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Société civile : une notion en trois dimensions

Société civile : une notion en trois dimensions. Gautier PIROTTE Chargé de Recherches FNRS & Maître de Conférences (ULg).

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Société civile : une notion en trois dimensions

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Presentation Transcript


  1. Société civile : une notion en trois dimensions Gautier PIROTTE Chargé de Recherches FNRS & Maître de Conférences (ULg)

  2. « Devenu l’étiquette de toutes sortes de marchandises, ou parfois même le label du vide, « société civile » forme un lieu commun où les commodités d’un mot de passe permettent de se parler sans savoir ce que l’on dit, ce qui évite de trop se disputer. » (Colas, Le Glaive et le Fléau, 1992)

  3. Société civile : Succès • Notion clé des politiques de développement (Décentralisation, participation, développement durable…) • Succès planétaire (secteurs associatifs) • Succès médiatique • Succès académique (anglophone).

  4. Société civile : Critiques • Caractère nébuleux • Charge idéologique • Quelle utilité scientifique

  5. Sociétés civiles : Questions • Quelle définition? • Par son contenu ? • Par ses fonctions ? • Problème des limites « In/Out » • Société civile universelle? • Plus value scientifique?

  6. Qu’est-ce que la société civile? • Trois conceptions de la société civile • Trois dimensions de la société civile (…dans les sociétés démocratiques occidentales) • Associative ( Capital social) • Normative • Espace public

  7. Première vision : La société civil(isé)e Vs société naturelle • Antiquité Grecque et Romaine • Aristote  Koinonia politikè  Polis Organisation politique de la société qui surpasse l’oïkos (la famille) et l’ethnos (le peuple). • Cicéron : système politique organisé autour de principes de justice et des lois. • Societas civilis désigne la Cité comme groupement d’individus politiquement organisés et la société d’individus qu’elle rassemble. A Rome, societas civilis désigne l’association publique et privée des individus dans la Cité.

  8. Philosophes chrétiens du Moyen Âge • Maintien du lien S.C. = organisation politique d’une communauté (lois, règles de bonnes conduites des individus en société) • La société civile est construite par des principes religieux et seul les chrétiens peuvent en faire partie.

  9. XVIe siècle. Démarrage de la modernité • Sortie des guerres de Religion • Qui organise politiquement la société ? L’Eglise ou le Prince? • Début des grandes explorations • Distinction nous (civilisés) et eux (barbares). Confirmation du lien S.C. = Organisation politique d’une communauté d’individus.

  10. Hobbes (The Leviathan,1651) & Locke (Second Treatise on Civil Society, 1690) • Hobbes : • la société civile (= organisation politique) protège l’individu de la société sauvage. • Contrat. Souverain. • Locke : • Importance du souverain pour protéger contre la société naturelle. • Préservation de la propriété privée. • Importance de la confiance entre les hommes.

  11. Société marchande et nouvel ordre moral (Smith, Mandeville, Fergusson, Hume – 18e) • S’oppose à la critique de l’Eglise vis-à-vis du capitalisme marchand. • Le dynamisme du marché doit entraîner un raffinement permanent de la civilité. • Les vices privés font les vertus publiques (Mandeville – Fable des abeilles). • Ce qui fonde le pouvoir (contrat)  jusqu’où ce pouvoir peut être exercé.

  12. La société civile, un contre-pouvoir • Montesquieu (L’esprit des Lois, 1748) : principe de séparation des pouvoirs + importance des mœurs aristocratiques. • Tocqueville (De la Démocratie en Amérique, 1835). • Importance du fait associatif. • Importance de la décentralisation et démocratie locale.

  13. Révolution française (1789) • Suppression des « corps intermédiaires » (Loi Le Chapelier de 1791). • Citoyens vs Etat. • Raisons ? • Source d’interférence entre l’opinion du citoyen et les décisions de l’Etat • Persistance de privilèges et sources d’inégalités.

  14. HEGEL : les trois moments de la vie éthique (Principes de Philosophie du Droit, 1821) • Vie Ethique. 1er moment : la famille (altruisme particulier) qui est nié par le 2e moment : la société civile (égoïsme universel) à son tour nié par le 3e moment : l’Etat (altruisme universel). • Rupture avec l’héritage aristotélicien. • Société civile : lieu de l’échange marchand • Importance des corporations et division du travail social.

  15. MARX - Exploitation • Marx : Espace social lentement détaché de l’univers affectif des liens familiaux et au domaine formel de l’Etat bureaucratique à la faveur du triomphe des relations capitalistes de production. • S.C. = infrastructure économique. «Egoïsme crasse ».

  16. GRAMSCI : Société civile entre hégémonie et révolution • Gramsci : double vision • S.C.= institutions où s’exprime l’idéologie, les croyances, les valeurs de la classe dominante (hégémonie). • S.C. = Un lieu de conflits, de révolution d’une classe ouvrière enfin éclairée.

  17. Société civile, associations et solidarités • Rappel La Loi Le Chapelier (1791) interdit toute association, toute coalition ou corps intermédiaire entre le peuple et l’Etat. • Seconde moitié du 19e siècle : • Mutuelles • Coopératives • Syndicats •  Loi 1901 (en France) et 1921 (ASBL) en Belgique.

  18. Société Civile, Associations et Solidarités • Courants utopistes et sociaux-démocrates (Fourrier, Robert Owen, Proudhon,  Jaurès) • Courants sociaux-chrétiens (Frédéric Leplay, Rerum Novarum de Léon XIII).

  19. Société civile, associations et solidarités • Société civile = TIERS SECTEUR • Nouvelles solidarités nécessaires pour répondre aux inégalités sociales nées d’un marché autorégulé (libéralisme) et à la faiblesse de l’intervention des pouvoirs publics. ETAT SOCIETE MARCHE CIVILE

  20. Après la Seconde Guerre mondiale : Déclin civiliste • Etatisme : Etat providence au Nord, Etat modernisateur au Sud et à l’Est • Déclin relatif des conceptions « Tiers Secteur » et « contre-pouvoir » • Domination du marxisme dans les sciences sociales (Europe)  Désintérêt pour le concept de société civile

  21. Regain civiliste (dernier quart du XXe siècle) • Contexte : fin de la Guerre froide, remise en cause de l’Etat-Providence, déclin du marxisme. • Concentration des griefs envers l’Etat (à gauche comme à droite, au Sud comme au Nord) • Valorisation d’acteurs alternatifs et associatifs (par ex. ASBL, ONG) • Idée universelle de société civile • Idée d’une société civile universelle

  22. Deux conceptions dominantes de la société civile • Société civile comme contre-pouvoir contestataire (ex. Mobilisations collectives et associations « civiques » en Europe de l’Est) • Société civile actrice du développement (ONG), conception proche d’un « Tiers Secteur ».

  23. Société Civile en trois dimensions

  24. Trois dimensions : Le fait associatif • Société civile = secteur associatif • …qui produit du capital social nécessaire au développement économique, au fonctionnement d’une société démocratique

  25. La notion de capital social • Idée centrale : les relations familiales, amicales, professionnelles représentent un capital (dit ‘social’) que l’on peut mobiliser pour résister à une situation de crise ou améliorer son sort.

  26. Eléments constitutifs CAPITAL SOCIAL Normes de réciprocité généralisées Réseaux (Networks) Confiance (Trust)

  27. Capital Social – Thèse de Putnam Making Democracy Works, 1993 • La base du développement politique et économique est le stock de capitaux sociaux produit par la société civile d’un pays donné. Exemple : la différence de développement économique et politique entre l’Italie septentrionale et l’Italie méridionale depuis la régionalisation en 1970.

  28. Bowling AloneLe déclin de la société civile nord américaine (1995 et 1999) • Alerte ! Déclin du stock de capitaux sociaux aux USA car chute des affiliations aux associations constitutives de la société civile. • Danger pour le progrès économique mais surtout pour la démocratie américaine (Associations = lieu d’apprentissage de la citoyenneté = contre-pouvoir – cf. Tocqueville)

  29. Effets bénéfiques mis en péril : • S’affilier c’est bon pour la santé • S’affilier c’est bon pour sa sécurité • C’est bon aussi pour obtenir un (meilleur) emploi. • Le capital social est source de notre bonheur.

  30. Les raisons du déclin • Effet générationnel • Modes de vie : • 1  Repli sur soi (« Home Sweet Home ») • 2  Multiplication de nos engagements familiaux et professionnels. Rôle des femmes? • Vous regardez trop la télévision !

  31. Remarques • Importance du fait associatif et de ses conséquences politiques et économiques • Thèse du déclin civique doit être relativisée • Syndicats, mutuelles, coopératives : déclin ou transformation de l’engagement? • Toutes les associations n’ont pas les mêmes vertus démocratiques et économiques (manque l’analyse en termes de valeurs et d’espaces publics)

  32. Trois dimensions : l’immatériel (« civile ») (Les valeurs, les normes, les idées…) • Problèmes de la dimension associative : • Equivalence des associations • Dérive quantitativiste • Lien entre S.C. et démocratie n’est pas naturel. • Toutes les associations défendent des idées, principes, normes, valeurs, croyances… • Toutes ne les font pas triompher ou ne cherchent pas à les faire triompher au-delà d’un cercle de membres.  Nécessité de faire émerger cette dimension « civile »

  33. Trois dimensions : L’espace public • Espace où se noue un processus d’argumentation et de délibération au sein d’un tissu dense d’associations et d’institutions. • S.C. = « assos, organisations et mouvements qui condensent, répercutent, en les amplifiant dans l’espace public politique la résonance que les problèmes sociaux trouvent dans les sphères de la vie privée. » (Habermas, 1997).

  34. Une définition en quatre traits • « Une sphère d’interactions sociales entre l’économie et l’Etat, composée essentiellement de la sphère privée, de la sphère des associations, des mouvements sociaux et des formes de communications publiques (…) » • Elle présente quatre traits essentiels : • La pluralité (familles, organisations formelles et informelles) • Le caractère public (communication et institutions de la culture) • Le caractère privé (développement individuel et choix moraux) • La légalité : lois générales et droits fondamentaux nécessaires pour délimiter la pluralité, le caractère privé ou public par rapport à l’Etat et à l’économie. Jean COHEN & Andrew ARATO, Civil Society and Political Theory, Cambridge MIT Press, 1992.

  35. Bibliographie • COHEN J. & ARATO A. [1997], Civil Society and Political Theory, Cambridge, MIT, (4th). • COLAS D. [1992], Le Glaive et le Fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile, Paris, Grasset. • EDWARDS M. [2004], Civil Society, London, Blackwell Publisher. • EHRENBERG J. [1999], Civil Society: The Critical History of an Idea, New York, New York University Press. • GHILS P. [1993], « Le concept et les notions de société civile », Associations Internationales, n° 47. • PUTNAM R. [1993], Making Democracy Work, Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press. • PUTNAM R. [2000], Bowling Alone : the Collapse and Revival of American Community, New York, Simon and Shuster, 2000 • RANGEON F. [1986], « Société civile : histoire d’un mot », C.U.R.A.P.P., La société civile, Paris, PUF. • ROSANVALLON P. [2004], Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil.

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