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Prévention secondaire des cancers Dépistage de masse : définition. Examen proposé à la population générale définie seulement en terme de sexe et d’âge, sans symptôme ni facteur de risque particulier (sauf peut-être fumeur pour dépistage du cancer du poumon)
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Prévention secondaire des cancersDépistage de masse : définition • Examen proposé à la population générale définie seulement en terme de sexe et d’âge, sans symptôme ni facteur de risque particulier (sauf peut-être fumeur pour dépistage du cancer du poumon) • Dès qu’il y a symptôme ou antécédent familial, on sort du cadre du dépistage de masse pour entrer dans le colloque singulier entre patient et médecin
Dépistage des cancers dans la population générale Potentielle transformation d’une personne bien portante en une personne malade Ne prévient le cancer que si l’on dépiste un état précancéreux guérissable : col de l’utérus, polype colorectal Ne prévient pas le cancer du sein, ni celui du poumon
Caractéristiques du dépistage Dépistage individuel: La population est recrutée lors d’un recours au soin (ex: cancer du col de l’utérus) Dépistage organisé: Le dépistage est proposé systématiquement à l’ensemble de la population cible. La participation est volontaire (ex: cancer du sein, cancer colorectal)
Dépistages recommandés • Col de l’utérus: Pas de programme national de dépistage organisé Dépistage spontané (individuel) par examen cytologique d’un frottis cervico-utérin chez les femmes de 25 à 65 ans, tous les 3 ans après deux examens normaux réalisés à 1 an d’intervalle. Dépistage organisé dans quelques départements (Isère, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Martinique)
Dépistages organisés Cancer du sein: les femmes de 50 à 74 ans sont invitées tous les deux ans à faire une mammographie et un examen clinique des seins Colon-rectum: entre 50 et 74 ans, tous les deux ans par test Hemoccult
Dépistages recommandés : assez mal faitsCol de l’utérus, en 2010, 50% des femmes pas ou trop peu souvent dépistées, 10% dépistées comme recommandé, 40% dépistées trop fréquemment. 1 400 décèsen 2010Sein mammographie de 50 à 74 ans tous les 2 ansen 2008-2009 40% des femmes mal suivies Colon-rectum : plus des 2/3 de la population de 50 à 74 ans n’a jamais eu d’Hemoccult. Source : Haute Autorité de Santé
Dépistage du cancer du col par test HPV Dépistage du cancer du sein Dépistage du cancer de la prostate par dosage de PSA Dépistage du cancer du poumon
Dépistage du cancer du col La persistance de l’infection Human Papillomavirus (HPV) est un facteur de risque de cancer du col de l’utérus. 4 essais ont comparés Test HPV + cytologie (chaque test lu à l’aveugle de l’autre) à Cytologie seule Ils ont été réalisés en Suède, Hollande, Italie et Angleterre L’analyse de l’ensemble a été publiée: Ronco G et coll. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet 2014; 383: 524–32
Dépistage du cancer du col : synthèse des essais comparant Test HPV + cytologie à Cytologie Cancers invasifs avec suivi médian de 6,5 ans Test HPV + cytologie: 44/650 000 Cytologie : 63/561 000 Réduction du risque 40%
Ensemble de la population Risque cumulé p. 100 000 93,6 46,7 Test HPV + cytologie* Cytologie Risque réduit de 40% (IC95% 11%-60%) Cancers invasifs cumulés pour 100 000 Années depuis l’inclusion
Population avec test négatif à l’inclusion Risque réduit de 70% (IC95% 40%-85%) Cancers invasifs cumulés pour 100 000 Incidence cumulée à 5,5 ans :36,0 pour 100 000 groupe témoin 8,7 pour 100 000 test HPV Années depuis le test négatif à l’inclusion
Conclusion des auteurs Le dépistage reposant sur le test HPV confère une meilleure protection que la cytologie. Les données suggèrent de commencer le dépistage par un test HPV à 30 ans et d’attendre au moins 5 ans entre deux dépistages (au lieu de faire une cytologie tous les 3 ans après deux examens négatifs à 1 an d’intervalle).
Prévention du cancer du col Prévention primaire: vaccination anti-HPV deux vaccins proposés en France aux filles de 11 à 15 ans, et en rattrapage jusqu’à 25 ans. Prévention secondaire: - Examen cytologique sur frottis - Test HPV à l’étude (sur frottis ou urine)
Echantillon 2008-2009 des bénéficiaires de la CNAMTS (1%) mammographie dans les deux ans, théorie et réalité Source: HAS
Dépistage du cancer du seinBilan des avantages et des inconvénients1. Avantage L’objectif du dépistage est de réduire la mortalité par cancer du sein L’estimation la plus fiable est tirée des essais : dans chaque essai, la population est divisée par tirage au sort en deux groupes comparables, l’un invité et l’autre non invité au dépistage
Conclusion des résultats des essais La réduction de mortalité est en moyenne de 20% chez les femmes invitées, mais pas de consensus. Réduire de 20% le risque de mourir d’un cancer du sein, c’est relativementbien, mais quelle est la réduction absolue du risque ? On peut la calculer facilement à partir des données des essais, en appliquant la réduction relative du risque observée au risque du groupe témoin.
Réduction absolue du risque dans le groupe invité au dépistage et nombre de femmes à inviter pour éviter un décès par cancer du sein*
Les essais mesurent le résultat de l’invitation au dépistage et non du dépistage réalisé. Si la compliance n’est pas parfaite, c’est-à-dire s’il y a : • des femmes non dépistées dans le groupe dépistage et • des femmes dépistées dans le groupe témoin,ils en sous estiment le bénéfice (par dilution). On peut estimer l’effet du dépistage réalisé (Cuzick, Statistics in Medicine 1997), prenons l’exemple d’un des essais
Réduction du risque 17% Risque relatif = 0,18/0,22 = 0,83
Correction : 1,4 ( 24%/17%) Réduction du risque 17% Risque relatif = 0,17/0,23=0,76 Réduction du risque 24%
Conclusion des résultats des essais corrigés de la non participation La réduction de mortalité est de 20% chez les femmes invitées et de l’ordre de 30% chez les femmes ayant effectivement participé
Principaux inconvénients du dépistage • Surdiagnostic : diagnostic d’un cancer qui ne serait jamais devenu cliniquement détectable du vivant de la femme • Faux positif : dépistage avec mammographie anormale d’où examens complémentaires et beaucoup d’angoisse. Problème non traité faute de temps. • Cancer radio-induit : une mammographie annuelle de 40 à 80 ans augmenterait le risque de décès par cancer du sein de 0,03% soit 20 à 25 décès pour 100 000 femmes (HendrickRadiology 2010)
Sans surdiagnostic, les cancers dépistés E sont compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard.
Avec surdiagnostic, les cancers dépistés E ne sont pas compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard. Si le suivi n’est pas assez long, la différence E-D’ surestimera le surdiagnostic
Estimations du surdiagnostic comme % de l’ensemble des cas attendus sans dépistage, très variables selon les auteurs. D’après Puliti 2012, complété par C. Hill d’après divers auteurs
Conclusions Pas de consensus sur les avantages : réduction du risque 20% pour Marmot (Lancet 2012) 38% à 48% pour un groupe de travail européen (Euroscreen 2012) Pas de consensus sur le surdiagnostic : 19% pour Marmot et 6,5% pour le groupe de travail européen La réduction relative du risque dépend peu de l’âge, mais la réduction absolue, seule importante, dépend elle beaucoup de l’âge
Risque de décès par cancer de la prostate Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, 47 mourront d’un cancer de la prostate, avec les risques observés en 2010, et il y aura : 0 décès entre 0 et 49 ans 6 décès entre 50 et 74 ans et 41 décès à partir de 75 ans Le risque est donc très faible avant 75 ans
Risque de décès par cancer de la prostate Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, il y aura 6 décès entre 50 et 74 ans i.e. en 24 ans Or 80% d’hommes interrogés par Gigerenzer et coll. (JNCI 2009) pensent qu’en suivant 10 ans 1000 hommes de 50 ans avec un dépistage, on évitera 10 décès, et 41% attendent une réduction d’au moins 100 décès Le risque de décès par cancer de la prostate estdonc surestimé d’au moins un facteur 10, et souvent d’un facteur 100
Fréquence du cancer de la prostate Rich AR. J Urology 1935 repris dans Int J Epidemiol 2007292 autopsies d’hommes de 50 ans et +,une coupe par prostate ?
Fréquence du cancer de la prostate Sakr WA, Eur Urol, 1996,30,138-144, cité par Martin RM Int J Epidemiol 2007. Autopsies de 525 hommes, décès dû à trauma, 10 à 14 coupes par prostate
Fréquence du cancer de la prostate Sur cette base, on peut estimer que4 des 6 millions d’hommes de 55 à 74 ans seraient trouvés être porteurs d’un cancer de la prostate en France si on les autopsiait Fréquence très élevée qui augmente avec l’âge 30% à 30 ans 80% à 80 ans
Surdiagnostic • Maladie semblable à une vraie maladie, mais qui n’aurait jamais ennuyé le patient : • elle n’aurait jamais causé de symptôme • elle serait restée infra clinique jusqu’à ce que la personne meure d’une autre cause • Problèmes : • Le résultat du traitement d’un cas de surdiagnostic ne peut qu’être un succès • Le traitement peut seulement avoir des effets indésirables
Cancer de la prostate L’incidence, c’est à dire la fréquence des nouveaux diagnostics, a augmenté très rapidement jusqu’en 2005. La mortalité diminue depuis 1990 et la baisse est de 4% par an depuis 2003
Cancer de la prostate Mais la baisse de mortalité s’observe aussi au Royaume-Uni, où l’incidence augmente beaucoup moins car on y fait beaucoup moins de dosages de PSA
Etendue de l’épidémie due au dépistage A cause du dépistage, on est passé de 10 000 cas par an en 1980 à 21 000 cas en 1990, 39 000 cas en 2000 et 64 000 cas en 2005 53 000 cas en 2009 (L’INVS n’a pas prolongé l’estimation jusqu’en 2012)
Effet du dépistage du cancer de la prostate sur le risque de décès Essai Gr. Dépistage Gr. Témoin Variation du risque Nb décès/Nb total Nb décès/Nb total & intervalle 95% Norrkoping 20/ 1 494 97/ 7 532 +4% [-36% à +68%] Québec 153/ 31 133 75/ 15 353 +1% [-34% à +34%] Etats-Unis 92/ 38 343 82/ 38 350 +11% [-17% à +49%] Europe-Suède 250/ 76 915 344/ 93 233 -16% [-30% à -1%] Suède 44/ 9 952 78/ 9 952 -44% [-61% à -20%] Total 559/160 000 676/160 000 -12% [-22% à 0%] Effet du dépistage p=0,05 Test d’hétérogénéité p=0,04 Mise à jour -15% après 9 ans -21% après 13 ans -60% -20% +20% +60% Dépistage : Mieux Pire
La réduction du risque de décès due au dépistage Risque augmenté de 11% dans l’essai américain et diminué de 16% dans l’essai européen sauf Suède diminué de 44% dans l’essai suédois Le plus raisonnable est de faire la synthèse de tous les essais d’où une réduction significative de 12% Choisir l’essai le plus favorable conduit à une réduction très optimiste du risque de 44%
Les effets indésirables des traitements, d’après Gomella 2009 • Prostatectomie : 60 à 90% des patients ont des problèmes d’érection 1 an après, amélioration ultérieure en général 1 à 12% de saignements importants 4 à 50% d’incontinence d’effort modérée 0 à 15% d’incontinence d’effort importante 2 à 9% de sténose de l’urètre • Curiethérapie, radiothérapie : 40% d’impuissance 3 à 5 ans après curie et 80% d’impuissance après radiothérapie • Hormonothérapie 50 à 100% de problèmes d’érection Impuissance et/ou incontinence chez 50% des patients Howard 2009
Bilan des avantages et des inconvénients du dépistage En supposant que le dépistage réduit le risque de décès de 20%, il conduira à éviter 1 décès pour 1 410 hommes de 50 à 69 ans suivis 10 ans En contrepartie, on aura diagnostiqué et traité 48 cancers qui n’auraient pas entrainé la mort et dont le traitement aura induit l’impuissance ou l’incontinence chez la moitié des patients. D’après Barry N Eng J Med
Conséquence du dépistage sur la répartition du stade, données hypothétiques 10 000 cas en 1980 : 5 000 localisés, 5000 métastatiques 21 000 cas en 1990 : 16 000 localisés, 5000 métastatiques 39 000 cas en 2000 : 34 000 localisés, 5000 métastatiques 64 000 cas en 2005 : 59 000 localisés, 5000 métastatiques 53 000 cas en 2009 : 48 000 localisés, 5000 métastatiques Les urologues sont rassurés car ils ont l’impression de ne plus voir beaucoup de patients avec des cancers avancés, c’est vrai mais ce n’est pas du tout rassurant
Conclusion Il est temps de conclure que la balance bénéfice risque est en défaveur du dépistage du cancer de la prostate avant 75 ans ! A moins que l’impuissance et l’incontinence ne vous paraissent des inconvénients négligeables
Dépistage du cancer du poumon Radiologie conventionnelle : inefficace (4 essais) Scanner spiralé à faible dose : un essai américain montre une réduction de la mortalité par cancer du poumon de 20% et une réduction de la mortalité globale de 4%. Cet essai détecte des nodules avec des fréquences de 27%, 28% et 17% dans les examens successifs, dont 96% sont des faux positifs. Plusieurs essais sont en cours dont un essai hollandais NELSON qui gère les nodules différemment d’où 2,6% d’examens positifs et 64% de faux positifs. Surdiagnostic : 18% Patz et al. JAMA 2014 Cancer radio-induit : Le dépistage par scanner spiralé et les examens diagnostiques en découlant délivrent une dose supérieure à celle des travailleurs de l’industrie nucléaire et des survivants des bombes atomiques. McCunney & Li. Chest 2014
Conclusion Avancer le diagnostic d’un cancer par dépistage systématique n’est pas nécessairement une bonne idée Il faut améliorer la couverture des dépistages dont l’efficacité est démontrée Il faut éviter de faire des examens qui font plus de mal que de bien