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L’évolution des représentations du « Noir » dans la législation coloniale française Ou plutôt : La figure juridique du « Noir » à travers l’évolution de la législation coloniale française (XVIIe-XIXe siècles) Quelques remarques . Deux tendances distinctes :.
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L’évolution des représentations du « Noir » dans la législation coloniale française Ou plutôt : La figure juridique du « Noir » à travers l’évolution de la législation coloniale française(XVIIe-XIXe siècles) Quelques remarques
Deux tendances distinctes : • I. Vers la ségrégation et la discrimination à travers la racialisation juridique (1718-1792 ; 1802-1830) • II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques (1789-1802 ; 1830-1848)
I. Vers la ségrégation et la discrimination à travers la racialisation juridique • Apparition au XVIIIe siècle de l’épithète « Noir » pour désigner les « codes » sur l’esclavage (édits de 1685, 1723 et 1724, ainsi que, finalement, toute la législation coloniale) • Evolution simultanée de la législation sur les mariages « mixtes », les donations et le statut juridique des libres de couleur
Evolution de la législation sur les mariages « mixtes » • Article 9 de l’Edit de 1685 : « Les hommes libres qui auront un ou plusieurs enfans de leur concubinage avec leurs esclaves, ensemble les maîtres qui l’auront souffert, seront chacun condamnés à une amende de deux mille livres de sucre ; et s’ils sont les maîtres de l’esclave, de laquelle ils auront eu lesdits enfans, voulons, qu’outre l’amende, ils soient privés de l’esclave et des enfans, et qu’elle et eux soient confisqués au profit de l’hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis. N’entendons toutefois le présent article avoir lieu, lorsque l’homme qui n’étoient point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l’Eglise sadite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les enfans rendus libres et légitimes. »
Evolution de la législation sur les mariages « mixtes » • Articles 5 et 6 des Edits de 1723 et 1724 : « Défendons à nos sujets blancs de l’un et de l’autre sexe de contracter mariage avec les Noirs, à peine de punition et d’amende arbitraire, et à tous curés, prêtres ou missionnaires séculiers ou réguliers, et même aux aumôniers des vaisseaux de les marier ; défendons aussi à nosdits sujets blancs, même aux Noirs affranchis ou nés libres, de vivre en concubinage avec des esclaves ; voulons que ceux qui auront un ou plusieurs enfants d’une pareille conjonction, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, soient condamnés chacun en une amende de trois cents livres ; et s’ils sont maîtres de l’esclave de laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons qu’outre l’amende ils soient privés tant de l’esclave que des enfants, et qu’ils soient adjugés à l’hôpital des lieux, sans pouvoir jamais être affranchis ; n’entendons toutefois le présent article avoir lieu lorsque l’homme noir affranchi ou libre qui n’était pas marié durant son concubinage avec son esclave, épousera, dans les formes prescrites par l’Eglise, ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les enfants rendus libres et légitimes. »
Législation sur les donations • Article 57 de l’Edit de 1685 : « Déclarons leurs affranchissemens faits dans nos isles, leur tenir lieu de naissance dans nos isles ; et les esclaves affranchis n’avoir besoin de nos lettres de naturalité, pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu’ils soient nés dans les pays étrangers. »
Législation sur les donations • Art. 51 et 52 des Edits de 1723 et 1724 : « Déclarons les affranchissements faits dans les formes ci-devant prescrites, tenir lieu de naissance dans nosdites îles, et les affranchis n’avoir besoin de nos lettres de naturalité pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu’ils soient nés dans les pays étrangers ; déclarons cependant lesdits affranchis, ensemble les nègres libres, incapables de recevoir des Blancs aucune donation entre vifs à cause de mort, ou autrement ; voulons qu’en cas qu’il leur en soit fait aucune, elle demeure nulle à leur égard, et soit appliqué au profit de l’hôpital le plus prochain. »
Législation sur la condition juridique des libres de couleur • Articles 59 de l’Edit de 1685 et 53 des Edits de 1723 et 1724 : « Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise, produise en eux, tant pour leur personne que pour leurs biens, les mêmes effets que le Bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets. » • Sauf, pour les Edits de 1723 et 1724, les exceptions précitées en matière de mariage et de donations
Législation sur la condition juridique des libres de couleur • Dépêche ministérielle du 27 mai 1771 aux administrateurs de Saint-Domingue (extraits) : « Sa Majesté est déterminée à maintenir le principe qui doit écarter à jamaisles gens de couleur, et leur postérité de tous les avantages attachés aux Blancs… » A maintenir « la différence que la nature a mise entre les Blancs et les Noirs, et que le préjugé politique a eu soin d’entretenir, comme une distance à laquelle les gens de couleur et leurs descendants ne devaient jamais atteindre » Car il importe « au bon ordre de ne pas affaiblir l’état d’humiliation attaché à l’espèce [des Noirs] dans quelque degré qu’elle se trouve, préjugé d’autant plus utile qu’il est dans le cœur même des esclaves, et qu’il contribue principalement au repos des colonies. »
Législation coloniale ségrégative étendue au territoire du Royaume • Interdiction de séjour : Déclaration royale du 9 août 1777 sur la police des Noirs, mulâtres ou autres gens de couleur en France • Prohibition des mariages « mixtes »: Arrêt du Conseil d’Etat du 5 avril 1778 concernant les mariages des Noirs, mulâtres et autres gens de couleur en France
Rétablissement de cette législation ségrégative et discriminatoire sous le Consulat et l’Empire • Loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) (Martinique, Mascareignes) • Arrêté consulaire du 27 messidor an X (16 juillet 1802) (Guadeloupe) • Arrêté consulaire du 16 frimaire an XI (7 décembre 1802) (Guyane) • Arrêté consulaire du 13 messidor an X (2 juillet 1802) (interdiction de séjour en métropole) • Circulaire du ministre de la Justice du 18 nivôse an XI (8 janvier 1803) (interdiction des mariages « mixtes »)
Rétablissement de cette législation ségrégative et discriminatoire sous le Consulat et l’Empire • Baudry Des Lozières, Les égarements du nigrophilisme (mars 1802) « Nous en sommes venus malgré nous à la preuve naturelle que [l’] espèce [du Nègre] est dépravée, que c’est la classe de l’humanité la plus imparfaite, la plus sombre, la plus incapable de lumières, la plus vicieuse, la plus incorrigible. Nous en avons tiré la conséquence qu’il n’est pas fait pour la liberté des Blancs, et sa conduite jusqu’à présent prouve de plus en plus cette vérité. »
Rétablissement de cette législation ségrégative et discriminatoire sous le Consulat et l’Empire • Arrêté colonial du 16 brumaire an XIV (7 novembre 1805) concernant la promulgation du Code civil à la Martinique : « Sont maintenues toutes les lois qui ont réglé la condition des esclaves,…, et la ligne de démarcationqui a toujours existé entre la classe des Blancs et les deux autres [gens de couleur libres et esclaves], ainsi que les lois faites en conséquence de cette distinction ».
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1789-1802) • Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art. 1er) « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » • Projet de loi sur le traitement et la police des nègres serfs dans les colonies (1789) :
« Nous avons donc pensé que les habitants sentiraient eux-mêmes l’importance et la nécessité d’une loi qui les empêchat d’abuser jamais du droit qu’ils ont acquis sur le travail et l’obéissance de leurs nègres et qui en leur rappelant les droits inaltérables de l’homme dans quelque dépendance que le sort l’ait placé, résistat efficacement aux impressions premières de l’éducation coloniale et à toute exagération du pouvoir domestique, c’est par ces considérations que nous avons réuni et modifié les dispositions des anciennes ordonnances, sur la police des esclaves, ainsi que les conditions et formalités à observer pour leur affranchissement. Article 1er. Notre intention étant de retrancher de la servitude des Noirs tout ce qui n’est pas nécessaire au maintien de la police domestique et à l’autorité légitime des maîtres, nous abolissons à l’égard des nègres résidents ou transportés à l’avenir dans nos colonies, la qualification d’esclaves, comme représentant une dépendance illimitée, voulons et entendons qu’ils soient réputés et appelés serfs, dans toute l’étendue de nos possessions en Amérique. »
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1789-1802) • Lois des 13 et 15 mai et 24 septembre 1791 : Les esclaves deviennent des « personnes non libres » Confirmation de l’égalité civile des Libres de couleur et des Blancs • Loi du 28 septembre 1791 : « Article 1er. Tout individu est libre aussitôt qu’il est entré en France. Article 2. Tout homme, de quelque couleur qu’il soit, jouit en France de tous les droits de citoyen, s’il a les qualités prescrites par la constitution pour les exercer. »
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1792-1802) • Loi du 28 mars 1792 : « L’assemblée nationale reconnaît et déclare que les hommes de couleur et nègres libres doivent jouir, ainsi que les colons Blancs, de l’égalité des droits politiques » (Préambule) • Loi des 16 pluviôse (4 février 1794) : « La Convention nationale déclare que l’esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli ; en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens Français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. »
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1792-1802) • Loi du 12 nivôse an VI (1er janvier 1798) : « Les individus noirs ou de couleur enlevés à leur patrie et transportés dans les colonies, ne sont point réputés étrangers ; ils jouissent des mêmes droits qu’un individu né sur le territoire français, s’ils sont attachés à la culture, s’ils servent dans les armées, s’ils exercent une profession ou métier » (art. XV) « Tout individu noir, né en Afrique ou dans les colonies étrangères, transféré dans les îles françaises, sera libre dès qu’il aura mis le pied sur le territoire de la République : pour acquérir le droit de citoyen, il sera pour l’avenir, assujetti aux conditions prescrites par l’article 10 de l’acte constitutionnel » (art. XVIII).
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1830-1848) * Libres de couleur • Abrogation du régime juridique discriminatoire (ordonnances royales du 7 septembre 1830 et du 24 février 1831) • Egalisation civique (loi du 24 avril 1833 ) * Esclaves • Redeviennent officiellement des « personnes non libres » (loi du 24 avril 1833) • Etat-civil patronymique (ordonnance royale du 4 août 1833)
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1830-1848) • Esclaves (suite) • Augmentation de la capacité juridique : Peuvent détenir un patrimoine, recueillir des successions de personnes libres ou non libres, acquérir des immeubles, faire ou recevoir des testaments ou des donations • Réglementation du travail : Durée quotidienne limitée, repos obligatoire, restrictions des peines disciplinaires, institution d’un « salaire » en cas d’heures supplémentaires » imposées par le maître • Droit légal d’auto-rachat (sous réserve d’un engagement de 5 ans) (Loi Makau du 18 juillet 1845)
II. Vers l’isonomie et l’assimilation avec le Blanc à travers l’égalisation et la personnalisation juridiques(1830-1848) • Egalisation civile et civique totale par le décret du 27 avril 1848 : « Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Egalité, Fraternité. » (Préambule)