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Groupe de travail Lycée, 2012-2013 Cécile Vast Jean-Pierre Costille

L’historien et les mémoires de… - la Seconde Guerre mondiale - la guerre d’Algérie (Terminales L/ES) Pistes de réflexion et documents. Groupe de travail Lycée, 2012-2013 Cécile Vast Jean-Pierre Costille. Extrait du « Bulletin officiel spécial n°8 » du 13 octobre 2011.

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Groupe de travail Lycée, 2012-2013 Cécile Vast Jean-Pierre Costille

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  1. L’historien et les mémoires de…- la Seconde Guerre mondiale- la guerre d’Algérie(Terminales L/ES)Pistes de réflexion et documents Groupe de travail Lycée, 2012-2013 Cécile Vast Jean-Pierre Costille

  2. Extrait du « Bulletin officiel spécial n°8 » du 13 octobre 2011 « Le rapport des sociétés à leur passé » : réflexion sur le contexte, et les conditions (apaisées et/ou conflictuelles) dans lesquelles les différentes sociétés envisagent et construisent leur rapport au passé, en termes d’identité, de références culturelles et patrimoniales,d’usages politiques et mémoriels.

  3. « Les mémoires : lecture historique » suppose d’introduire dans la problématique de la séquence une réflexion sur la distinction mémoire / histoire (objectifs différents de fidélité / vérité). Envisager les mémoires comme objet d’étude pour l’historien (cf. Pierre Nora, entre autres…)

  4. « L’historien et les mémoires » : mener une réflexion sur • diversité des mémoires sociales d’un événement et de leurs formes d’expression jusqu’à nos jours. Utilisation du pluriel (« mémoires » sociales, pluralité des expériences) préférée au singulier (« mémoire collective », notion floue) « Une étude au choix » : choix entre deux périodes historiques, la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) ou la guerre d’Algérie (1954-1962).  deux objets de nature différente, mémoire (fidélité) / histoire (vérité)  rôle et place du discours de l’historien face aux usages sociaux, politiques et mémoriels du passé, historiographie  l’historien et les témoins  les mémoires, objet d’histoire

  5. Quelques pièges et impasses à éviter  Présenter l’historien comme l’antithèse de l’acteur-témoin : s’il tente d’historiciser et de donner de l’intelligibilité au rapport des Français à leur passé, il peut aussi avoir des liens personnels avec ce passé (Daniel Cordier, Mohammed Harbi, par exemple).  Plaquer artificiellement un mode de fonctionnement mécanique des mémoires : une période de « silence » (voire volonté d’étouffer) qui serait suivie d’un « réveil des mémoires » : des travaux récents (François Azouvi sur le génocide des juifs, Pierre Laborie sur la mémoire de l’Occupation et de la Résistance, Thomas Fontaine sur l’histoire de la déportation) montrent une réalité des expressions mémorielles bien plus complexe.  Laisser penser que l’entrée dans l’histoire et l’historicisation ne peuvent se faire que grâce aux travaux d’historiens étrangers (anglo-saxons, notamment)…

  6. L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

  7. Indications bibliographiques La question du rapport de la société française au souvenir de l’Occupation et de Vichy n’est pas neuve, elle est rapidement investie et fait l’objet d’écrits dès la Libération. Des essais venus d’horizons différents installent un certain discours sur le rapport des Français à leur passé proche (culpabilité, mauvaise conscience, ingratitude, difficulté à assumer le passé, etc.). Deux exemples, parmi d’autres : 1) Du côté des résistants, l’élitisme, l’amertume et le désenchantement inspirent l’idée d’une nation oublieuse et ingrate :  Jean Cassou, La mémoire courte, Éditions de Minuit, 1953 (réédité aux Mille et une Nuits, 2001)  Henri Michel, Quatre années dures, Grasset, 1945 (un « roman-témoignage » écrit par l’historien de la Seconde Guerre mondiale) 2) La littérature des hussards (Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Marcel Aymé) participe également à diffuser et populariser une certaine représentation (mauvaise conscience, veulerie, « résistantialisme ») Marcel Aymé, Uranus, Gallimard, 1948  Roger Nimier, Les épées, Gallimard, 1948

  8. Indications bibliographiques • Stanley Hoffman, Essais sur la France. Déclin ou renouveau ?, Seuil, 1974 L’historien américain revient sur son enfance dans la France occupée et nuance l’image de l’attitude des Français proposée par le film Le chagrin et la pitié. • Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Seuil, 1987 Dans cet ouvrage pionnier, Henry Rousso revient sur le caractère obsessionnel du souvenir de Vichy depuis la Libération, et avance quelques interprétations sur le rapport des Français à Vichy. La plus connue est celle du « résistancialisme » ou du « mythe résistancialiste » : les Français se seraient pensés résistants pour couvrir leur mauvaise conscience. • Annette Wieviorka, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Plon, 1992 Une interprétation de la place respective et successive des mémoires des différentes formes de déportations (persécution et répression). Pour A. Wieviorka, au souvenir dominant de la déportation de répression, symbolisée par Buchenwald, succède à partir des années 1980 celui du génocide, symbolisé par Auschwitz. • Robert Frank, « La mémoire empoisonnée » in AZÉMA (Jean-Pierre) et BÉDARIDA (François) [dir.], La France des années noires, Seuil, 1993 Article fondamental pour le sujet, qui reprend des articles antérieurs publiés depuis 1980 : il aborde la pluralité des mémoires de la Seconde Guerre mondiale, les acteurs et les vecteurs, le rôle des historiens, une chronologie fine et nuancée.

  9. Indications bibliographiques • Éric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, 1994 Le livre reprend les développements du Syndrome de Vichy et revient sur l’épisode Mitterrand, notamment. L’expression est passée à la postérité ! • Pierre Laborie, « Historiens sous haute surveillance » in Esprit, janvier 1994 Une réflexion sur les rapports entre historiens et témoins, sur les difficultés à écrire une histoire sous le regard pressant des témoins. • Jean-Marie Guillon, « La Résistance, cinquante ans et deux mille titres après » in GUILLON (Jean-Marie) et LABORIE (Pierre), Mémoire et Histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995 Un article, réduit ici aux mémoires de la Résistance et à son historiographie, en relation avec d’autres événements marquants de la SGM (Vichy, génocide, Occupation, etc.) • Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Seuil, 1996 Antoine Prost consacre de nombreux chapitres au rôle social de l’historien, à la place de son discours confronté à d’autres usages du passé.

  10. Indications bibliographiques • Cahier spécial du journal Libération à propos de la table ronde organisée en mai 1997 à la demande des époux Aubrac http://www.liberation.fr/cahier-special/0101220489-special-aubrac-raymond-aubrac-et-si-les-historiens-nous-posaient-des-questions-samedi-17-mai-1997-a-liberation-lucie-et-raymond-aubrac-se-sont-confrontes-aux-questions-de-huit-historiens-a-propos-de-l Ensemble des discussions et des réactions : historiens de la Résistance (Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, Laurent Douzou, Henry Rousso, Maurice Agulhon) et témoins (Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Daniel Cordier, Jean-Pierre Vernant). • Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, 2000 Ouvrage -difficile- d’un philosophe de la phénoménologie qui apporte une réflexion essentielle sur les rapports entre l’histoire et la mémoire. Paul Ricœur s’appuie sur de nombreux exemples empruntés à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, et commente les ouvrages des historiens cités précédemment. • Pierre Laborie, Les Français des années troubles, Seuil, 2003 Un recueil d’articles précédé d’un long avant-propos essentiel : Pierre Laborie revient sur le rôle social de l’historien, les difficultés et les spécificités de l’histoire du « très contemporain » confronté à d’autres discours et d’autres usages du passé. • Pieter Lagrou, Mémoires patriotiques et occupation nazie, Bruxelles, Complexe, 2003 Une comparaison européenne des mémoires de la Seconde Guerre mondiale par un historien belge.

  11. Indications bibliographiques • Laurent Douzou, La Résistance française : une histoire périlleuse, Seuil, 2005 Un essai d’historiographie sur l’écriture de l’histoire de la Résistance : place et rôle des acteurs-témoins, rôle central du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, renouvellement des questionnements historiques, place de l’histoire de la Résistance aujourd’hui. • François Marcot [dir.], Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006 De très nombreux articles abordent la question des mémoires de la Résistance. • Pierre Laborie, « Acteurs et historiens dans l’écriture de l’histoire de la Résistance » in DOUZOU (Laurent) [dir.], Faire l’histoire de la Résistance, Presses universitaires de Rennes, 2010 Des rappels épistémologiques très utiles sur les intentions divergentes des historiens et des acteurs dans l’écriture de l’histoire. • Olivier Wieviorka, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, Seuil, 2010 Une mise en perspective des politiques publiques de la mémoire, vue « d’en haut » (pouvoirs publics, acteurs politiques et associatifs), sans vraiment aborder la question des mémoires sociales.

  12. Indications bibliographiques • Guerre mondiale, guerre totale, Gallimard-Mémorial de Caen, 2010 Catalogue de la nouvelle exposition permanente du Mémorial de Caen avec des textes rédigés par Denis Peschanski, Pierre Laborie et Jean Quellien. Un chapitre sur « Mémoires et histoire » • Pierre Laborie, Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Bayard, 2011 La première partie du titre est une référence évidente au film de Marcel Ophuls Le chagrin et la pitié. Avec les travaux d’Henry Rousso et de Robert Frank, c’est sans doute l’ouvrage à lire pour aborder le sujet : généalogie de la « vulgate » sur l’attitude des Français sous l’Occupation, impact, réception et usages du film Le chagrin et la pitié, regard critique sur les manuels scolaires, rôle des médias, place des historiens, retour et analyse de la table-ronde de Libération et de ses enjeux… • Michèle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix, La France du temps présent, 1945-2005, Belin (Histoire de France), 2010 Quelques exemples et quelques documents sur les questions mémorielles autour de la Seconde Guerre mondiale et des conflits coloniaux. • François Azouvi, Le mythe du grand silence. Auschwitz, les Français, la mémoire, Fayard, 2012 Dans ce livre étayé, François Azouvi discute et critique l’idée d’un long silence sur le génocide des juifs dans la société française après 1945. Il montre, au contraire, une prise de conscience précoce et qui s’élargit à la société par cercles concentriques.

  13. SCÉNARIO N°1 • I - Histoire et mémoire : des fonctions et des objectifs différents • Les mémoires  Elles se placent du côté de la fidélité, de l’affirmation identitaire, souvent liées aux événements traumatiques, elles expriment une singularité 2) L’histoire • Une démarche d’interprétation, d’explication, de compréhension et d’intelligibilité, l’histoire se donne pour objectif la recherche d’une vérité, elle vise aussi à se libérer du passé (Lucien Febvre : « L’histoire est un moyen d’organiser le passé pour l’empêcher de trop peser sur les épaules des hommes »), « universalité » II - Un événement, plusieurs mémoires  Pluralité des mémoires et des expériences de la SGM (génocide, Vichy, occupation, résistance, prisonniers, soldats de 1940, etc.) • Diversité des acteurs, des vecteurs, des expressions • Diversité et périodisation des usages et discours sur le passé (voir article de R. Frank) III - L’historien face aux discours mémoriels et aux usages du passé • Histoire est une construction et une interprétation • Historiographie et débats historiographiques (plusieurs interprétations, exemple de Rousso-Laborie) • Rôle social de l’historien, etc.

  14. SCÉNARIO N°2 • I - Sujet d’étude : Les comportements des Français sous l’Occupation, mémoires et histoire • Objectif : montrer l’écart entre les discours mémoriels, souvent « réducteurs », reconstruits, singuliers, fractionnés, et les résultats du travail de l’historien • Partir d’un jugement récurrent, d’une idée reçue, d’une « vulgate » ressassée sur les comportements des Français sous l’Occupation • Analyse de l’entretien donné par Daniel Cordier à Libération le 11 avril 2012 à la suite du décès de Raymond Aubrac (voir diapo suivante) Qui parle ? (un témoin) D’où parle-t-il et qui est-il ? (fidélité à Jean Moulin, ancien résistant) Quelle mémoire de la SGM exprime-t-il ? (celle de la Résistance) Quelle est son interprétation de l’histoire ? Quel jugement porte-t-il (caractère minoritaire de la Résistance appuie l’idée d’une majorité de Français « attentistes ») • Entreprendre un travail de déconstruction - décryptage de ce discours, apporter un éclairage historique, montrer l’écart entre ce que nous apprend le travail de l’historien et le discours mémoriel, les jugements rétrospectifs • Confronter cet entretien avec un texte d’historien sur la réalité et la complexité des comportements. II - Mise en perspective : l’historien et les mémoires de la SGM  Reprise du plan en 3 parties vu précédemment : 1) Mémoires et histoire - 2) Un événement, plusieurs mémoires - 3) Le rôle de l’historien  Introduire d’autres documents, d’autres exemples de mémoire (génocide), d’autres supports (extraits de films)

  15. Liens entre les programmes de première et de terminale Vocabulaire ou repères devant être vus en classe de première On pourrait imaginer de demander aux élèves de réaliser une fiche sur certains sujets clairement identifiés et de lister le vocabulaire à maitriser. Fiche à distribuer en début d’année, puis à reprendre ensemble tout au long de l'année de première. Seconde Guerre mondiale (8 dates), articulation guerre ou événements : de Gaulle, Churchill, bataille de Stalingrad, Résistance, Jean Moulin, Pétain.

  16. L’historien et les mémoires de la la guerre d’Algérie

  17. Les mémoires de la guerre d’Algérie : questions, problèmes, enjeux • Il ne s’agit évidemment pas de retracer l’histoire de la guerre d’Algérie, mais le thème suppose de connaître les grands traits, les événements et les enjeux de cette période (1954-1962) • Des mécanismes et des phénomènes mémoriels semblables à ceux de la période de la guerre et de l’Occupation (1939-1945)… et quelques particularités : Points communs : - un événement traumatique : conflit armé d’une guerre coloniale, utilisation de la violence (torture, terrorismes), déracinements (regroupements, appelés, rapatriés), climat larvé de guerre civile - pluralité des mémoires de l’événement, de part et d’autre de la Méditerranée (en France, en Algérie), mémoires divisées et conflictuelles, mémoires qui se construisent déjà pendant la période (1954-1962) - multiplicité des usages politico-mémoriels, en France comme en Algérie

  18. - rapport à la nation, à la question de l’identité nationale, aux valeurs républicaines, à l’État de droit - place, rôle, fonction de l’historien confronté à d’autres discours sur le passé. Des historiens parfois acteurs de l’histoire ou personnellement impliqués  Spécificités : - présence d’une importante communauté de travailleurs immigrés algériens, puis d’enfants français d’origine algérienne - temporalités croisées et références récurrentes (y compris pendant la guerre d’Algérie) à la période de l’Occupation, télescopages : usage de la torture, question du terrorisme, héritage de la Résistance, réutilisation de mots et de références symboliques empruntées à la période 1940-1944 (maquis, ALN, FLN, OAS, etc.)

  19. Quelles mémoires de la guerre d’Algérie ?  L’expression des mémoires (ouverte ou silencieuse) se cristallise autour de :  Groupes et communautés : appelés du contingent, rapatriés (« pieds-noirs », dont les séfarades), harkis, Algériens immigrés en France et leurs enfants, Algériens en Algérie, communistes, catholiques de gauche, gaullistes, partisans de l’Algérie française et anciens de l’OAS, messalistes, mémoires officielles (France, Algérie), etc. L’historien Guy Pervillé distingue trois mémoires : celle des partisans de l’Algérie française, celle des partisans de l’indépendance, celle de ce qu’il appelle la « majorité silencieuse ».  Faits, événements, thématiques dont le poids et le sens varient selon les groupes mémoriels : Sétif et Guelma en mai 1945, novembre 1954, la torture, la bataille d’Alger (1957), disparition de Maurice Audin en juillet 1957 (communistes), massacre des messalistes à Melouza par le FLN en mai 1957, mai 1958 et le retour de de Gaulle, putsch d’avril 1961, manifestation des Algériens du 17 octobre 1961, métro Charonne du 8 février 1962, 19 mars 1962 et accords d’Evian, abandon des harkis, rapatriement des Européens en France, indépendance en juillet 1962, terrorisme de l’OAS, etc.  Usages politico-mémoriels : anti-gaullisme de l’extrême-droite, recomposition politique des partis de droite et de gauche, géographie électorale de la France du sud-est, ancrage du FN, etc.

  20. Quelle chronologie ? Essai de périodisation • Difficulté à définir une chronologie limpide tant les souvenirs sont éclatés. • Proposition d’un découpage en quatre périodes, qui tente de croiser les contextes français et algériens : 1) De mai 1945 à 1962 (Sétif et Guelma en mai 1945 puis les années 1954-1962) : les expériences de la guerre d’Algérie et la formation d’une « génération algérienne » (Paul Thibaud, Esprit) 2) De 1962 aux années 1970 : sortir de la guerre, quitter l’Algérie. Période marquée par le gaullisme politique, les débuts de la V° République et d’autres projets pour la France, la décolonisation, la croissance, la modernisation, l’Europe. La crise d’identité est davantage générationnelle (ainsi que des souffrances communautaires, des mémoires rentrées : appelés, pieds-noirs, harkis), mais pas de crise d’identité nationale. 3) Des années 1970 à la guerre civile algérienne (1992) : la redécouverte, le choc moral et le prisme de l’Occupation (1940-1944). Dans les années 1970, entrechoc et entremêlement des périodes, une prise de conscience face aux dénis, aux mensonges, aux « trahisons » de la guerre d’Algérie (torture, dévoiement de valeurs), confrontation aux années de guerre. Regard critique sur la colonisation (succès de Frantz Fanon, Les damnés de la terre, 1961). Puis les lois d’amnistie de 1982 (militants de l’OAS) 4) De 1992 à nos jours : guerre reconnue, mémoire introuvable. L’assassinat de Boudiaf en 1992, rôle de la guerre civile en Algérie. Loi de 1999 reconnaissant le terme de « guerre », journée des harkis en 2001, loi avortée de 2005 sur bienfaits de la colonisation, impossibilité de trouver une commémoration commune (5 décembre 2002), commémorations relativement discrètes du 19 mars 1962 en 2012.

  21. Indications bibliographiques • Au même titre que pour la période de l’Occupation, l’expérience de la guerre d’Algérie a suscité très tôt des écrits (témoignages, essais, analyses, pamphlets, etc.) : • Sur la paupérisation de la société algérienne : • Germaine Tillion, L’Algérie en 1957, Éditions de Minuit, 1957. Étude publiée une première fois par feuilletons entre 1955 et 1956 dans la revue de l’ADIR Voix et Visages. Une dénonciation de la « clochardisation » de la population algérienne. • Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, Le déracinement. La crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Éditions de Minuit, 1964 • Sur la dénonciation de la torture : • Henri Alleg, La question, Éditions de Minuit, 1958 • Jean-Pierre Rioux (dir.), La guerre d’Algérie et les Français, Fayard, 1989 On peut trouver dans ce recueil présentant les actes d’un colloque organisé par l’IHTP en 1988, une des toutes premières réflexions sur les mémoires de la guerre d’Algérie. Il s’agit de l’article de Robert Frank, « Les troubles de la mémoire française », pp. 603-607. Mise en garde de Robert Frank à propos du souvenir de la guerre d’Algérie, « l’amnésie est très partielle et non durable ». • Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, 1991

  22. Indications bibliographiques • Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, La découverte, 2001 • Raphaël Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Gallimard, 2001 • Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, La guerre d’Algérie, La documentation française, 2001 • Guy Pervillé, La guerre d’Algérie. Histoire et mémoire, CRDP d’Aquitaine, 2008 • Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La guerre d’Algérie, Pluriel, 2010 • Sur l’historiographie : à la différence de la Grande Guerre ou de l’Occupation, l’État n’a pas encouragé des travaux historiques sur la guerre d’Algérie. L’écriture de cette histoire s’appuie sur des vocations individuelles d’historiens confrontés à des enjeux mémoriels, des mémoires antagonistes ou des groupes de pression, voire directement impliqués. Quelques noms : Charles-André Julien, Charles-Robert Ageron, Gilbert Meynier, Benjamin Stora, Mohammed Harbi, Guy Pervillé, Claude Liauzu, Sylvie Thénault, Raphaëlle Branche, etc.

  23. Quelques films • Muriel ou le temps d’un retour, film d’Alain Resnais, 1963. • Les parapluies de Cherbourg, film franco-allemand de Jacques Demy, 1964. Évocation de la guerre d’Algérie à travers le personnage de Guy, un jeune mécanicien qui doit partir faire son service militaire en Algérie. • La Bataille d’Alger, film italo-algérien de Gillo Pontecorvo, 1966. Le film évoque, sous la forme d’une reconstitution, la bataille d’Alger en 1957, avec des acteurs témoins de la guerre d’Algérie, indépendantistes. Censuré en France jusqu’en 2004. • Avoir vingt ans dans les Aurès, film français de René Vautier, 1972 avec Philippe Léotard. La guerre d’Algérie vécue par les appelés du contingent. • Le Coup de sirocco, film français d’Alexandre Arcady, 1979. Film avec Roger Hanin et Patrick Bruel, il est consacré à l’exil, au déracinement des pieds-noirs. • L’ennemi intime, film franco-marocain de Florent Emilio Siri, 2007 • Hors-la-loi, film franco-algérien de Rachid Bouchareb, 2010. Le film parle de l’engagement indépendantiste et évoque les massacres de Sétif et de Guelma, le massacre du 17 octobre 1961.

  24. Quelques documents Document n°1 : La dénonciation de la torture • François Mauriac, « La question », L’Express, 14 janvier 1955 (extraits) • « - Vous seul pouvez parler... Vous seul. • Je détourne la tête. Que de fois l'aurai-je entendu ce "vous seul"! Mes ennemis croient que je cède à la passion d'occuper la scène. Je soupire: • - Il faudrait des preuves. On n'a jamais de preuves. • - Moi, j'ai vu, dit l'homme. • Je l'observe à la dérobée: je connais bien ce regard: celui de mon ami R., celui de ce prêtre de la Mission de France qui travaille dans la région de Constantine, le regard de ceux qui ont vu de leurs yeux, qui ne peuvent plus penser à rien d'autre ; toutes les fleurs du monde sont flétries pour eux. Des obsédés, bien sûr. Moi-même, je commence à la subir, cette obsession, mais un écrivain est habile à s'évader. J'insiste, presque suppliant : • - À quoi bon, puisque "ça" ne laisse pas de traces! • Ils n'ont pas renoncé aux coups de nerf de boeuf, vous savez! Mais la baignoire, ou plutôt le baquet d'eau sale où la tête est maintenue jusqu'à l'étouffement, mais le courant électrique sous les aisselles et entre les jambes, mais l'eau souillée introduite par un tuyau dans la bouche jusqu'à ce que le patient s'évanouisse… » • Publié dans François Mauriac, Bloc-notes. Tome 1 1952-1957, Seuil (Points-Essais), pp. 237-242

  25. Document n°2 : Le déracinement des pieds-noirs à travers une chanson Enrico Macias, « Non je n’ai pas oublié » (1966), extrait vidéo https://www.youtube.com/watch?v=dpSnrqJ5ZOc La ville blanche écrasée de soleil Où un jour, je suis né Les rues en pente le pont sur le Rhumel Les jardins d'orangers Refrain Non je n'ai pas oublié Bien que ma vie ait changé Mais le silence est souvent une façon d'aimer Non, non, non, Non je n'ai pas oublié Tous ces visages attristés Mais on n'a pas le droit de sacrifier Le présent au passé La rue qui chante l'été venu N'oublie pas l'hiver brutal Et les blessures que l'on ne voit plus Lui font encore bien mal Tant d'espérance tout à coup balayée Par un vent de folie Tant d'innocence tout à coup étonnée D'implorer le sursis Refrain Non je n'ai pas oublié Bien que ma vie ait changé Mais le silence est souvent une façon d'aimer Non, non, non, Non je n'ai pas oublié Tous ces visages attristés Mais on n'a pas le droit de sacrifier Le présent au passé Quand un orage assombrit le ciel, II faut que tombe la pluie Avant de retrouver au soleil L'envie d'aimer la vie Tous ces liens qui ont tressé La chaîne qui tenait le bateau Tous ces liens qui ont craqué En laissant sur le quai nos berceaux Refrain

  26. Document n°3 : La mémoire des appelés du contingent Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier, 1972 À propos du film Avoir 20 ans dans les Aurès http://www.avoir20ansdanslesaures.net/wp/ http://www.zerodeconduite.net/blog/18947-avoir-vingt-ans-dans-les-aures.html#.UZndP5Xv6aE Un site de référence sur la guerre d'Algérie http://education.francetv.fr/frise-chronologique/frise-de-la-guerre-d-algerie-o25436 Une lecture complémentaire pour aborder la question des appelés : Raphaëlle Branche, L'embuscade de Palestro, Armand Colin, 2010 http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2866

  27. Document n°4 : La loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution de l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » à l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ». « Proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 avril 1999 tendant à la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie. Présentée par MM. Georges COLOMBIER, Didier QUENTIN et François ROCHEBLOINE, Députés. Mesdames, Messieurs, En adoptant la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, le Parlement entendait assurer une complète égalité des droits entre les militaires engagés dans les opérations de sauvegarde de l’ordre en Afrique du Nord et ceux ayant servi en période de guerre. Cette loi faisait toutefois mention des « opérations effectuées en Afrique du Nord » et non de la « guerre d’Algérie ». Depuis, un quart de siècle s’est écoulé sans que les sacrifices consentis par nos soldats dans ce conflit n’aient été pleinement reconnus. Cette situation est vécue à juste titre par les anciens combattants comme un reniement de ce qu’ils ont fait par devoir au service de la Nation. Si la nature particulière de ce conflit, qui ne ressemblait pas aux guerres du début et du milieu de ce siècle, a pu expliquer les réticences à le qualifier d’emblée de guerre, les esprits, par une lente évolution appuyée sur un développement des travaux historiques, ont progressivement tendu à considérer que les événements d’Afrique du Nord devaient, par les méthodes de combat utilisées et les risques encourus par nos soldats, être assimilés à une guerre et non pas à de simples opérations de police. Si chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que l’expression du langage courant « guerre d’Algérie » correspond à la réalité historique vécue par nos concitoyens, il n’en demeure pas moins que seule la loi peut mettre fin à cette situation. Il convient donc d’officialiser cette appellation et de faire disparaître l’expression « opérations de maintien de l’ordre » du code des pensions militaires d’invalidité et du code de la mutualité pour les combats qui se sont déroulés sur le territoire algérien entre 1954 et 1962. Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi. »

  28. Eléments du programme de première nécessaires pour traiter les documents proposés : Voici les points que doit posséder un élève à l'entrée en terminale à propos de la Guerre d'Algérie : 6 événements, de Gaulle, Ben Bella, FLN, Toussaint Rouge, Guelma, accords d'Evian, OAS Cela peut prendre la forme d'une chronologie fabriquée, de mini-biographies (8 lignes), de lieux, d'événements

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