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XVIIème rencontre du réseau Mission Locale Orléanais Orléans, 31 mai 2011. La pauvreté des jeunes : état des lieux, enjeu de politique publique et comparaison internationale. Florence Lefresne Institut de Recherches Economiques et Sociales. florence.lefresne@ires-fr.org.
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XVIIème rencontre du réseau Mission Locale Orléanais Orléans, 31 mai 2011 • La pauvreté des jeunes : état des lieux, enjeu de politique publique et comparaison internationale Florence Lefresne Institut de Recherches Economiques et Sociales florence.lefresne@ires-fr.org
Histoire du traitement social de la pauvreté On passe au tournant du XVIIIème siècle, d’une vision positive compassionnelle, issue de la tradition chrétienne, à une vision doublement négative : pauvres = « oisifs » (paresse, alcoolisme, imprévoyance…) et « perturbateurs de l’ordre social » Réponse des Etats à la pauvreté : l’enfermement : « hôpital général », concerne au tournant du 18ème : 1% de la pop.; « workhouses », 1834 (Cf. Foucault, 1961, « L’histoire de la folie à l’âge classique ») ; Objectif économique : exclure les marchés parallèles (revente, recel, le petit artisanat de fortune, ravaudage, glanage) + distinguer le pauvre susceptible de travailler du pauvre inapte au travail.
La protection sociale contre la pauvreté ? La croissance ne suffit pas à résoudre la pauvreté ; responsabilité collective (Etat ; collectivités territoriales). Adam Smith (1776) lui-même préconise un « salaire de subsistance ». Vaincre la pauvreté : au cœur de la construction du Welfare State (1er des maux à vaincre énoncés par le rapport Beveridge de 1942) Années 1980 : apparition d’un « deuxième monde de protection sociale » (Bruno Palier, 2008) : politiques d’insertion fondées sur des prestations minimales sous conditions de ressources et de plus en plus tournées vers l’activation
Plan de la présentation • La pauvreté : une diversité d’indicateurs, pièges de la mesure de la pauvreté des jeunes, état des lieux • Regards comparatifs européens • Retour sur le diagnostic : la place des jeunes sur le marché du travail • Quels enjeux pour les politiques publiques ?
1. La pauvreté : une diversité d’approches et d’indicateurs La définition de la pauvreté est conventionnelle : repose sur la définition de seuils et des indicateurs décidés aux niveaux national et international. La pauvreté est un phénomène relatif : définie par rapport à des «modes de vie acceptables», eux-mêmes variables dans l’espace et dans le temps (parfois difficile d’obtenir un consensus sur les instruments de mesure : ex du Canada). C’est un phénomène multidimensionnel qui ne saurait se réduire à l’absence ou à la privation de ressources monétaires. C’est un phénomène dynamique à appréhender du point de vue des trajectoires individuelles, à court terme (entrée, sortie, retour, maintien) ou à plus long terme (transmission).
Premières approches de la mesure de la pauvreté Rowntree (1901) : enquête, à New York, sur 11 000 familles vivant en 1899. Idée de panier minimal (28 % au-dessous du seuil) Refait son étude en 1936, intègre journaux, tabac, vacances, radio, cadeaux…principaux concernés : les chômeurs Principe toujours en vigueur aux E-U (Bureau du Census) : paniers-types variant avec l’âge et la structure de la famille, actualisés par l’indice des prix Principale critique : « minimisation » de la pauvreté (avec une croissance des revenus sup aux prix)
Union Européenne : le choix d’une mesure relative • Conseil Européen : « Les personnes dont le revenu et les ressources matérielles, culturelles et sociales sont à ce point insuffisantes qu’elles les empêchent d’avoir des conditions de vie considérées comme acceptables dans le pays membre où elles vivent ». • Le « acceptable » est en fait ce qui est jugé « normal » par la moyenne de la population.
Principal indicateur européen : « le taux de risque de pauvreté » • Eurostat (Laeken 2001) • « Toute personne vivant dans un ménage dont les ressources ne dépassent 60 % du niveau de vie médian ». L’INSEE retient plutôt le seuil des 50 %. • Niveau de vie : revenu disponible du ménage divisé par le nb d’unités de consommation pondérées du ménage (1 adulte = 1 ; 2ème adulte +14 ans = 0,5 ; enfant = 0,3). • En France 1580 euros en 2008 (seuil de pauvreté : 949 euros). • Revenu disponible : revenus directs + transferts - impôts
Les pièges arithmétiques d’une mesure relative Doubler le revenu de tous ne change rien aux nombre de pauvres ; Plus une mesure des inégalités : à la limite si personne n’a rien (une forme d’« égalité »), il n’y a pas de pauvres…! Si le revenu médian baisse, la pauvreté diminue ! (ce qui pourrait se passer avec la crise)…Cf. objectif du Pdt de la République en 2007 : réduire la pauvreté d’un tiers avant 2012 Pour neutraliser l’effet « évolution des revenus », on utilise un indicateur de « taux de pauvreté ancrée dans le temps »
Limites liées à la construction de l’indicateur Appartenir à un ménage…difficulté à prendre en compte les SDF (150 000 en France sur 8 millions de pauvres en 2007) ; Hypothèse forte du partage au sein du ménage Paradoxe du genre : fortement représentées dans les bas salaires, les femmes le sont moins dans la pauvreté (sauf famille monoparentale). Comment mesurer la pauvreté des jeunes ? (pb d’autonomie)
INSEE, septembre 2010 13 % de pauvres en 2008, contre 13,4% en 2007, soit 7,8 millions de personnes ayant un niveau de vie de moins de 949 euros par mois La moitié d’entre eux ayant moins de 773 euros par mois 1,6 million de pauvres dans des familles monoparentales. 30 % des familles monoparentales sont pauvres 1 million de 18-24 ans, soit 20,1 %
Mesurer la pauvreté des jeunes ? Conséquences de l’indicateur choisi • Le jeune (18-24 ; 18-29 ans) est appréhendé dans un ménage : • celui des ses parents (cohabitants) : hypothèse du partage, risque de sous-estimation de la pauvreté juvénile ; reflet de la situation des parents ; cohabitation choisie ou subie ? (retard d’autonomisation dû au revenu ; 50% sont étudiants ; • celui des ménages jeunes : 50 % sont des jeunes vivant seuls ; 20 % sont étudiants. Attention ! On exclut du champ; les ménages dont la personne référent est étudiante
Ménages : les échelles d’équivalence • Seuil de pauvreté = 948 euros • 1ère configuration : 4 jeunes vivant seuls • Revenus respectifs = 700, 800, 900, 2300 • Nombre de pauvres : 3 • 2ème configuration : 4 personnes vivant en deux couples • Couple A: lui =2300 ; elle = 700; eux = 3000 • Revenu par tête = 1500 • Revenu équivalent = 3000/1.5 = 2000 • Couple B: lui = 800 ; elle = 900 ; eux = 1700 • Revenu par tête = 850 • Revenu équivalent = 1700/1.5 = 1133 • Nombre de pauvres : 0
Une limite sérieuse : la minoration des revenus du patrimoine dans le cas français Depuis 30 ans, les revenus de la propriété ont augmenté plus vite que les autres catégories de revenus (diapo suivante), Or les données fiscales minorent ces revenus (moins du quart des revenus) Interpellation du CNIS en 2007 par le RAI (réseau d’alerte sur les inégalités). L’INSEE réévalue le niveau de vie moyen mais insuffisamment 2008 : niveau de vie moyen INSEE = 1580 euros; Avec chiffres compta nat = 2400 euros…Ce qui rehausse d’un tiers le seuil d’entrée en pauvreté
Ratios revenus nets de la propriété sur les salaires nets Légende : les revenus de la propriété représentent aujourd’hui l’équivalent d’un peu moins de 50 % de la masse des salaires nets perçus par les ménages contre environ 25 % en 1978 et 20 % en 1949. Sources : INSEE, comptes nationaux, calculs IRES. La France du travail, Ires, 2009
D’autres indicateurs non monétaires… Cf. travaux du sociologue anglais Townsend (1954) : idée de privation dans le domaine alimentaire, l’habillement, l’habitat, la culture…Reprise par Amartya Sen dans sa définition du bien être : espérance de vie, mortalité infantile ou illettrisme + accès « effectif » à des biens et des services (capabilités) L’ONPES retient un indicateur en conditions de vie à partir de 28 item (logt, santé, loisirs…) Créé par le RAI, le BIP40 (Baromètre des inégalités et de la pauvreté) est un indicateur multidimensionnel qui synthétise plus de 60 indicateurs
Créé par le RAI, le BIP40 est un indicateur multidimensionnel qui synthétise plus de 60 indicateurs,couvre 6 domaines des inégalités : chômage-emploi-travail, revenus et pauvreté, santé, logement, éducation, justice Evolution du BIP 40 Sources : www.bip40.org
La pauvreté en région Taux de pauvreté par région
Nouveau dispositif de veillesociale Enquête auprès des acteurs de terrain (emploi, insertion, lutte contre les exclusions) • Pas d'extension de la pauvreté à de nouveaux publics • Phénomènes émergents / phénomènes nouveaux • Désespérance et inquiétudes accrues • Agressivité et exigences accrues • Moins un effet direct de la crise que l'expression d'un processus long de fragmentation de la société • Augmentation du non-recours et perte de confiance dans les institutions • Cinq types de publics identifiés par les acteurs sociaux : les sans ressources chroniques (un quart du public), les actifs pauvres (un cinquième), les jeunes en rupture familiale et sociale (près de 20%), les migrants en difficulté (plus de un sur dix) et les personnes en souffrance psychique (15%). Asssocier les personnes concernées par la pauvreté ONPES
Principalescaractéristiques de l’évolution de la pauvreté entre 1996 et 2007 • Stabilité de la pauvretémonétaire (13, 5 % en 1996 à 13,4% en 2007, soit 8 millions de personnes pour le seuil à 60 %) • Augmentation de la pauvreté des jeunes • Augmentation de l'intensité en pauvreté • Augmentation de la pauvreté en emploi (entre 2003 et 2006) • Ralentissement de la baisse de la pauvreté en conditions de vie (à partir de 27 indicateurs) • Persistancedans le RMI (sup. 3ans) 46,7 % • Taux de renoncement aux soins 14 % • Amélioration de l'accès à la formation (non-diplômés /18-24 ans) • Taux de demandeursd'emploiindemnisés, plutôt en baisse • Part importante des demandes de logementinsatisfaites ONPES
Effets de la crisesur la pauvreté • La plus forte dégradation du marché du travail depuis 1970 • Les principaux canaux de diffusion de la crise : • le marché du travail : - 480 000 emplois supprimés en 1 an • 1 million de “fin de droits” fin prévu en 2010 • la baisse des revenus d'activité (chômage ou réduction primes, horaire, salaire d’entrée des jeunes • le surendettement : 15 % de hausse du nb de dossiers en 2009 • Les stabilisateurs économiques ont joué leur rôle et ont compensé, au moins en partie, les effets de la crise. • Si les statistiques ne peuvent rendre compte de l'impact de la crise, les associations se font l'écho d'une augmentation des demandes d'aide. ONPES
La reprise est fragile et pauvre en emplois • Faibledynamisme de la demandeintérieure et des exportations • Les entreprisesprivilégient la restauration de la productivité • Emploisprécaires • Légèredécrue du chômage, insuffisante pour agirsur la pauvreté Effetsaggravants des ajustementsbudgétaires
Les catégoriesparticulièrementtouchées • Principaux publics touchés par le risque de pauvreté • Les salariés peu qualifiés • Les jeunes • Les femmes chefs de famille • un risque de paupérisation à terme pour les plus âgés • Trois types d'effets importants: • Extension de la pauvreté aux salariés des secteurs industriels et aux salariés en CDD et en intérim • Intensification de la pauvreté pour des publics déjà exclus • Irréversibilité pour certains (jeunes non-qualifiés en particulier) et inégalités accrues
Où se situe la France/UE ? Eurostat
Avant transferts… Eurostat
Taux de pauvreté dans l’Union européenne, après transferts sociaux Taux de pauvreté à 60 % du revenu médian, source : Eurostat
La pauvreté des jeunes en Europe –Un paradoxe lié à l’indicateur Eurostat, année 2009
Intensité et persistance En effet, l’intensité de la pauvreté, qui mesure l’écart entre le seuil de pauvreté et le revenu médian des personnes situées sous ce seuil, est de 18,2 % en France, contre 22 % pour l’Union européenne à 25. La proportion de personnes qui se situent sous le seuil de pauvreté à un moment donné et qui sont restées pauvres pendant 2 années au moins sur les 3 qui ont précédé l’enquête, est également plus faible en France que dans la moyenne de l’Union
Les formes de la pauvreté en Europe : l’intensité de pauvreté Pauvreté : 60 % revenu médian ; transitoire : une fois en 5 ans ; récurrente : plus d’une fois en 5 ans Paugam, 2008
Trois facteurs socio-économiques, une typologie des formes de pauvreté • Développement économique et taux d’emploi ; • Type d’Etat-providence (cf typologie d’Esping-Andersen) ; • Liens sociaux, solidarités locales et familiales. Trois formes de pauvreté (Paugam, 2008) : - « pauvreté intégrée » (étendue, sociétés traditionnelles) - « pauvreté marginale » (moins étendue mais plus stigmatisante des sociétés les plus développées) - « pauvreté disqualifiante » (nelle pauvreté, précarité, chômage)
Pauvreté et exclusion en Europe • En dépit des engagements : stagnation de la pauvreté en Europe; La France en position moyenne • Fort impact du système français de protection sociale (baisse de 30 % de la pauvreté monétaire) : importance de maintenir un haut niveau de financement de la protection sociale • Pauvreté des chômeurs : 5 fois plus importante que la pauvreté en emploi (43 % contre 8 %) • Interrogation sur l'efficacité, dans le contexte actuel, des incitations financières au retour à l'emploi et sur la validité des exigences accrues en matière de retour à l'emploi • Vers un objectif européen de lutte contre la pauvreté ONPES
3. Retour sur le diagnostic : quelle place occupe les jeunes sur le marché du travail ?
Chômage des classes d’âge – source : INSEE Florence Lefresne
Emplois précaires : flux et stock 75 % des emplois créés sont des CDD (Dares, 2010) 61% des DUE (déclarations uniques d’embauches à l’ACOSS) sont des contrats de moins d’un mois En stock, les CDD ne représentent que 14,5% de la population salariée Le flux finit par mordre sur le stock
Part des emplois atypiques dans l’emploi total, Données INSEE
Statuts d’emploi des jeunes Enquête Emploi 2009, INSEE Florence Lefresne
Part de l’emploi stable (en %) par cohorte de jeunes entrant sur le marché du travail SOURCE : Enquêtes Emploi INSEE IRES – Les mutations de l’emploi en France, Repères, La Découverte, 2005
Jeunes : vecteurs des nouvelles normes d’emploi La sur-représentation des jeunes dans les flux d’entrée sur le marché du travail les place non seulement en première ligne face aux tensions conjoncturelles (sur-réaction au cycle), mais également au cœur des transformations structurelles de l’emploi. Florence Lefresne
Inégalités d'insertion professionnelle trois ans après la fin des études selon le diplôme et le sexe
Insertion des jeunes diplômés, selon l’âge, en 2006 Chô CDD CDI Scolarité à temps plein Source : Estimations du Secrétariat de l’OCDE à partir de l’enquête Emploi de l’INSEE pour la France et de l’enquête communautaire sur les forces de travail pour les autres pays. Florence Lefresne
Insertion des jeunes sans diplômes 18 % de jeunes (soit 130 000) sortent chaque année sans bac ni BEP-CAP. Dont 6 % (soit 45 000) n’ont pas atteint la classe de seconde ou l’année terminale de CAP-BEP Florence Lefresne
Le diagnostic est au moins double • Pour les 18 % de « sans diplôme » + 13% de sortants sans diplôme du 1er cycle universitaire…Le problème est clairement un déficit de « capital humain » + effet de ghetto social et spatial • Pour les autres, dont les niveaux de formation s’élèvent, le diagnostic est différent : - Turn-over sur la marché du travail, lié à la précarité – 1 jeune sur 5 a comme 1er emploi l’intérim – 1 sur 3 en CDD • Chômage d’insertion ou de rotation • Situations de précarité durable Florence Lefresne