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un été à la campagne. Septembre 1942, Cartignies un petit village de Thièrache. Avant la rentrée des classes notre arrière Grand-Mère Clémence nous accueille ma cousine Thérèse et moi pour quinze jours de vacances. - Debout ! Il est sept heures les enfants, venez vite déjeuner.
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un été à la campagne ... Septembre 1942, Cartignies un petit village de Thièrache. Avant la rentrée des classes notre arrière Grand-Mère Clémence nous accueille ma cousine Thérèse et moi pour quinze jours de vacances. - Debout ! Il est sept heures les enfants, venez vite déjeuner. Une bonne odeur de café et de pain grillé se faufilait dans toute la maison nous incitant à sortir du lit. Mais les matins de Septembre sont frisquets et ni Thérèse ni moi n’avions envie de quitter la douce tiédeur des draps. Un p’tit clic pour avancer …..
Au troisième appel il fallut bien se résigner et c’est en courant que nous nous précipitâmes dans la cuisine, la seule pièce chauffée par un antique poêle à charbon, • pour y dévorer d’énormes tartines dégoulinant de confiture de rhubarbe trempées dans le lait à peine coloré de café. L’estomac satisfait nous reprîmes notre somme mais la séance de torture journalière –comment passer outre – la toilette, nous attendait dans la buanderie glaciale.
- N’oubliez pas le cou et les oreilles et emportez un broc d’eau chaude !! Demain Samedi grand nettoyage à la bassine. • Débarbouillées, habillées restait encore l’ultime supplice : aller aux cabinets dans le fond de la cour où pour en compenser l’inconfort,nous pouvions lire des fragments du journal des grands, coupés en huit, et parfois même un morceau du feuilleton qu’il nous était totalement interdit de regarder. Grand-mémère avait un avis bien tranché sur la place des cabinets « Comment les gens de la ville peuvent-ils mettre un endroit aussi sale à l’intérieur d’une maison !!»
Huit heures sonnaient au cartel Napoléon lorsqu’un bruit de clochette et le pas lourd d’un cheval se firent entendre au loin. • - Thérèse, voilà Caroline, va nous chercher le pain et le journal. Toi, prends le seau et la pelle et va ramasser les « étrons » sur la route avant que les oiseaux ne les éparpillent pour y trouver l’avoine. Après, tu les répandras autour des fraisiers mais sans toucher les feuilles sinon ça les brûlerait !! Si tu en as trop tu les mettras sur le fumier. Ensuite, vous irez au champ cueillir des pissenlits pour les lapins et pour nous, puis vous irez jouer jusqu’au dîner. Dans le Nord de la France, on dîne le midi et on soupe le soir
Ce n’était pas trop pour nous plaire, mais Thérèse et moi, à tour de rôle, avions cette tâche « essentielle » à accomplir. On ne pouvait rien refuser à cette grande femme, toute habillée de noir, au visage sévère et ingrat, mais dont le cœur n’était qu’amour et générosité. • Un lapin aux pruneaux bien juteux, des pommes de terre sautées au beurre salé. Un régal ! Pas d’entrée, pas dessert, tel fut notre repas. La viande était rare à cette époque mais, en campagne, le troc était de mise, du beurre, des œufs contre de la viande. • Aujourd’hui les petites, nous allons bien nous amuser. Mathieu m’a apporté des pommes et des rosés des prés et on va en faire des colliers.
C’était notre jeu préféré. Mémère Clémence coupait les pommes en lamelles épaisses et nous les enfilions, bien espacées, à l’aide d’une aiguille à broder sur de la ficelle fine. Il en allait de même pour les champignons dont nous transpercions férocement la queue. L’arrière du poêle s’égayait alors de guirlandes pendues. La chaleur aiderait à la dessiccation. A la mauvaise saison un court trempage dans l’eau tiède leur rendrait leur forme première et ils serviraient en cuisine. J’ai encore dans la bouche le goût des « figottes » de pommes, caoutchouteuses, acides qui m’agaçaient les dents !!
Les mains bien occupées, nous bavardions gentiment de rien, de tout, de papa, de maman, de l’école, de la maîtresse, le tout entrecoupé de comptines reprises en cœur. • - Tiens, le Landru des taupes est encore en train de faire sa cuisine. Vous ne sentez rien les filles ? • Par la fenêtre ouverte une odeur âcre, écoeurante peu à peu s’infiltrait. • - Qu’est-ce-que c’est Grand-mémère, et qui c’est Landru ? • - Landru, vous n’avez pas à le savoir, ce n’est pas de votre âge mais c’était un méchant homme. C’est moi qui ai appelé ainsi le taupier. Quand un champ est envahi par les taupes on l’appelle, il les attrape, les tue, les dépèce, la peau de taupe se vend bien et il brûle le reste. C’est cela qui sent mauvais. Lui, c’est un brave bougre.
- Mémère on a fini, on peut aller jouer ? • - Pas encore, les enfants. On monte au grenier retourner les simples. • C’est que Mémère était un peu rebouteuse et elle ramassait les herbes qui soignent, les faisait sécher et les utilisait en tisanes, en bains…et nos petits maux disparaissaient – la médecine naturelle avant l’heure !! • Une heure après, tout était terminé. • - Maintenant allez chez Gaston, j’entends qu’il rentre ses vaches pour la traite, vous pourrez l’aider. • L’odeur lourde et chaude de l’étable nous ravissait toujours et Gaston s’y entendait pour nous faire des farces alors qu’il trayait ses bêtes, comme de nous arroser d’un jet de lait en pliant un pis. Mais, j’ai toujours refusé boire le lait chaud tout juste tiré. • - A demain, les petites, Courez vite chez votre grand-mémère !
La nuit commençait à tomber. Mémère baissa la lampe à va-et-vient et alluma. • - Vous pouvez jouer aux cartes, au « mariage », si vous voulez. Je vais réchauffer la soupe et préparer les rôties. Ah les rôties ! Une tranche de pain couverte de fromage gras, souvent du Maroilles, dorée au four et ruisselante de beurre, un délice au parfum puissant et sauvage qui vous brûlait les lèvres si vous n’y preniez pas garde. • Huit heures du soir venaient de sonner à la pendule. Repues, nous attendions, tremblantes, l’instant magique des histoires qui font peur. Et Grand-mère de nous conter l’histoire abominable du Bouzouk qui punit les enfants méchants en les changeant en arbre, de Marie-Gorette, la sorcière impitoyable qui les enlève lorsqu’ils sont exécrables. Que dire des chauffeurs de Cartignies, une bande d’assassins qui brûlaient les pieds des gros fermiers pour leur faire avouer où ils avaient caché leur argent !! Serrées l’une contre l’autre, Thérèse et moi frémissions de terreur mais jamais, au grand jamais nous n’aurions demandé d’interrompre le récit qui tout en nous pétrifiant nous plongeait dans un autre univers. Depuis toujours les contes et légendes ont bercé l’enfance, avec leur cruauté mais aussi avec leur morale implacable qui récompense les bons et punit les méchants.
- Il est neuf heures, les petites, il est temps d’aller au lit ! Prenez votre brique dans le four, sans vous brûler, mettez la dans un journal et n’oubliez pas la lampe à pétrole. Dans dix minutes vous éteignez et que je n’entende plus alors aucun bruit ! • Enervées par notre belle journée, nous gloussions sous l’édredon. Et que je te chatouille et que je te pince ! • - Si vous n’arrêtez pas, j’envoie Marie Gorette !! • Vaine menace pour les deux pestes qui poursuivent dans le noir leurs galipettes. Oubliées les histoires de Bouzouk, et de sorcières. Marie- Gorette peut bien venir nous sommes prêtes à l’accueillir !!!!!!!!!
Quand, soudain………….Par la porte entr’ouverte une lueur vacillante, apparaît, tandis qu’un glissement feutré se fait entendre.
Thérèse a vu l’apparition, secoue sa cousine et lui montre du doigt. • - C’est toi, Mémère ?? • Un ricanement sinistre lui répond. • Les fillettes se tournent vers le mur pour ne plus rien voir. L’horreur totale s’empare d’elles lorsqu’elles distinguent, en ombre chinoise, une tête monstrueuse avec un nez en bec d’aigle tandis qu’un bras démesuré s’étire vers elles. • - C’est cette sale bête de Marie-Gorette qui vient nous emporter !!!!!!!! • Sous les draps, blotties l’une contre l’autre les gamines se sont tu .Le sommeil va bientôt les emporter (Marie-Gorette n’est pas si méchante !!)
La bougie à la main, Grand-mémère Clémence s’éloigne en riant doucement. Dans un accident de jeunesse elle avait eu le nez cassé et conservé un profil d’oiseau de proie ! • Ce furent de belles vacances !!! Texte de Marcelle Betbeder Marcelleb sur planète …. réalisation de Papot Jacky … ( entre nous , Mémère Clémence était la grand-mère de Marcelle mais , chut !!! C’était entre nous )