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LA MÉDICALISATION DE LA DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE. SURDIAGNOSTIC ET SURTAITEMENT. Jean-Claude St-Onge. MISE EN SITUATION. La prescription de psychotropes a connu une augmentation exponentielle et les enfants sont devenus un nouvel eldorado pour les mondiales du médicament.
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LA MÉDICALISATION DE LA DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE. SURDIAGNOSTIC ET SURTAITEMENT.Jean-Claude St-Onge
MISE EN SITUATION • La prescription de psychotropes a connu une augmentation exponentielle et les enfants sont devenus un nouvel eldorado pour les mondiales du médicament. • Au Canada, ils viennent au deuxième rang des médicaments les plus prescrits, alors que 30 ans plus tôt ils ne figuraient pas sur la liste des 15 premières catégories d’agents thérapeutiques. • En 26 ans, la vente de neuroleptiques et d’antidépresseurs a fait un bond de 4800% aux É-U. • Le DSM et laboratoires ont transformé la vie elle-même en «maladie mentale».
Comment en sommes-nous arrivés là?:LA FABRICATION D’UNE «ÉPIDÉMIE» 1. Élargissement du périmètre de ce qui constitue une «maladie mentale» par abaissement des critères satisfaisant à un diagnostic. Quand les membres du DSM ont abaissé le nombre de critères du TDAH, ils s’attendaient à une augmentation du nombre de cas de 15%. Il y en eut 200%. Le DSM-5 franchira un pas de plus dans la même direction. 2. Transformation des phases normales de la vie en maladie mentale. • Vieillir est devenu une maladie avec le «trouble neurocognitif mineur» qui figurera au DSM-5. • Suite à un deuil si vous éprouvez toujours du chagrin après 2 semaines, vous recevrez un diagnostic de dépression majeure. Le DSM-IV avait fixé cette période à 2 mois et auparavant un an.
3. Inscription de nouvelles entrées au DSM. Pratiquement chaque nouvelle entrée au DSM engendre une inflation, suivie d’une hyperinflation de diagnostics. Ses membres croyaient que le syndrome d’Asperger était un type de comportement rare. En l’inscrivant au manuel, on a assisté à une augmentation de 2000% des diagnostics. 4. Invention de nouvelles maladies. La timidité a été transformée en «phobie sociale». GSK évaluait le nombre de cas à 90 M (Amérique du Nord et Europe). Elle confiait sa mise en marché à une agence de publicité new yorkaise: «Vous n’êtes pas timide, vous êtes malade». «L’Association des troubles anxieux», groupe de façade financé par GSK, a fait la promotionde ce nouveau trouble. Il faut vendre la «maladie» avant le traitement.
5. Des troubles «mentaux» induits par les médicaments • Le HealthResearch Group de Public Citizen, a identifié 545 médicaments pouvant induire des symptômes apparentés à la maladie mentale. Le finastéride peut engendrer des symptômes dépressifs; les psychostimulants, les somnifères et les anticonvulsivants des psychoses. • Les antidépresseurs peuvent provoquer des épisodes de manie ou de psychose: 8,1% des admissions à l’unité psychiatrique d’un hôpital l’étaient pour manie ou psychose associées aux antidépresseurs.
6. AUTRES FACTEURS • La multiplication des substances neurotoxiques, pourrait induire des symptômes apparentés aux diagnostics du DSM (dépression, TDAH, autisme, etc.). • Des maladies physiques paradent sous le masque de la maladie mentale et peuvent faire l’objet de faux diagnostics. L’hyperthyroïdie peut être confondue avec la dépression. Un type d’encéphalite donne les mêmes symptômes que la schizophrénie ou la bipolarité (S. Calahan, Brain on Fire).
Quand les maîtres de la psychiatrie diagnostique passent au confessionnal «La détresse quotidienne transformée en trouble mental représente la réalisation d’un rêve pour le marketing». «La puissance du marketing des sociétés pharmaceutiques, de l’Internet et des organisations de patients ont engendré un nombre de fausses épidémies, de modes en matière de diagnostics psychiatriques». Allen Frances, président des comités de travail du DSM-IV. Il prend le blâme pour la fausse épidémie de bipolarité juvénile et du syndrome d’Asperger.
«Nous avons évalué la prévalence des troubles mentaux les plus répandus en nous appuyant sur leur description, sans considérer qu’ils pouvaient être des réactions normaleset non de véritables troubles mentaux. Voilà le problème». • Robert Spitzer, président des comités de travail du DSM-III, entrevue à la BBC, 27 ans après la publication de la troisième version du manuel. Selon Spitzer, ces faux diagnostics pourraient s’élever jusqu’à 40% (Vicissitudes of Psychiatry's Diagnostic Manual Revisions, AHRP).
Des indices patents de surtraitement La Floride a entrepris un programme exigeant que les ordonnances de neuroleptiques atypiques prescrits aux enfants de moins de 6 ans soient réévaluées par un psychiatre indépendant. Résultat: leur nombre a chuté de 75%. Trois pédiatres sur quatre (72%) prescrivent des psychotropes; 8% estiment qu’ils ont la formation nécessaire (B. Robbins, DruggingourChildren).
Prescriptions hors indication Les neuroleptiques atypiques sont prescrits et promus illégalement pour des affections pour lesquelles ils ne sont pas autorisés: TDAH, insomnie, colère, anxiété, agressivité… En 2005, David Graham de la FDA, évaluait que ces prescriptions hors indication, particulièrement destinées aux segments les plus vulnérables, enfants et vieillards atteints de démence, étaient à l’origine de 62 000 morts excédentaires. Les essais des laboratoires montrent qu’ils doublent le taux de mortalité des personnes âgées souffrant de démence par rapport au groupe placebo. Au Canada, environ 30% des pensionnaires des maisons de retraite se les font prescrire et en Colombie-Britannique, ce taux grimpe à 50%.
POUR NE PAS CONCLURE Le terme de maladie mentale est devenu une expression passepartout. Sauf exception et dans la plupart des cas, il dissimule un ensemble de difficultés relationnelles, de questions existentielles, de quête de sens, d’agressions en provenance des environnements physiques et sociaux, à l’origine de la détresse psychologique. La croyance en la toute puissante organicité a transformé les réactions normales devant les difficultés de l’existence en déséquilibres chimiques. La biopsychiatrie a naturalisé la détresse émotionnelle et réduit l’être humain à sa seule dimension physiologique en reléguant aux oubliettes ses dimensions sociales et psychiques.