380 likes | 500 Views
Histoire des sciences : de la puissance au renoncement. J.-L. Léonhardt Maison de l’Orient et de la Méditerranée CNRS Lyon. Ens Lyon 2008. Bibliographie (brève). Espagnat B. (d’) , Traité de physique et de philosophie , Fayard, 2002.
E N D
Histoire des sciences :de la puissance au renoncement J.-L. Léonhardt Maison de l’Orient et de la MéditerranéeCNRS Lyon Ens Lyon 2008
Bibliographie (brève) Espagnat B. (d’), Traité de physique et de philosophie, Fayard, 2002. Espagnat B. (d’), Physique contemporaine et intelligibilité du monde, http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/espagnat/lourmarin_science.pdf ,2004. Zwirn H., Les Limites de la connaissance, Odile Jacob, 2000. Soler L., Philosophie de la physique, dialogue à plusieurs voix autour de controverses contemporaines et classiques, L’Harmattan, 2006. Smolin, L. Rien ne va plus en physique, l’échec de la théorie des cordes, Dunod, 2007. Léonhardt J.-L. L’homme de science et sa raison, le rationalisme est-il rationnel ?, Parangon, Avril 2008. Jean-louis.leonhardt@mom.fr
Raison : • Appartient à la pensée mais s’étudie dans le discours ; • Capacité de tirer des conséquences correctes de principes déjà connus ; • Sens étroit : la raison ne se préoccupe pas de la vérité des principes qui initient le processus ; non "entendement" • Cette définition est celle d’Aristote … et celle d’aujourd’hui. Le rationalisme est un modèle particulier de la raison
Réalisme • Il existe une réalité extérieure indépendante de l’existence d’observateurs. (Réalisme Métaphysique) • Cette réalité est constituée d’entités intelligibles. (Intelligibilité de la Réalité) • Les théories scientifiques sont vraies en ce sens que les concepts des théories scientifiques se réfèrent à des entités réelles. (réalisme épistémique) • Il en résulte que les progrès de la science sont des découvertes et non des inventions ou des conventions.(Réalisme Naïf)
Synthèse A Du 4ème siècle av. J.-C. g1900 - une manière de penser la raison scientifique le modèle de la raison rationaliste B Depuis 200 ans environ - une autre manière de penser en science modèles de la raison antagoniste
mulet X modèle de la raison rationaliste • point de vue : la philosophie du langage • notion nouvelle : l’extension de l’univers du discours Univers du discours : les animaux Univers du discours en « langage naturel » Univers du discours scientifique centaure mulet X non mulet
2 niveaux de discours : "Métaphysique" et "physique" Métaphysique : • Principe de contradiction • Vérité-correspondance • définition • 3 critères de vérités • universalité • nécessité (déterminisme) • connaissance de la cause Physique : • Saisie des principes • sensation et le noûs • Raison (logique) Le discours métaphysique est antéprédicatif
A – D’Aristote à Frege : les contraintes • Principe de contradiction « Existence » et « non existence » simultanée d’un mot n’est pas pensable. « Mulet » existe « Centaure » n’existe pas « Tous les hommes sont mortels » vrai « Quelques hommes ne sont pas mortels » faux • Vérité-Correspondance « Il dit la vérité celui qui croit conjoint [dans le discours] ce qui est conjoint [dans le monde]. » Aristote « Ce n’est pas parce que nous disons la vérité en t’appelant blanc que tu l’es, mais c’est parce que tu es blanc qu’en le disant, nous disons la vérité. » Aristote
A – D’Aristote à Frege • Tous les mots sont « définis » Euclide : « un point est ce dont il n’y a aucune partie. » • Trois critères de vérité : • Universalité • Nécessité, déterminisme versus accident • Intelligibilité de la cause Accident : « je marche et un éclair survient » Nécessité : « tout animal égorgé meurt »
A – D’Aristote à Frege • Les principes délimitent l’univers du discours Syllogisme déductif : Tout A est M Tout M est B Tout A est B Caractéristiques de la déduction : - Si les prémisses sont vraies alors la conclusion est nécessairement vraie - Toutes les informations de la conclusion sont contenues dans les prémisses Principes Conclusion 1 Conclusion 2 ….
A – D’Aristote à Frege Le modèle de la raison rationaliste est fondé sur l’inter-dit de penser le contradictoire. Conséquences : - Unicité de l’univers du discours d’une science donnée. Ex : il n’y a qu’une seule géométrie
Univers du discours : l’espace empirique - Complétude : * le monde nous est intelligible complètement * la science est un savoir certain * de droit sinon de fait
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Le principe de contradiction est admis sans débat La logique n’a pas fait un pas en avant ni un pas en arrière depuis Aristote. Kant La logique n’a pas d’histoire !
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Il est convenu que le langage mathématique est le langage de la nature… « La philosophie est écrite dans ce très grand livre qui se tient constamment ouvert devant les yeux (je veux dire l'Univers) et qui ne peut se saisir si tout d'abord on ne se saisit point de la langue et si on ignore les caractères dans lesquels elle est écrite. Cette philosophie, elle est écrite en langue mathématique. Ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est impossible de saisir humainement quelque parole ; et sans lesquels on ne fait qu'errer vainement dans un labyrinthe obscur. » Galilée
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Ex: Descartes unifie la géométrie et l’algèbre géométrie Géométrie analytique algèbre
lune Univers du discours : Le mouvement Aristote calcul différentiel terre Newton A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Ex: Newton ajoute le calcul différentiel et intégral
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Premier renoncement : l’intelligibilité de la cause La gravité doit être causée par un agent agissant constamment selon certaines lois, mais que cet agent soit matériel ou immatériel est une question que j'ai laissée à l'examen de mes lecteurs. » Newton
calcul différentiel Pascal 17e Bernoulli 18e Laplace 19e A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Probabilité et hasard Univers du discours : mathématiques probabilité hasard Permet d’exprimer – Le doute – La vraisemblance – L’hésitation Laplace : les théories probables mesurent notre ignorance.
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Cela prépare au second renoncement (20éme siècle) le déterminisme absolu : « Tout dans la nature, aussi bien dans le monde inanimé que dans celui des vivants, se produit selon des règles, bien que nous ne connaissions pas toujours ces règles.[…] Il n'y a nulle part aucune absence de règles. Si nous croyons constater une telle absence, nous pouvons seulement dire en ce cas que les règles nous sont inconnues. » Kant
A – D’Aristote à Frege : La science classique 17e-19e siècle Conclusion Malgré tous ces perfectionnements, le langage mathématique ne suffit pas pour décrire le monde empirique. Il faut non abandonner les mathématiques mais leur interprétation. C’est le principe de contradiction qui est en cause. L’imagination fait son entrée en science.
B – Depuis 200 ans environ • J. Bolyai (1825) ose écrire : Par 1 point extérieur à 1 droite, il passe 2 parallèles : vrai « J’ai créé un nouveau monde, un autre monde à partir de rien » lettre à son père. La somme des angles d’un triangle est < 180° : vrai • B. Riemann (1854) ose écrire : Par 1 point extérieur à 1 droite, il passe 0 parallèle : vrai 2 droites se coupent en 2 points : vrai L’unicité de l’univers du discours doit être abandonnée
B – Depuis 100 ans environ L’extension de l’univers du discours mathématique augmente indéfiniment Univers du discours sur les géométries A Axiome Elliptique Hyperbolique
B – Depuis 100 ans environ Conséquences : Le langage mathématique est « déréalisé », ce n’est pas le langage de la nature. Les discours mathématiques sont des « fictions » … et un puissant instrument pour inventer le monde. • Le modèle de la raison rationaliste, admis pendant 2400 ans, doit être abandonné : • Le principe de contradiction n’est pas universellement vrai, • Il ne s’applique qu’à l’intérieur d’un univers du discours, • Les concepts sont conçus et non pas perçus, • La notion de vérité doit être redéfinie.
B – Depuis 100 ans environ e La Vérité-Cohérence « Si des axiomes arbitrairement posés ne se contredisent pas l'un l'autre ou bien avec une de ses conséquences, ils sont vrais [comme cohérence] et les choses ainsi définies existent [dans la pensée]. Voilà pour moi le critère de la vérité [-cohérence] et de l'existence. » Hilbert Il dit la vérité celui qui croit conjoint [dans le discours] ce qui est conjoint [dans le monde]» Aristote.
B – Depuis 100 ans environ « Les axiomes géométriques […] sont des conventions ; notre choix [de physiciens], parmi toutes les conventions possibles est guidé par des faits expérimentaux. Mais il reste libre et n'est limité que par la nécessité d'éviter toute contradiction. Dès lors, que doit-on penser de cette question : la géométrie euclidienne est-elle vraie [comme correspondance] ? Elle n'a aucun sens. » Poincaré La pluralité des univers du discours impose un nouveau renoncement : la complétude.
B – Depuis 100 ans environ a L’incomplétude « Dans tout système formel assez puissant pour formaliser l'arithmétique, si le système est consistant, il existe une proposition indécidable, c'est-à-dire vraie mais qu'on ne peut pas prouver. » Gödel Univers du discours délimité par une axiomatique donnée ?
A – D’Aristote à Frege Modèle de la raison rationaliste Etc. Science de l’espace : La géométrie euclidienne Science du mouvement : Aristote : h = k t Galilée : h = k t 2 Science des animaux :
B – Aujourd’hui Modèles de la raison antagoniste Logique Mathématique Science empirique Autres Axiome de bivalence Intuitionnisme Modèle 1 : Géométrie euclidienne Modèle 2 : Géométrie elliptique Modèle 3 : Géométrie hyperbolique Point de vue n° 1 Point de vue n° 2 Point de vue n° 3
Un modèle universel de la théorie de la science : Univers des discours de la science Univers du discours empirique Univers du discours théorique Phénomène Phénomènes Cohérence ? Cohérence ? Mais nous ne pouvons nous contenter de la vérité-cohérence …
Univers du discours de la philosophie Univers des discours de la science ? Phénomène Phénomènes cohérence Cohérence ? La vérité-correspondance ou le sens du discours scientifique nécessite une interprétation postprédicative
conclusion Aristote : • Métaphysique (antéprédicative) puis Physique • Modèle de la raison rationaliste. Principe de contradiction • Unicité et complétude • Recherche la vérité-correspondance, la certitude ou épistémè • La science ne donne pas la puissance (distincte de la techné) Cette théorie de la science est fausse car elle ne permet pas de dire le monde empirique.
conclusion La science classique 17e siècle • Nie toute métaphysique pour la science • Modèle de la raison rationaliste. Principe de contradiction • Unicité et complétude • Recherche la vérité-correspondance, la certitude ou épistémè • La science donne la puissance à travers la technique • Abandonne l’intelligibilité de la cause et le déterminisme absolu Cette théorie de la science est incohérente mais efficace.
conclusion La science aujourd'hui • Modèle de la raison antagoniste • Multiplicité des théories, incomplétude • Recherche la vérité-cohérence (cohérence du discours) • Nécessite une interprétation postprédicative (métaphysique) • Renonce à la toute puissance de la technique Cette théorie de la science n’est pas fausse !
B Depuis 100 ans environ Ex : sciences de la vie. La notion d’espèce et la relation espèce a genre Espèce = genre + différence À l’intérieur d’une espèce, on néglige les différences de sexe, de couleur de peau, de taille, etc. Dans ces conditions l’« espèce » existe dans le monde. Un caractère essentiel de l’espèce : l’interfécondité Question: comment classer le mulet qui est stérile ? Autre point de vue, l’observation empirique montre que de nouvelles espèces sont issues par différenciation d’une espèce donnée ; on ne peut donc négliger les différences intra-espèces.
B Depuis 100 ans environ Ex : sciences de la vie. La notion d’espèce et la relation espèce genre. Univers des discours sur l’espèce, 3 points de vue : Biologique Morphologique Évolution cheval âne espèce Cheval, âne, mulet mulet
En guise de conclusion : Aristote nous a donné une théorie de la science cohérente. Le principe de contradiction domine son système et conduit à penser le monde de telle sorte que l’on puisse le connaître avec certitude. Les conditions nécessaires sont draconiennes : on ne doit utiliser que des termes « existants », la vérité-correspondance exclut l’imagination et présuppose les conditions d’universalité, de nécessité et d’intelligibilité de la cause. La science classique étend considérablement l’univers du discours des mathématiques et renonce à deux des trois conditions de vérité. Elle conserve l’universalité du principe de contradiction. Elle pense le monde selon le modèle de la raison rationaliste.
….En guise de conclusion : L’invention des géométries non-euclidiennes rompt avec ce modèle puisque l’on admet que deux principes contradictoires puissent être pensés vrais simultanément. Cela conduit à de nombreuses transformations de la théorie de la science : le discours de la science peut utiliser des mots sans correspondance avec le monde (les mots sont conçus ou imaginés et non perçus), la vérité ne fait plus référence au monde (vérité-cohérence), une théorie ne peut plus prétendre « fournir une description du réel tel qu’il est vraiment ». Le réalisme en science doit être abandonné ! Nous pensons le monde selon le modèle de la raison antagoniste. Une théorie scientifique est acceptée tant que ses prévisions sont cohérentes avec les discours de l’expérience. Elle nous informe sur le monde à la condition d’y ajouter une interprétation postprédicative, exprimée dans un univers du discours plus vaste : nous pouvons appeler philosophie cet univers du discours.
…En guise de conclusion : Aristote pensait que la science faisait partie de la philosophie. La science classique a cru s’être affranchie de la philosophie. Elle se trompait. L’interprétation postprédicative impose d’admettre, selon des conditions nouvelles, que la science appartient en propre à la philosophie.