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Quelle parole contre la violence ?. Les conf é rences auxquelles vous avez é chapp é es … Ce que vous n ’ aurez pas aujourd ’ hui :. Un exposé sociologique sur la réalité des situations de violence dans les établissements scolaires.
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Les conférences auxquelles vous avez échappées…Ce que vous n’aurez pas aujourd’hui : Un exposé sociologique sur la réalité des situations de violence dans les établissements scolaires Des monographies précises sur des situations scolaires violentes Un historique des différents plans-violence décidés et mis en œuvre dans l’Education nationale Une histoire des violences scolaires Une approche purement philosophique sur la violence Une étude clinique sur les situations de violence et la manière de les analyser Une conférence sur les questions juridiques et politiques liées à la violence scolaire Un état des savoirs sur les recherches concernant la violence scolaire Un panorama des dispositifs d’aide et de soutien aux établissements concernés par la violence scolaire Une analyse sur les rapports entre la violence sociale et la violence scolaire Une étude sur les sanctions et règlements Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
… Une tentative pour penser pédagogiquement la violence dans l’école et les réponses possibles à lui apporter 1) Esquisse d’une analyse pédagogique des violences scolaires Introduction : Qu’est-ce que parler ? • Les violences contre la parole… • Vivre et apprendre ensemble quand même… • Reprendre la parole… Conclusion : Mirages et défis 2) Trois principes pédagogiques pour une « morale provisoire » 3) Perspectives pour une pédagogie contre la violence Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Introduction : Qu’est-ce que parler ? Parler, ce n’est… • Ni utiliser dessignauxdont l’impact s’abolit avec leur énonciation… « Cette langue, presque informe, qui meurt à peine née ; elle se perd sur le champ, par l’usage même. Aussitôt, elle est transformée dans le pain que l'on demande, dans le chemin que l'on vous indique, dans la colère de celui que frappe l'injure… » Paul Valéry, Eupalinos ou l’Architecte • Ni donner systématiquementsensà tout jusqu’à saturer le vie psychique, abolir le monde et interdire toute communication… « C’est très important de connaître les choses comme elles sont. Pas comment tu as peur qu'elles soient, ou comment tu voudrais qu'elles soient. Ni l'un ni l'autre. Comme elles sont. Tu dois découvrir que le monde ne pense pas à toi, qu'il ne rôde pas en attendant de pouvoir te faire mal, même s'il y a beaucoup de gens, surtout des enfants, qui pensent ça et qui ont peur. Le monde n'essaye pas non plus de te faire plaisir. » Kressman Taylor, Ainsi mentent les hommes Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Introduction : Qu’est-ce que parler ? Parler, c’est… utiliser dessignespour s’adresser à « autrui comme soi-même »… et à « soi-même comme un autre » (Paul Ricoeur). • Accepter simultanément l’aléatoire du signe et sa stabilité, afin des’inscrire dansun monde commun… • S’autoriser àpenser le monde et sur le monde… • Entrer eninterlocution avec l’autrepar le travail même de la parole qui s’ajuste - entre signal et sens - pour être entendue. C’est dans le travail de la parole qui se cherche, qui tente d’être « au plus près du plus juste », qui reconnaît l’autre comme « soi intériorisé » et comme « altérité radicale », que s’éprouve « l’intention de parler ». Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Introduction : Qu’est-ce que parler ? Entrer dans un langage et un monde communs Ajuster son propos en permanence pour susciter l’interlocution de l’Autre Prendre le risque de se mettre en je « Quand quelqu’un parle, il fait jour. » Freud Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Introduction : Qu’est-ce que parler ? Parler, c’est s’engager dans une interlocution avec un alter ego… en « anticipant sur les réactions d’un autre virtuel intériorisé » (Jürgen Habermas) dont la conscience me restera à jamais opaque (Edmond Husserl). Parler, c’est confier son destin à une quête sans fin du signe. Parler, c’est opposer la fragilité d’un sujet à la violence originelle des choses… « Le signe est une fracture qui ne s’ouvre jamais que sur le visage d’un autre signe » Roland Barthes L’empire des signes Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Première partie : Les violences contre la parole • Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? • La violence scelle l’échec de toute parole • La violence décourage toute tentative de parole Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? 1) Les violences et la violence dans l’école: de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? • Violences institutionnelles et violence contre l’institution • Violences contre les adultes et violences entre pairs • Violences extraordinaires et violences ordinaires • Violences délibérées et violences pulsionnelles • Violences anomiques et violence ontologique Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? Les institutions peuvent être violentes et engendrer, en retour, la violence des personnes contre l’institution… qui, elle-même, amènera l’institution à se durcir. Lutter contre la violence, c’est briser ce cercle vicieux. Briser ce cercle vicieux suppose de faire le pari de suspendre la violence. Ce pari est, à la fois, infiniment risqué et infiniment nécessaire. • Violences institutionnelles et violence contre l’institution Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? Les violences n’émanent pas seulement de ceux qui détiennent l’autorité institutionnelle… ou de ceux qui la contestent. Il existe des violences au sein des groupes de pairs, en particulier contre ceux et celles qui refusent l’identification mimétique et l’obéissance au chef. L’élève a besoin d’être protégé de la violence de ses pairs. Il a besoin de l’alliance de l’adulte pour pouvoir exprimer son identité/altérité. 2. Violences contre les adultes et violences entre pairs Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? A côté des actes d’agression identifiés clairement comme tels, il existe une multitude d’actes qui constituent des violences : insultes, humiliations, harcèlements, rires, regards… Il faut traiter les violences-agressions explicites, mais aussi cette multitude d’actes qui font violence au projet-même pour lequel les acteurs sont convoqués (apprendre ensemble) et à l’autorité qui l’incarne. Ce traitement nécessite un travail au long cours de construction du cadre. 3.Violences extraordinaires et violences ordinaires. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? Les actes de violence ordinaires ne sont pas tous des actes effectués avec la volonté explicite de nuire, ils ne renvoient pas nécessairement à la volonté de faire le mal ou d’être cruel, mais peuvent justement être l’expression d’un manque de construction de la volonté du sujet… Ce qui fait violence au projet d’enseigner, c’est l’installation des élèves dans le pulsionnel, installation largement appuyée par le « capitalisme pulsionnel » (Bernard Stiegler) Créer des situations suffisamment ritualisées pour permettre aux élèves de surseoir à leurs pulsions est nécessaire à la mise en œuvre du « projet d’enseigner ». 4. Violences délibérées et violences pulsionnelles. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? La définition des « actes de violence » est relative aux normes en vigueur. Toute « violence perçue » est donc à mettre en regard des « critères d’acceptabilité » d’un comportement dans un contexte donné. Cela renvoie au caractère explicite de ces critères et à la manière dont ils sont intégrables dans la culture de l’élève. Pour autant, cela ne nous exonère pas de l’impératif éthique : « Est violent tout ce qui détruit le sujet en l’autre, compromet son intégrité physique ou psychologique, atteint à son humanité. » 5. Violences anomiques et violence ontologique. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? • En bref… • Est violent tout ce qui abîme l’humain dans l’homme qui subit ou commet la violence : « L’inhumanité infligée à un autre détruit l’humanité en moi. » Kant • Eduquer, c’est créer des situations qui permettent à l’élève de maîtriser ses pulsions. • Ces situations doivent s’inscrire dans un cadre structuré et assumé, construit au tour du projet de l’Ecole : « Apprendre ensemble ». • Dans ce cadre les adultes doivent faire alliance avec les élèves afin que ces derniers puissent se construire sans assujettissement à un groupe fusionnel. • Pour y parvenir, il faut, à un moment ou à un autre, poser un acte fondateur qui rend possible la socialité : suspendre la violence. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 1) Les violences et la violence : de quoi parle-t-on ? Que nous apprennent les distinctions utilisées habituellement pour parler de la violence scolaire? « Pour commencer, il fallut d’abord poser les lances. C’est ainsi que le clan, la tribu, les peuples ont su - et c’est ainsi que, demain, dans notre monde dit civilisé, les classes, les nations et aussi les individus doivent savoir - s’opposer sans se massacrer et se donner sans se sacrifier les uns aux autres. (…) Les Chroniques d’Arthur racontent comment le roi Arthur, avec l’aide d’un charpentier de Cornouailles, inventa cette merveille de sa cour : la Table Ronde miraculeuse autour de laquelle les chevaliers ne se battirent plus. Il est inutile d’aller chercher bien loin quel est le bien et le bonheur. Il est là, dans la paix imposée, dans le travail bien rythmé, en commun et solitaire alternativement, dans la richesse amassée puis redistribuée, dans le respect mutuel et la générosité réciproque que l’éducation enseigne. » Marcel Mauss, Essai sur le don Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 2) La violence scelle l’échec de toute parole 2) La violence scelle l’échec de toute parole Platon:« Nous ne pouvons nullement persuader des gens qui ne nous écoutent pas… Comment faire entendre raison à celui qui n’a pas choisi la raison? » (La République) Pascal:« La violence et la vérité ne peuvent rien l’une sur l’autre. » (12ème Provinciale) Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 2) La violence scelle l’échec de toute parole 2) La violence scelle l’échec de toute parole Emmanuel Lévinas:« Comment entraîner au dialogue des individus portés à se faire violence? La tentation, c’est d’utiliser, pour cela, la tyrannie. Ou bien, il faut supposer une disposition préalable à la société et à la paix. Il faut un discours d’avant les discours, une raison avant la raison, une entente préalable au dialogue où chaque interlocuteur accepte de na pas fondre sur l’autre, mais, au contraire, à l’accepter dans sa radicale altérité et à accepter son interlocution. » (Liberté et commandement) Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 2) La violence scelle l’échec de toute parole 2) La violence scelle l’échec de toute parole • C’est là la fragilité des démocraties…Jean-Jacques Rousseaul’avait bien noté en proposant un pacte social unanime préalable par lequel la totalité des sujets s’engage à obéir à la règle majoritaire. Cet accord joue, en effet, le rôle de contenant et permet d’espérer une adhésion fondatrice du contrat démocratique. • Celui qui n’adhère pas au pacte social et ne prend pas sa part de la décision collective peut s’exonérer de lui obéir. • Dès lors que les minorités n’acceptent plus de se soumettre à la majorité, elles sont tentées de basculer dans la violence. • C’est pourquoi les démocraties ne peuvent se passer de police et de justice. C’est pourquoi, aussi, l’existence même de la police et de la justice apparaît toujours comme un reliquat de la dictature dans la démocratie… Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 2) La violence scelle l’échec de toute parole • En réalité, les régimes démocratiques n’ont pu fonctionner que tant que les forces centripètes - religieuses, en particulier - ont permis d’équilibrer les effets de l’absence du pacte social fondateur ainsi que les forces centrifuges liées à la montée des individualismes et des groupes de pression. • Dès lors que la verticalité théocratique s’effondre, la démocratie se retrouve face àla brèche irréductible de la violence de ceux qui n’acceptent pas l’arbitrage du débat démocratique. • EtJürgen Habermas, prenant acte de la fin des consensus, de la mort des grands récits et de la disparition des mythes fondateurs, suggère de fonder les sociétés modernes sur « le patriotisme constitutionnel » : un patriotisme qui n’a pas d’autre contenu que les conditions-mêmes d’existence de la démocratie.La verticalité exigée par la démocratie, c’est ce qui permet que l’horizontalité ne soit pas la guerre des individualités. • Mais restent alors ouvertes deux questions : • Peut-on raisonnablement espérer une adhésion à des règles de droit, sans symbolique mobilisatrice ni processus identificatoires ? • Que faire face à ceux qui résistent à l’entrée dans les règles ou qui les subvertissent par la violence ? Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 3) La violence décourage toute tentative de parole 3) La violence décourage toute tentative de parole Face à la violence, les adultes sont tentés de : 1 - Réagir eux-mêmes par la violence : c’est un moyen de dire qu’ils sont « affectés » par le comportement de l’autre, d’avouer leur fragilité et de retrouver, parfois, une possibilité de dialogue. Mais, c’est aussi, le plus souvent, engager une partie de bras-de-fer qui devra se payer d’une mort symbolique. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 3) La violence décourage toute tentative de parole 3) La violence décourage toute tentative de parole Face à la violence, les adultes sont tentés de : 2 - Réagir par l’indifférence : c’est une manière de surprendre, de « saisir » et de « sidérer » celui qui attend une réaction violente pour justifier ses propres actes et poursuivre la surenchère. Mais, c’est aussi, le plus souvent, entériner la violence, banaliser ses effets, cautionner l’humiliation et l’injustice. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
I - Les violences contre la parole… 3) La violence décourage toute tentative de parole 3) La violence décourage toute tentative de parole Face à la violence, les adultes sont tentés de : 3 - Réagir par la mise hors-champ ou la mise hors-lieu : c’est une manière de signifier que la violence exclut du collectif celui qui s’y livre et de protéger le groupe des effets de cette violence. Mais, c’est aussi, le plus souvent, externaliser le problème et ne pas agir sérieusement sur les causes du phénomène. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
A l’issue de cette première partie… • Nous disposons d’une définition acceptable de la violence : ce qui détruit l’humain comme « être de parole ». • Nous voyons que notre démocratie et nos institutions (dont l’Ecole) sont consubstantiellement vulnérables à la violence de ceux qui n’en acceptent pas le « consensus fondateur ». • Nous identifions des réactions possibles individuelles à la violence, mais dont nous voyons bien les limites. • Nous devons donc identifier des « points de vérité » qui nous permettent de « gérer la violence ». • Nous percevons que la violence nous place devant une interrogation radicale : comment éduquer à la parole contre la violence ? Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même Deuxième partie : Vivre et apprendre ensemble quand même Face à la tentation d’« éradiquer la violence par la tyrannie » ou de s’en débarrasser par l’exclusion, la pédagogie peut tenter, d’abord et tout de suite, de « permettre l’affrontement des violences dans des conditions acceptables » (Daniel Sibony)… en agissant avec trois objectifs: • Différer • Symboliser • Stabiliser Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même - 1) Différer 1 - Différer Mettre en place des dispositifs qui permettent de « différer », dans les deux sens du terme : • Surseoir à la réaction immédiate:« Ta parole sera entendue, mais pas maintenant… A tel moment et dans telles conditions… » (contre « Ta parole ne nous intéresse pas! »… ou « Tu peux tout dire tout de suite! ») • Autoriser chacun à se « décoller » des étiquettes et stéréotypesen identifiant ce en quoi il diffère et en valorisant ces différences. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même - 2) Symboliser 2 - Symboliser Donner à l’élève les ressources nécessaires pour qu’il puisse : • Etre capable d’utiliser des signes en interrogeant en permanence leur pertinence:pour nourrir le langage de l’inquiétude de la parole. • Etre capable d’emprunter des images pour figurer ses propres pulsions :afin de pouvoir les apprivoiser et les exprimer dans une forme « purifiée » (catharsis) de toute violence et qui permette, qui plus est, de s’inscrire dans « l’humaine condition ». • Etre capable de se donner des modèles d’intelligibilité du monde,en conscience de leur caractère partiel et partial : afin de ne pas être contraint d’« agresser » le monde pour entrer en relation avec lui. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même - 3) Stabiliser 3 - Stabiliser … des collectifs capables de rendre possible la prise de parole. Passer decoagulations fusionnelles et pulsionnellesà desconfigurations capables d’interrompre la fuite en avant. Empêcher les personnes de « tomber les unes sur les autres ». Se dégager du« on »pour créer des articulations du« je »et du« nous »… Apprendre à parler « en tant que »… • « j’ai un rôle, j’exerce une responsabilité, • je suis impliqué dans un projet, • je suis astreint à effectuer une tâche, • je suis membre d’un collectif, • je participe à« l’humaine condition ». Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même … en même temps : aucune injonction n’est le préalable d’une autre. Différer Symboliser Stabiliser … dans le travail sur les contenus culturels eux-mêmes et non seulement dans des structures marginales de « concertation ». … pour engager un processus de métabolisation de la violence en parole… jamais achevé dans l’histoire d’un homme et des hommes. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
II - Vivre et apprendre ensemble quand même • Permettre aux élèves d’apprendre nécessite une cohérence éducative au sein de l’école ou de l’établissement à construire… • avec les enseignants, • avec les cadres éducatifs, mais aussi les personnels administratifs et de service… • … dans le cadre de l’élaboration du projet d’établissement et du règlement intérieur. Différer Symboliser Stabiliser Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… Troisième partieReprendre la parole • La parole de l’Institution • La parole de la culture • La parole de l’éducateur • La parole de l’adulte comme figure tutélaire Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 1) La parole de l’Institution 1) La parole de l’Institution • La parole des pierres :« Les pierres pensent... Le matériau condense ce que les mots diluent. Avantage à l’architecte qui expose concis : acropole, église, château, théâtre, stade. Pas d’intuition faite édifice qui n’ait sa petite idée en assise. Les bâtiments qui tiennent le coup ont une pensée juste dans leur fondation. Ceux qui vieillissent mal sont assis sur une pensée friable. (…) Prenez le portail d’un Lycée de haute époque. Le message est moins chargé que celui d’un porche d’église gothique, mais plus qu’une façade de mairie moderne. C’est un appareil monumental qui se lit de haut en bas. Un oculus au milieu du fronton, le cadran de l’horloge : l’horaire commande. Au-dessous, sur le tympan, le nom de l’institution : Lycée untel. Sur l’entablement, Liberté, Égalité, Fraternité entre deux lettres R. F. Au niveau de la corniche, le drapeau tricolore entre les cariatides en amortissement, allégories en haut-relief des Lettres et de l’Histoire, chacune un livre à la main. Tout un programme et même une conception du monde : la classe. Cette architecture scolaire a mis en place une philosophie froide et puritaine qui parle respect plutôt qu’amour, qui dit d’abord vérité. »Régis Debray, Pour L’amour de l’art • Mais aujourd’hui… • Les pierres de nos établissements scolaires « ne parlent plus »… ou bien elles sont devenues inaudibles. Il faut sans cesse mettre en place des prothèses disciplinaires pour contenir les débordements. • L’architecture traditionnelle - héritée de la caserne et du couvent, imposant la normalisation et favorisant la méditation - ne correspond plus ni aux exigences d’une école « massifiée », ni aux besoins didactiques contemporains. • Il nous faut inventer des établissements qui soient des lieux dévolus à l’apprentissage, désamorcent les violences et permettent la circulation d’une parole sereine. Cela nécessite de forts investissements de la société tout entière : investissements en matière de créativité, investissements en matière de moyens dévolus, sur la durée, à l’éducation de la jeunesse. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 1) La parole de l’Institution 1) La parole de l’Institution • La parole de l’espace :Il nous faut redécouvrir les vertus du « matérialisme pédagogique » prôné par Célestin Freinet… comprendre que l’environnement matériel conditionne très largement les comportements des individus… percevoir à quel point l’organisation de l’espace rend lisibles et possibles les postures mentales requises par le travail scolaire… atténuer la rupture entre l’espace très structuré dans la premier degré et les espaces déstructurés du second degré… dépasser la dualité entre les disciplines où la présence d’un matériel « leste » les situations d’enseignement et les disciplines « générales » où rien ne vient médiatiser la relation pédagogique… • Concrètement nous devons… • « Faire parler » l’espace scolaire de manière exigeante et dans ses moindres détails. • Organiser les situations de classe en structurant l’espace en fonction des objectifs visés et du type de communication qu’il impose. • Construire des situations d’apprentissage en préparant minutieusement les matériaux de travail et les ressources à mobiliser en fonction des contenus de savoir à s’approprier… Apprendre aux élèves à identifier les conditions matérielles requises pour effectuer un travail donné. • Travailler à articuler sans cesse, dans les équipes d’adultes, les objectifs visés, l’organisation des espaces de travail et les comportements attendus des élèves dans ces espaces. Faire de cette articulation, un objet de formation avec les élèves au sein de chaque situation d’apprentissage. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 1) La parole de l’Institution 1) La parole de l’Institution • La parole du temps :Il nous faut apprendre à scander le temps de manière à briser le flux de l’insignifiance et les emballements pulsionnels chez les élèves : cela impose d’identifier des temporalités accordées à des objectifs identifiés et saisissables, de marquer les ruptures et d’accompagner les transitions, de construire les conditions de passage d’une activité à une autre, de signifier ces passages par des symboles forts et d’accompagner les personnes afin qu’elles accordent leurs attitudes mentales aux différents moments de leur présence à l’école. • Concrètement nous devons… • Scander l’année scolaire en y introduisant des rituels significatifs. • Scander la journée scolaire en identifiant les moments décisifs qui requièrent des rites de passage formalisés. • Travailler sur les situations de « démarrage », en fonction des disciplines et des objectifs, en mettant en place des rituels adaptés qui permettent lafocalisation et l’investissement dans le travail demandé. • Repérer, au sein de toute séquence d’apprentissage, les différents moments (écoute collective, travail de mémorisation individuelle, échanges de vérification, groupes d’exploration, travaux individuels, etc.) de manière à affecter à ces différents moments des modes de fonctionnement identifiés et clairement signifiés aux élèves. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 1) La parole de l’Institution 1) La parole de l’Institution • La parole du collectif d’adultes incarnant l’Institution :parce que beaucoup d’élèves ne perçoivent pas ce qui fait l’unité du projet scolaire ou jouent sur son absence de lisibilité… parce que les écarts de comportements entre les adultes dépassent parfois les différences de postures et de sensibilité… parce que la juxtaposition d’exigences ne fait pas une institution cohérente… parce que la fragmentation devient si importante dans les établissements que plus aucun projet commun ne peut être engagé les adultes chargés ensemble d’un groupe d’élèves doivent se constituer et exister comme un collectif instituant. • Concrètement nous devons… • Avoir les concertations nécessaires pour harmoniser les exigences qui relèvent, au-delà des programmes scolaires, de « l’école comme programme ». • Mettre en place des situations régulières où les élèves peuvent voir ensemble tous les adultes qui sont chargés complémentairement de leur enseignement et de leur éducation. • Travailler, dans ces occasions, à communiquer aux élèves une parole commune. • Organiser, à terme, des « unités pédagogiques fonctionnelles » dans lesquelles un groupe d’adultes identifiés encadre un même groupe d’élèves, assume un projet commun pour eux, organise l’ensemble des activités et garantit le suivi individuel. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 2) La parole de la culture 2) La parole de la culture • Dans le chaos pulsionnel initial, l’accès au symboliquepermet de se donner des images et d’exorciser progressivement sa peur de soi et sa peur des autres. • Dans le désordre anarchique du réel, la pensée permet d’opérer les distinctions, de séparer et de relier, d’engager un travail qui ouvre à la possibilité de parler, de s’exposer sans se mettre en danger, de s’affirmer sans s’agresser. • Dans le monde opaque où nous tâtonnons, l’accès à des modèles d’intelligibilité nous permet d’approcher les choses sans les « posséder », de se les approprier sans les voler à quiconque. • « La culture donne forme à l’esprit » (Jérôme Bruner) Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 3) La parole de l’éducateur 3) La parole de l’éducateur • Toute parole d’adulte a, qu’il le veuille ou non, une portée éducative… • Pour qu’une parole d’adulte soit authentiquement éducative, elle doit, selon la proposition de Jacques Lévine, être tripolaire : « Si je ne m’adresse qu’au moi accidenté, je me fais complice du besoin d’apitoiement. Si je n’entre en relation qu’à l’occasion de la formation réactionnelle dérangeante, je m’instaure, sans plus, punisseur de celui qui trouble l’ordre public. Si je pense naïvement qu’il me suffit de valoriser le moi, je risque beaucoup de déceptions » (Prévenir les souffrances d’école) • La parole éducative, celle qui a des chances de désarmer la violence, c’est celle donc celle qui est capable d’associer, dans la même interlocution : écoute compréhensive / fermeté exigeante / valorisation des acquis et du possible. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 4) La parole de l’adulte comme figure tutélaire 4) La parole de l’adulte comme figure tutélaire • C’est celle du maître dans la classe qui s’assume comme transmetteur et chercheur en même temps dans son rapport au savoir, celle d’un homme ou d’une femme qui incarne l’exigence de précision, de justesse et de vérité pour lui d’abord. • C’est celle des adultes qui s’assument collectivement responsables d’instituer un projet cohérent d’enseignement. • C’est celle des adultes qui, dans la société, s’inscrivent dans un passé assumé et garantissent la possibilité d’un futur. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
III - Reprendre la parole… 4) La parole de l’adulte comme figure tutélaire 4) La parole de l’adulte comme figure tutélaire La parole de l’adulte qui peut tenir la violence à distance et permettre à l’élève d’accéder au « don de la parole », c’est celle d’un adulte qui assume, selon l’expression de Jean-Luc Nancy, sa position de « formateur »: « L’oubli ou l’effacement de la formation dans l’enseignement correspond à l’un des aspects les plus marquants et les plus fondamentaux de la crise de notre éducation. (…) Le formateur est celui qui, dans la transmission elle-même, donne forme à son propre savoir. Ainsi, tout en transmettant une « information » il donne l’exemple de l’activité formatrice. Cela ne veut pas dire qu’il se donne comme modèle, mais qu’il se présente comme une figure singulière - une forme - en face de laquelle peut se constituer une autre figure. Il transmet ainsi son rapport à la vérité bien plus que la vérité. Et la possibilité pour l’autre, de se construire en se donnant sa propre forme… et en formant, à son tour, d’autres êtres humains. » Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
En conclusion : Mirages… et défi En ces temps qui nous paraissent parfois crépusculaires… « Les nuages orangés du couchant éclairent toutes choses du charme de la nostalgie : même la guillotine. » Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
Plutôt que de céder à la nostalgie… • Face à la faillite des théocraties de toutes sortes et au déferlement des violences qui nous menacent, il nous faut croire encore à la fragilité de la parole : nous n’avons pas d’autre choix. • Entre l’énigme du désir et l’universel de la loi, le travail éthique et politique de la découverte des conditions de cette parole ne nous sera pas épargné. • Et nous devons relever ce défi avec une créativité industrieuse et obstinée… au nom d’une tendresse, infiniment précieuse et nécessaire, envers une humanité désormais assignée à la modestie. Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009
En conclusion : Le défi 1795 Philippe Meirieu - Quelle parole face à la violence ? 21/01/2009