Le temps a laissé son manteau

1. Le temps a laissé son manteau Charles Ier d’Orléans

2. Biographie de Charles d’Orléans (1394-1465) • Petit-fils de Charles V et père de Louis XII. Education raffinée • Grièvement blessé à la bataille d’Azincourt • emmené prisonnier en Angleterre pendant vingt-cinq ans. • A écrit plus de 400 rondeaux ainsi que des ballades, des complaintes et des chansons • de la poésie. • Tient un cercle académique important et organise des concours permanents de rondeaux et de ballades, de complaintes. • Sa poésie ne fut redécouverte et publiée qu’au XVIIème siècle

3. Les questions éditoriales • Le texte existe en plusieurs dispositions selon les éditions : • 1 quatrain + 1 tercet + 1 quintil (le dernier vers = le premier) • 3 quatrains • Sans strophe • Avec répétition de la 1ère strophe… • Deux dispositions sont plus probables (voir la suite) • Dans le manuscrit de Charles d’Orléans, le refrain n’est pas répété en entier. Il comporte juste les 1ers mots suivis de etc.

4. Le temps a laissé son manteau... Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie, Et s'est vêtu de broderie, De soleil luisant, clair et beau. Il n'y a bête ni oiseau Qu'en son jargon ne chante ou crie: « Le temps a laissé son manteau ! De vent, de froidure et de pluie, » Rivière, fontaine et ruisseau Portent, en livrée jolie, Gouttes d'argent, d'orfèvrerie; Chacun s'habille de nouveau. Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie, Et s'est vêtu de broderie, De soleil luisant, clair et beau. Charles d'Orléans Le temps a laissé son manteau De vent de froidure et de pluie Et s'est vêtu de broderie, De soleil luisant, clair et beau. Il n'y a ni bête, ni oiseau Qu'en son jargon ne chante ou crie : Le temps a laissé son manteau ! Rivière, fontaine et ruisseau Portent en livrée jolie, Gouttes d'argent d'orfèvrerie, Chacun s'habille de nouveau : Le temps a laissé son manteau.

5. En Moyen-Français et dans la disposition du manuscrit ROXDEL. Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye, fa s'est vestu de brouderie De souleil luisant, cler et beau. Il n'y a beste, ne oyseau, Qu'en son jargon ne chante, ou crie Le temps, etc. De vent, etc. Riviere, fontaine et ruisseau, Portent, en livrée jolie, Goutes d'argent d'orfaverie, Chascun s'abille de nouveau. Le temps, etc. Retour au diaporama

6. Les caractéristiques du Rondeau • (à utiliser pour la lecture analytique • en fonction de la question posée) • Thèmes simples évoqués sur un ton naïf, et avec délicatesse. • 1 seul sujet traité, ici le printemps • Le thème est d’autant plus touchant si l’on songe que le poème a été écrit en captivité. • Activité ludique, ouverte aux poètes amateurs et professionnels : jeu sur les sonorités, utiliser la contrainte de la forme (respecter les règles imposées) • Illustration d’une esthétique et d’une conception de la vie : du cercle de la danse à la ronde de la vie.

7. Brève histoire du rondeau Etymologie : ronde / rond Principe fondateur : le retour du refrain 1ère apparition : Le Roman de la Rose ou Le Roman de Guillaume de Dole (Jean Renart, 1228) Au début : Forme brève 8 vers 1 refrain de 2 vers au début et à la fin ; vers sur 2 rimes Le premier des 2 vers réapparaît à la 4ème ligne Entre le XIIème et le Xveme siècle la forme évolue par allongement avec un refrain à 3 puis 4, puis 5 vers. Les poètes du XVIème rejettent cette forme => développement du sonnet

8. Deux thèmes dominants • dans ce rondeau • Le changement des saisons • L’éloge de la Nature

9. Le changement de saison • Passage de l’hiver au printemps. • Métaphore du cycle de la vie, thème lyrique du renouveau, de la renaissance • Thème de la ronde de la vie. • On remarquera les effets de transitions : • v1 et 2 : enjambement (une phrase sur 2 vers) • Citation avec les guillemets : la parole du poète est reprise par les oiseaux, qui la chantent. Harmonie entre le poète et la nature. Alternance soliste (le poète) / le chœur (les oiseaux, la nature entière). Ajout probable de l’éditeur (invention des guillemets : 1525) • « de nouveau » = 2 sens => s’habiller avec des vêtements nouveaux ou se rhabiller. • L’alternance des rimes en [i] et [o] : exigence liée à la forme imposée du rondeau, à la simplicité thématique recherchée. • 3ème strophe : remarquer l’énumération : pose délicatement chaque terme de comparaison, comme des perles sur un vêtement • Le retour du vers est une broderie ou un motif d’orfèvre.

10. L’éloge de la nature • valorisation par la métaphore de l’habillement. La nature est personnifiée (« son manteau » ; « s’est vêtu », «  portent en livrée jolie », « s’habille de nouveau » - le verbe habiller concerne autant les hommes que les composantes de la nature ; le pronom indéfini « chacun » contribue à la personnification. • Mise en lumière de la nature sous un « soleil luisant, clair et beau » ; remarquer le rythme (4/2/1) qui magnifie le soleil (beau = 1 syllabe mise en valeur à la rime). • Mise en valeur de la richesse et de la délicatesse de la nature printanière : « vêtu de broderies » (ouvrage délicat sur des vêtements) ; « d’orfèvrerie » (travail délicat de l’or et des métaux précieux). Grammaticalement, c’est le temps qui est vêtu…

11. Conclusion • Le rondeau est un art formel raffiné ; • Règles assumées avec délicatesse par des images simples et peu nombreuses • qui dépeignent toutefois un paysage animé et renouvelé. • Le poème est construit comme un bijou ou un vêtement précieux avec retour du vers « Le temps a laissé son manteau » qui forme un dessin régulier, sur un rythme paisible.

12. Questions possibles (à twitter) • En quoi le rondeau est-il le genre adéquat pour peindre une nature en pleine renaissance ? • Quelle atmosphère se dégage de ce rondeau ? • Une forme fixe comme le rondeau peut-elle animer un poème ? • En quoi le rondeau s’apparente-t-il à la chanson ?