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Présentation de Madame RUISI. Colloque du 13 novembre 2008 ‘La médiation à Namur, 10 ans après, originalité et richesse’. En guise de prémisses à cet exposé, je voudrais à mon tour vous souhaiter la bienvenue à ce temps d’échange et de convivialité.
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Présentation de Madame RUISI Colloque du 13 novembre 2008 ‘La médiation à Namur, 10 ans après, originalité et richesse’
En guise de prémisses à cet exposé, je voudrais à mon tour vous souhaiter la bienvenue à ce temps d’échange et de convivialité. Je voulais aussi vous dire combien je suis ravie de vous entretenir d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, celui de la médiation. C’est réellement un privilège de pouvoir vous parler cette approche. Je vous parlerai au fil de cette allocution de ce qu’est le concept de Médiation, sa philosophie, sa structure et ses fondements. La question de son apport incontestable à la société des humains sera également abordée. Si nous sommes ici assemblés, aujourd’hui, c’est que la Médiation nous a déjà sensibilisés, interpellés, et qu’elle vient aussi nous livrer le sens véritable de l’organisation d’une journée telle que celle-ci. En réalité, qui n’a pas déjà entendu le terme médiation dans sa vie de tous les jours ? La médiation a fait irruption dans bien des domaines de nos quotidiens respectifs : elle s’est installée dans les domaines privés et publiques. Elle est entrée dans le monde de la famille, du logement, des conflits de voisinage, de l’entreprise, de l’école …
La médiation est dans l’air du temps et pourtant elle a toujours existé. • De tous temps, il y a toujours eu des sages, des anciens, des médiateurs « naturels » … On la rencontre ainsi dans toutes les contrées, sous toutes les latitudes et au fil de l’histoire. • Son emploi le plus reculé remonte à la période de l’écriture sumérienne. Elle avait alors une fonction théologique d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. • Ensuite, la médiation a pris le sens de « division », pour enfin prendre une connotation plus moderne, « d’entremise destinée à concilier des parties ». • L’histoire nous relate que des sages ou des diplomates tel que MRG ROMERO ou le Comte BERNADOTTE on payé de leur vie le fait d’avoir exercé un rôle de médiation au service de leur pays. • A l’heure actuelle, on leur décerne le prix Nobel … d’autres encore préparent des colloques ou des journées comme celle-ci …
Il faut bien en convenir, la médiation est aujourd’hui courtisée, prisée, convoitée, médiatisée à outrance. Il faut bien se le dire, entre nous, le terme médiation est utilisé souvent à tord et à travers, sans trop savoir ce qu’il signifie réellement. Ceci génère des confusions, voire de l’ambiguïté. A toute fin de clarification et dans un souci de rigueur, je tracerai ici quelques repères théoriques. Je vous inviterai donc à dépasser les images d’Epinal qui collent à la médiation, les clichés vides de sens, pour appréhender la philosophie et l’esprit véritables de la médiation.
Voici quelques brèves définitions : Le Petit Robert définit la médiation comme étant « une entremise destinée à mettre d’accord, à concilier, ou à réconcilier des personnes, des parties. » Dans une acception d’ordre philosophique, le petit Larousse présente la médiation comme « une articulation entre deux êtres ou deux termes au seind’un processus dialectique ou dans un raisonnement ». D’après Lucienne TOPOR (Magistrate – FRANCE): « la médiation tend vers le règlement du conflit grâce à l’intervention d’un tiers, ni juge, ni arbitre, qui ne se retrouve pas dans une position d’autorité par rapport aux parties ; elle met en œuvre une pratique structurée d’aide à la décision». Pour Gérald COTE (Docteur – CANADA): « La médiation est un processus de traitement circulaire (ou en spirale) d’intégration de l’information dans lequel le médiateur qui encadre … oriente la procédure, clarifie le contexte, et assiste la résolution du conflit ».
Il y a bien sûr une pléthore d’autres définitions qui s’enrichissent et se complètent. • En mots simples, je vous proposerai ma propre définition après dix années de pratique de la médiation. • « La médiation c’est la magie et la grâce de la Rencontre. C’est le privilège de la rencontre avec SOI et avec L’AUTRE. C’est aussi, l’art de faire la paix après avoir compris le sens de se faire la guerre et de faire la guerre à autrui ». • A la valeur PAIX qui sous tend la philosophie de la médiation, on peut y associer celle de LA LIBERTE, du PARTAGE, de l’HUMANISME. • Jean François SIX (Historien, Philosophe, Ecrivain – France) quant à lui, n’hésite pas à y ajouter la valeur de FRATERNITE.
La médiation c’est avant tout la relation. Le terrain de l’échange et du lien d’égal à égal. C’est l’entre deux, l’espace vide autour duquel on se rencontre, « la table qui sépare et qui réunit ». Pour appréhender de façon plus subtile cette philosophie, nous pouvons nous tourner vers la sagesse taoïste. En tant qu’occidentaux nous sommes conditionnés et adeptes du « 2 ». Nous le vivons en termes de noir, de blanc, de bien, de mal etc … dans une vision binaire, dichotomique. Or, nous disent nos amis taoïstes, « l’essentiel est l’espace vide entre le YIN et le YANG qui leur permet à tous deux, de s’articuler l’un à l’autre et d’exister chacun ».
Cette forme de pensée nous dit en réalité ceci : ce qui émerge entre les sujets est aussi primordial que les sujets eux-mêmes. Ce faisant, elle convie à sortir de la dialectique de l’1 et du 2. Les chinois anciens qui avaient bien compris toute la pertinence du « 3 », ont eu l’intuition ou le génie, de le définir comme le « souffle du vide médiant », lequel fait se croiser harmonieusement le Yin et le Yang. C’est un TROIS capable d’élever le DEUX sans lui porter atteinte, l’annuler, voire le détruire. En clair, c’est le troisième terme qui fait lien, qui permet au DEUX de trouver sens l’un par l’autre. Dans cette forme de sagesse, on retrouve la notion de « non-pouvoir » qui est intrinsèquement liée à la philosophie et à la pratique même de la médiation. Le taôisme le nomme « WU WEI », le non pouvoir, le non agir.
Cependant, il ne faut pas s’y tromper, le non agir n’est pas passivité complaisante, c’est de la prudence, de la pondération, une maîtrise de soi, l’attention au dynamisme interne des choses, des situations, des Etres, un savoir laisser maturer sans bousculer, sans activisme ou encore en apportant des réponses toutes faites ou des solutions prématurées. • En cela, il est aisé de comprendre que la médiation est bien autre chose qu’un affrontement binaire. La médiation est aussi un « faire valoir ». Elle travaille à rendre la dignité à tout qui peut se définir où se ressentir à un moment donné de son cheminement, comme différent, dysfonctionnel, inadapté, relégué, exclu. Dans l’esprit propre à la maïeutique chère à Socrate, la médiation travaille à permettre que cet Autre découvre ses potentialités, ses ressources propres et qu’il puisse mettre en oeuvre ce lien primordial qu’il devrait avoir avec lui-même. Par conséquent, nous dirons donc que la médiation, dans ses effets, fait œuvre de relliance au niveau de l’individu avec lui-même et la société, en l’invitant invitant à expérimenter le sens de l’altérité.
En fait, elle est respiration ternaire qui ouvre les horizons du possible. Symboliquement, la médiation est donc bien le TROIS du « souffle du vide médian » de la philosophie chinoise qui crée les opportunités de la véritable rencontre. C’est aussi le temps de la remise en question. Le temps du « passage » d’un espace temps de vie indésirable ou inconfortable vers celui d’un temps espéré, reconfiguré différemment. En effet, la médiation s’articule sur un axe double, à la fois spatial et temporel. C’est encore et aussi le temps de l’initiation, car la médiation repose sur le symbole de la transformation. Elle est donc ritualisée, organisée et acceptée. C’est également un acte volontaire dans l’espoir d’une réparation, d’une mutation intérieure qui ne sera véritablement acquise que par la traversée d’émotions liées à des événements difficiles ou conflictuels et la libération qui s’ensuit au cours du processus de médiation.
Il ne faudrait pas penser pour autant que la médiation est une approche angélique ou les embrassades sont de mises. Comme le souligne Jacqueline MORINEAU : « la médiation accueille le désordre. Elle est la scène sur laquelle peut se dérouler le conflit. Elle offre un temps, un espace privilégié pour qu’il y ait passage du chaos à une nouvelle forme d’ordonnancement ou l’harmonie peut naître des contraires ». Loin de nous convier à une fusion/confusion, elle est ouverture à l’autre. En réalité, elle nous dit et nous redit que « l’autre c’est nous » et que l’on ne peut plus faire comme s’il n’existait pas, en niant ses demandes, ses besoins et ses intérêts. Ce faisant, la médiation nous invite au respect des différences, quelles qu’elles soient. A ce point nommé, vous comprendrez aisément qu’il n’est plus possible d’assujettir cette approche à une réduction mécanique, technique des conflits.
Structurellement, la médiation repose sur des fondements solides que l’on peut décliner comme suit : = la tierce personne … = le non pouvoir … = la catalyse … = une communication … = l’écoute … = le temps … = la conclusion … • (Ces différentes notions sont développées dans l’ouvrage de Jean François SIX : « La dynamique de la Médiation »). • Lorsque l’on a regardé attentivement la médiation dans sa structure et ses éléments fondateurs, il est indéniable de constater qu’elle comporte dans son essence même et ses applications des dimensions plus vastes, plus holistiques qui dépassent largement l’aspect conflictuel des relations humaines. • Ses valeurs et ses principes peuvent avoir des incidences non négligeables pour notre société en devenir.
Indéniablement, la médiation est par essence éminemment « politique », car elle invite l’individu ou les collectivités à devenir acteur(s) et citoyen(s) du monde, responsable s), co/créateur(s) de nouveaux champs du possible. Personnellement, je suis convaincue que notre société a besoin de médiation et de médiateurs. De gens audacieux, visionnaires et qui osent proposer d’autres voies que les chemins du binaire. A mon sens, la médiation peut contribuer à la création d’un monde où il y aurait plus de liberté, d’humanité. Dans cette société actuelle où tout se vit sous le mode du virtuel, de l’immédiateté, la médiation vient apporter une plus grande adhésion au réel, l’ancrage nécessaire, la notion de temporalité, la maturation des processus. Elle nous convie à changer nos regards, nos habitudes, nos croyances, nos modes de pensée, notre façon d’appréhender notre réalité et de la reconstruire. Elle nous propose donc de nouveaux paradigmes, de nouvelles façons de co/exister, de co/créer ensemble.
Au cœur de notre monde contemporain où les mots ont une tendance à se terminer par « T.I.O.N », tels que : mutations, accélération, mondialisation, déforestation, désespération … on pourrait se prendre à rêver un peu et se dire que finalement la médiation pourrait être le ciment fondateur d’un avenir plus serein, plus prometteur. • Réellement, la médiation contient dans son esprit et ses valeurs le germe d’une société plus tolérante, plus juste, plus créatrice. • Elle peut aider aux « passages » nécessaires à l’évolution de notre civilisation. • Federico MAJOR (président de l’Unesco) en est convaincu lorsqu’il soutient que « la médiation offre à l’homme une confrontation avec lui même et sa destinée ». • Dans la préface de l’excellent ouvrage de Jacqueline MORINEAU (Chercheur – Directeur du CMFM – FRANCE), « L’esprit de la médiation », voici ce qu’il nous livre de sa réflexion: « … envisagée sous son aspect rituel, la pratique de médiation peut nous aider à affronter et à entreprendre collectivement les profondes transformations sociales qui s’avèrent aujourd’hui nécessaires.
Cette vision s’inscrit dans le projet d’une culture de la paix. Afin d’éviter la guerre et la violence, nous devons nous attaquer à leurs racinesculturelles les plus profondes. • C’est une transformation qui doit intervenir, pour citer l’Acte constitutif de l’UNESCO, « dans l’esprit des hommes », au niveau tant des individus que des institutions. • Comme l’aaffirmé la Conférence générale de l’UNESCO, suivie par l’Assemblée générale des Nations Unies, « la transition vers des comportements qui reflètent et favorisent la convivialité et le partage fondés sur des principes de liberté, de justice, de démocratie, tous les droits de l’homme, la tolérance et la solidarité, qui rejettent la violence et inclinent à prévenir les conflits en s’attaquant à leurs causes profondes et à résoudre les problèmes par la voix du dialogue et de la négociation et qui garantissent à tous la pleine jouissance de tous les droits et les moyens de participer pleinement au processus de développement de leur société. »
En guise de conclusion et pour faire écho à Federico MAJOR, je voudrais partager avec vous ma conviction profonde : Oui ! La médiation est un chemin d’avenir pour une société à la recherche de son humanité. Oui! Elle est possible. Chacun d’entre nous peut la favoriser, la faire germer et la cultiver en ses jardins intérieurs mais aussi et surtout dans les jardins de l’altérité. Oui encore … la médiation ce n’est pas seulement l’affaire des praticiens professionnels, des institutions, c’est surtout l’affaire des gens. Et tant qu’il y aura des hommes et des femmes pour s’entendre, s’aimer, se délier, s’affronter, se faire la guerre, se faire la paix, il y aura une place pour la médiation et tous ses champs d’applications. Merci de votre attention. Maria RUISI Intervenant