit socio-cognitif • Astolfi pour la pédagogie de l’erreur • Perret-Clermont pour la métacognition • Altet pour les interactions maître-élèves • Maulini pour les questionnements des enseignants • Vermersch pour l’entretien d’explicitation • Bucheton pour le multi-agenda • Modélisation de la posture d’étayage
Modélisation d’une posture d’étayage(Saillot, d’après Bucheton et Soulé)
Le langage pour enrôler(Saillot, article paru dans la revue Recherches en Éducation de Nantes) • Cinq déterminants de l’enrôlement des élèves en difficulté : • Construire une relation de confiance et une ambiance de travail sereine • Mobiliser l’attention • Encourager et valoriser • Accorder un statut positif à l’erreur • Contrôler le rythme de la séance ou de l’effectuation de la tâche • Trois phases de l’enrôlement des élèves en difficulté : • La mise en perspective de la séance • La présentation de l’activité, de la tâche à effectuer • Les relances successives plus ou moins individualisées
Le langage pour questionner (1) • Le questionnement est au cœur de toutes les activités pédagogiques (situations didactiques) • Quelles différentes fonctions des questionnements ? • Fil rouge du cours dialogué, enrôlement dans la tâche, mobilisation de l’attention, évaluation • Les questions ont des visées diverses, comme le montre la taxonomie de Bloom(1969) • Le questionnement a des formes diverses, parfois implicites (difficultés de compréhension) • Une critique radicale du questionnement scolaire
Le langage pour questionner (2) • Caractérisation du « bon enseignant » (Maulini): • pose des questions, les répète et les ajuste au besoin • laisse le temps de la réflexion, ne répond pas lui-même • Questionne la compréhension de l’objet enseigné, mais aussi le processus d’apprentissage, les représentations et les stratégies des élèves • cherche moins à (faire) produire la bonne proposition qu’à entraîner la pensée réflexive et la métacognition • improvise dans l’interaction (avec des cours préparés) • Vise la mobilisation cognitive des élèves (Astolfi)
L’entretien d’explicitation • Technique d’entretien qui vise à faire expliciter l’action (mise en mots a posteriori ) • Prise de conscience provoquée • Distinguer réussir et comprendre (Piaget) • Une technique de questionnement contre-intuitive • 3 Buts : s’informer, aider l’autre à s’auto-informer, former l’autre à s’auto-informer (métacognition) • Conditions de réussite de l’entretien : • Faire référence à une tâche réelle et spécifiée • Aider à l’accès à la mémoire concrète • Favoriser la position de parole incarnée
L’entretien d’explicitation (2) • Éviter d’induire le conscientisé, le conceptualisé (quoi, plutôt que pourquoi) • Questions descriptives (mémoire concrète) : comment ? • Formulations vides de contenu (ne pas projeter son propre fonctionnement cognitif) • Ne pas proposer d’alternatives ou d’hypothèses sur les procédures des élèves • Questionner l’enchaînement temporel, causal et logique de l’action • Produire des relances qui canalisent l’élève vers des informations centrées sur le procédural, en référence à une tâche réelle et spécifiée
Le langage pour motiver (1) • Cadre de la théorie sociale cognitive • 4 indicateurs de la motivation en contexte scolaire : • le choix de faire une activité • l’engagement cognitif • La persévérance • La performance • 3 déterminants de la motivation : • la perception de la valeur d’une activité • la perception de sa compétence • la perception de la contrôlabilité
Le langage pour motiver (2) • Les questionnements d’explicitation et les étayages peuvent renforcer : • Le sentiment de compétence des élèves (réussite et valorisation des efforts et des progrès) • La perception de la valeur des activités scolaires, qui ne sont plus forcément synonymes d’échec scolaire incompréhensible et inévitable • La perception de la contrôlabilité de la tâche (élèves qui réussissent à se corriger « seul », à comprendre leurs erreurs et leurs obstacles ou blocages) • Le goût de travailler et d’apprendre
Le langage, instrument professionnel des enseignants • Prendre conscience des dimensions pragmatiques du langage (implicites, effets) • Viser l’explicite et l’explicitation • Développer une forme de « surveillance intellectuelle de soi » (Bachelard) dans l’utilisation du langage • Mobiliser en toute conscience des ressources langagières adaptées aux situations et aux élèves
À suivre... • Merci de votre attention ! • Blog : eric.saillot.overblog.com