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Développement des énoncés complexes dans le récit en L1 et en L2 (enfants issus de l'immigration tunisienne en France). Lamia ALLAL MoDyCo UMR 7114 Px/ CNRS.
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Développement des énoncés complexes dans le récit en L1 eten L2 (enfants issus de l'immigration tunisienne en France) Lamia ALLAL MoDyCo UMR 7114 Px/ CNRS
La présentation d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre d’une étude portant sur l’appropriation du français et de l’arabe tunisien, et ce dans une perspective transversale et longitudinale. Il s’agit, surtout, de comprendre les processus en jeu chez les enfants issus de l’immigration, dans l’apprentissage des langues, dans un environnement institutionnel bilingue français / arabe. • Elle a pour objectif d’examiner comment l’enfant conceptualise des structures événementeilles complexes, et les formule en un texte global, dans une situation déterminée de production de récit, compte tenu de son développement cognitif et du répertoire linguistique dont il dispose.
Analyse et exploitation des données • Un groupe de 12 enfants (du CE1 au CM2) suivi longitudinalement • Des productions de récits oraux enregistrés puis transcrits • Une histoire: Frog where are you? (Mayer 1969) • Des récits segmentés en énoncés et en propositions selon les critères de Berman et Slobin (1995), développés dans Sanz (1999), qui tiennent compte d’un faisceau d’indices fonctionnels, prosodiques et interprétatifs. • Un point de vue fonctionnaliste articulant conceptualisation et formulation (le modèle psycholinguistique de la production textuelle (Levelt 1989) et de la réferenciation (Stutterheim & Klein 1987)).
Le choix de centrer l’étude sur la construction du récit est dicté par le fait que s’approprier une langue n’est pas seulement connaître le lexique et les structures grammaticales de cette langue, c’est aussi et surtout « apprendre les différents types d’enchaînement des énoncés » (François, Hudelot et Sabeau-Jouannet, 1984). • L’interprétation des données associe les dimensions typologique et acquisitionnelle. • D’un point de vue acquisitionnel, on suppose que les enfants développent progressivement des moyens de construire des récits de plus en plus cohésifs et qu’à partir de CM1, les enfants utiliseront plus de structures hiérarchisées. • D’un point de vue typologique, on examine dans quelle mesure l’influence de la LA se manifeste dans le développement de la connectivité.
Mode d’organisation des récits en français • Dans les productions de cette histoire de la grenouille, le nombre de propositions et de procès est beaucoup plus élevé que le nombre d’énoncés : Influence de l’input didactique Développement cognitif et linguistique
Modalités d’empaquetage/condensation dans les récits Mon point de départ, les travaux de Berman & Slobin (1994), de Akinci& Jisa (2001), concernant la structuration de productions narratives chez des enfants de langues diverses et les travaux de Noyau (1999). • L’empaquetage des évènements ou la condensation = capacité à analyser une situation en différentes composantes qui sont encodées dans un énoncé multipropositionnel. • Ainsi, l’acquisition des compétences consistant à combiner des propositions afin de réaliser des récits cohérents, ce qui requiert un effort cognitif, est un signe de développement chez l’enfant (cela peut s’étendre au-delà). • Ces jeunes, qui sont en face d’une langue première double, auront à acquérir de pair cette capacité conceptuelle de planification et les moyens linguistiques permettant de l’exprimer. • Ces moyens peuvent variés selon les langues d’une part et selon le niveau de maîtrise de la langue, d’autre part.
L’axe parataxe/hypotaxe et degré de condensation • Du point de vue « intégration-hiérarchisation de procès multiples en une seule énonciation » (cf. Noyau et Paprocka, 98), un développement vers la complexification des énoncés en fonction de l’âge est constaté. • Les enfants de CE1 favorisent l’organisation chronologique et linéaire des événement. Leurs productions manquent de cohérence et de cohésion. • La présence des énoncés multipropositionnels (surtout à 2 prop.) ne signifie pas toujours que l’hypotaxe soit privilégiée : emploi superflu de « et » seul ou renforcé par « après, puis »; constatation vérifiée par Kern 97. • l’utilisation de l’hypotaxe se fait progressivement en fonction du développement cognitif des locuteurs et de l’acquisition de structures syntaxiques plus complexes.
Modalités d’empaquetage / condensation dans les récits en français (cf. Kirchmayer, 2000) • Récits plus linéaires chez les plus jeunes et difficultés à hiérarchiser les évènements. Cela est dû au poids lourd qu’engage la planification et la production d’énoncés complexes. Ils n’ont pas encore les capacités cognitives pour traiter plusieurs évènements comme faisant partie d’une macro-structure. Ils optent pour cela à une solution peu coûteuse en présentant les évènements du récits dans leur ordre chronologique d’apparition, selon le PON. • Une maturité cognitive chez les CM2 à conceptualiser les évènements de l’histoire selon ces modalités et à proposer des structures hiérarchisées. Influence didactique et développement des moyens linguistiques.
Ces résultats rejoignent ceux de Berman & Slobin dans leurs études sur la complexification des modalités d’empaquetage chez des enfants. Selon eux, il y a 4 stades développementaux : Empaquetage temporel (temporal packaging) Empaquetage causal (causal packaging) Empaquetage de composantes (constituent packaging) Complexe évènementiel (event complexes)
Les connecteurs : un moyen explicite de structuration et de hiérarchisation • L’empaquetage et la condensation au niveau conceptuel se manifeste au niveau de la formulation linguistique par l’emploi d’outils marquant des liens interpropositionnels : les connecteurs. • Voici quelques définitions à partir desquelles Kirchmayer (2000) a basé sa terminologie :
Les connecteurs dans les récits en français • Les plus jeunes optent pour une structuration chronologique des évènements, où chaque énoncé est lié au précédent par le P.O.N. On trouve dans leurs productions des connecteurs traditionnellement considérés comme un moyen de structuration paratactique dont l’emploi est parfois superflu. • Ces connecteurs tels que « et, et après… » diminuent avec l’âge. • Même si l’on ne doit pas oublier l’influence de la scolarisation, donc de l’écrit, dans l’oralisation, on peut observer une certaine évolution de la complexité des énoncés au moyens de connecteurs sémantiquement plus fort que « et, et après… ».
Ces résultats vont dans le sens de ceux d’Akinci (1999), Kern (1997) et d’autres, concernant l’acquisition des connecteurs par des natifs français et par des bilingues. • Il y a une haute fréquence de connecteurs limités montrant une importante multifonctionnalité chez les petits. Le répertoire de ces connecteurs se développe ensuite en se spécifiant et en marquant ainsi des relations complexes permettant d’exprimer une variété de relations sémantiques. • Une évolution dans l’acquisition des capacités linguistiques et conceptuelles en rapport, d’une part, avec le développement cognitif et linguistique des enfants, (l’accroissement de leur mémoire de travail et de leur capacité à planifier), et , d’autre part, avec l’environnement didactique (le travail en classe de CM1/CM2 est surtout centré sur la construction de la phrase complexe, selon le programme de l’Education Nationale) et l’influence de l’écrit dans l’oralisation (l’impact de l’acquisition de la « litteracy » sur la compétence grammaticale en cours de développement).
Continuum de l’acquisition des modalités d’empaquetage des évènements (Kirchmayer, 2000) • Liens inter-énoncés non justifiés (parataxe) • Liens spécifiés par l’emploi de connecteurs (décomposition d’évènements) • Liens spécifiés et exprimés par des moyens variés (décomposition ou synthétisation d’évènement)
Mode d’organisation des récits en arabe tunisien • Le nombre des énoncés diminue avec l’âge contrairement à celui des propositions et des procès. • Du point de vue acquisitionnel, la représentation des procès est plus complète chez les CM2 et les adultes.
Modalités d’empaquetage :L’axe parataxe/hypotaxe et degré de condensation • un emploi massif de la parataxe dans l’organisation du discours. C’est la juxtaposition, donc une cohésion purement locale, qui est privilégiée dans notre corpus • Les énoncés polypropositionnels à condensation faible sont dominants. • la cohésion entre plusieurs énoncés pluripropositionnels se fait de façon implicite sans connecteurs ou au moyen de connecteurs pluri-fonctionnels comme wa (et) ou mba3d (après) qui dans certaines productions ont la fonction de remplisseur de pause ou de lien purement additif. • Les structures hypotactiques augmentent avec l’âge. Les récits des plus grands sont plus hiérarchisés.
Ce développement de la condensation est en rapport avec l’accroissement de la mémoire de travail des enfants et de leur capacité à planifier. Il est, également sans doute, influencé par leur input didactique.
Modalités d’empaquetage dans les récits en arabe • Évolution dans l’emploi des structures complexes. • Plus de difficultés à agencer les informations dans des constructions complexes chez les jeunes. • Moindre recours à l’empaquetage temporel avec l’âge, lié à l’enrichissement de l’éventail des moyens linguistiques permettant la hiérarchisation et l’expression de relations sémantiques diverses. • Importance de l’empaquetage de composantes en LA avec l’emploi de structures elliptique, du participe actif et de périphrases verbales. Ex. Bilel (CM2) : mba3d el-kalb qA3ed y-ugzur (après le chien assis regarde) esh besh i-Sir (ce qui va arriver) Après le chien est entrain de regarder ce qui va se passer.
Les connecteurs dans les récits en arabe tun. • L’éventail des moyens linguistique s’enrichie avec l’âge et avec le niveau acquisitionnel (influence didactique : apprentissage de la phrase complexe en arabe à partir de CM1) • L’emploi de « win » (où) marquant une interrogation indirecte peut être une influence du français puisqu’en arabe on privilégie l’interrogation directe. • Plus de moyens chez les adultes ; leurs récits sont marqués par une organisation et une planification des évènements en unités informationnelles plus larges : des constructions à connecteurs comparatifs, hypothétiques, concessifs ainsi que des propositions à participes actif ou actif spécifiant des actants ou la manière des procès.
Ex. Imen (Adulte) : - w-el-kal mafju3 et son chien qui est terrifié / étant terrifié - y-ejri fi jurr-it el-gzala il court après la gazelle A côté de cette capacité à entretenir plusieurs niveaux de hiérarchisation dans un même énoncés (émergence de moyens plus spécifiques à partir de CM1, diversification des moyens chez les adultes), nous constatons une prédominance de la parataxe. Cela peut s’expliquer par le fait qu’en arabe tunisien, on privilégie la parataxe dans l’organisation de l’information : les liens entre propositions sont souvent non marqués et laissés aux inférences pragmatiques (Cf. Brahim 1997). • En arabe tunisien, la condensation n’implique pas forcément la dominance de l’hypotaxe. Ex. Sonia (CM1) : el-kal y-ejri (le chien court) en-nHal y-ejr-u a3li-h (les abeilles le poursuivent) y-etxabba ura esh-shejra (il se cache derrière l’arbre) u en-nHal ma-y-alG-u-h-es (et les abeilles ne le trouvent pas) Entre les propositions de même statut énonciatif existe un lien d’implication non marqué linguistiquement qui peut être interprété pragmatiquement en relation de cause à effet.
Comparaisons des récits en arabe et en français : macro-structure • La comparaison des données montre un taux global homogène pour l’organisation des récits
Comparaisons des récits en arabe et en français : Hypotaxe et degré de condensation • Plus d’énoncés complexes en LF qu’en LA. • une structure plus élémentaire en LA, avec une hiérarchisation moindre entre les événements. En revanche, en LF, Ces enfants, (surtout les CM1 et CM2) ont une organisation plus hiérarchisée du discours, par le recours aux fonctions sémantiques variées de la subordination. • Cette capacité à manier des structures complexes indique un niveau de maîtrise discursive plus avancé en langue française. • La préférence pour la parataxe au détriment de l’hypotaxe en LA. • En arabe tunisien, on privilégie la parataxe dans l’organisation de l’information : les liens entre propositions ne sont le plus souvent pas marqués mais laissés à reconstruire par inférence pragmatique (cf. Brahim, 1997). • La condensation n’implique pas forcément la dominance de l’hypotaxe.
CONCLUSION • il y a une claire progression dans l’acquisition des capacités linguistiques et conceptuelles en rapport : • d’une part, avec le développement cognitif et linguistique de ces enfants (l’accroissement de leur mémoire de travail et de leur capacité à planifier et à aborder une tâche de façon globale et le passage de l’emploi des enchaînements paratactiques neutres avec et à celui des connecteurs sémantiquement différenciés) • d’autre part, avec l’environnement didactique puisque, grâce aux activités de compréhension des récits ou d’expression orale, l’enseignant sensibilise ses élèves à la complexité de la mise en récit. L’enfant apprendra, donc, à construire un récit plus riche (avec des séquences argumentatives, dialogiques, descriptives…), et plus cohésifs.
(Cf. Kirchmeyer 2002) Décomposition linéaireSynthétisation et Hiérarchisation Enfants Adultes Etape 1 Etape 2 Etape 3 • Proportion propositions / énoncés n’est pas élevée • Parataxe dominante • Connecteurs d’addition, de succession et des déictiques • Lexique verbal de base • Proportion propositions / énoncés plus élevée • Parataxe + hypotaxe • Davantage de structures relationnelles + « connexité syntaxique » • Capacité de planification et de hiérarchisation • Lexique verbal + enrichi et + recherché • Proportion propositions / énoncés supérieure • Parataxe dominante + émergence de l’hypotaxe • Connecteurs plus diversifiés : succession, réitération, contraste… • Lexique verbal de base + de nvelles structures
Les enfants ont une organisation plus hiérarchisée du discours en français, par le recours aux fonctions sémantiques variées de la subordination, ce qui peut être rapporté à deux facteurs : • facteur acquisitionnel : un éventail de lexique verbal et de connecteurs en LF (langue forte) plus important ; • facteur typologique : l’arabe est une langue où certaines relations logico-sémantiques entre les propositions sont effectuées de manière implicite à travers le contexte et le sémantisme des verbes.