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Journée Protection Juridique le 24 novembre 2010. « La protection de la personne majeure vulnérable ou comment concilier le souci de protection tout en favorisant l’autonomie ? ». Christel PRADO Présidente de l’Unapei. Jacques ROILAND
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Journée Protection Juridique le 24 novembre 2010 « La protection de la personne majeure vulnérable ou comment concilier le souci de protection tout en favorisant l’autonomie ? »
Christel PRADO Présidente de l’Unapei
Jacques ROILAND Président de la Commission Protection Juridique de l’Unapei Actualités et actions de l’Unapei
Jean-Philippe COBBAUT Philosophe, Directeur du Centre d’Ethique médical de Lille Approche philosophique de la protection de la personne vulnérable
Questionnement • Est-il contradictoire de chercher à promouvoir l’autonomie de la personne vulnérable dans le cadre de mesures de protection de cette dernière ? • Comment concilier le souci de protection de la personne majeure vulnérable tout en favorisant son autonomie ? • Comment promouvoir l’autonomie d’un patient en état de vulnérabilité : une question centrale en éthique médicale ?
Plan 1. La question du sujet ou de l’autonomie dans la pensée philosophique 2. Les interprétations contemporaines de la notion d’autonomie 3. Les enjeux d’un «droit de la vulnérabilité» 4. Comment concilier souci de protection tout en favorisant l’autonomie : les enseignements du consentement au soin 5. Deux exemples en guise de conclusion
L’autonomie dans l’histoire de la pensée • • L’ancien: philosophie de l’objet – l’homme prudent, adéquat, sage à la recherche de l’équilibre • • Le moderne : philosophie du sujet – l’homme maître et possesseur de la nature et de lui-même • • Le contemporain : philosophie du verbe – l’homme en relation avec le monde, avec les autres et avec lui-même
L’autonomie dans l’histoire de la pensée (J.L. Genard, 2009) • • Une première modernité (moyen-âge au XVIIIème siècle) : référentiel de la responsabilité et l’action intentionnelle • • Une deuxième modernité (XIX et XXème siècle) : naissance des sciences humaines qui inscrivent l’action dans un contexte («irresponsabilité» ou «déterminisme»)
– Tension entre les approches disjonctive (capables ou incapables) XIXème et conjonctive (capables et incapables, libres et déterminés) XXème: capacité versus capacitation – «Continuum anthropologique» : justice vers santé, pathologique vers normal – L’individu est toujours vulnérable et responsable
– Le même homme est à la fois autonome et vulnérable, fragilisé mais non sans ressources (thérapies, émotions, affectivité et réflexivité) – Nouvelles coordonnées de l’action publique : prise en charge dichotomique, adaptée, dépassement persuasion-suggestion, politiques d’activation
2) Les interprétations de l’autonomie • Elargissement de la notion d’autonomie(A. Zilinski, Gér. et Soc., 2009): – Capacité physique – Libre choix : percevoir, imaginer, évaluer, juger, formuler une préférence, capacité de mettre en œuvre ces choix = action délibéré (Aristote) – Activité dans une réalité matérielle et sociale, une situation – Liberté réelle ou «capabilités» d’AmartyaSen
2) Les interprétations de l’autonomie • Deux approches modernes de l’autonomie : – Anglo-saxonne : • autodétermination par rapport à l’Etat (Right of privacy: droit à l’intimité, à la vie privée) • pas d’ingérence –épanouissement personnel –désir • J. S. Mill : pas responsable de ses actions envers la société sauf si cela cause un tort à autrui
– Continentale : • L’autonomie au sens Kantien • Choisir selon sa propre volonté – pas d’une source externe, y compris des émotions, penchants, désirs, intérêts personnels – choix raisonnable qui puisse bénéficier à tout être raisonnable, visée d’universalité – approches disjonctives
2) Les interprétations de l’autonomie • «Une troisième voie : l’attention aux capacités» (A. Zilinski, Gér. et Soc., 2009) : – «Autonomie relationnelle» (si on prend le point de vue l’accompagnant) : une dynamique relationnelle, contextuelle – Attention à la singularité des personnes et des situations – L’autonomie s’acquière : «projet d’autonomie» (Ricœur, Castor adis) (logique conjonctive) qui n’est pas un acquis mais un processus
– S’inscrit dans la dépendance et est un «processus de libération» dont il faut construire les conditions de possibilité : • Par une attention aux capacités : s’attribuer une identité, agir par soi-même, se raconter, s’imputer des actes • Ces capacités s’établissent et croissent dans la relation : être reconnu, trouver des partenaires, être entendu, être responsable • Une dynamique de reconnaissance, de suscitation, de limitation, de dialogue • Dont les conditions de possibilité doivent être perpétuellement remises sur le métier
3) Les enjeux d’un droit de la vulnérabilité • «La paradoxale protection de la personne vulnérable par elle-même» (B. Lavaud-Legendre, RDSS, 2010) : – Émergence d’un droit de la vulnérabilité – Visant l’autonomisation et la responsabilisation de la personne vulnérable • La protection du consentement : ponctuelle, spécifique, peu accompagnée
3) Les enjeux d’un droit de la vulnérabilité • L’accompagnement (pas assistance ou représentation) : transitoire, manque de moyens,… (ex : personne de confiance, …) • Contrainte ou sanction en cas de refus, • Manque de ressources, étendue de la vulnérabilité – Enjeux d’une effectivité • Importance de la notion de groupe, d’affiliation • Supports plus effectifs et stables… mais aussi réflexifs
4) Comment concilier protection et soin ? • L’évolution du droit en matière de consentement : – L’approche paternaliste: persuasion (code déontologie) – L’approche consumériste: information(droit de la consommation, information-consentement,…) – L’approche délibérative: dialogue (loi sur les droits du patient, médiation, consultation d’annonce) – L’approche réflexive : «cadrage responsif»(jurisprudence, certification, lieux de réflexion éthique)
5. Deux exemples en guise de conclusion • L’analyse de B. Eyraudet P. Vidal Naquet (Tracés, 2008) • Deux exemples : –La négociation de l’argent de poche –La suspicion de prostitution • Consentement formel et consentement intime • Antinomie ou plutôt dynamique réflexive entre l’autonomie et la protection ? • L’intérêt de la mise en place d’un «espace potentiel» à construire comme condition de l’autonomisation et de la protection des personnes vulnérables
Thierry VERHEYDE Magistrat délégué à la protection des majeurs Cour d’Appel de Douai Protection de la personne vulnérable et autonomie au regard de la loi du 5 mars 2007 : principes, contours et limites de cette protection
LA PROTECTION DE LA PERSONNE DU MAJEUR PROTÉGÉ ET LE RENFORCEMENT DE SES DROITS Principe et déclinaisons Les dispositions spéciales Le nouveau dispositif de droit commun La protection en matière pénale Dans le mandat de protection future
Article 415 Code civil : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire suivant les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.”
Déclinaisons du principe : Curatelle ou tutelle Art. 425 al 2 : « S’il n’en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l’une de ces deux missions. » En cas de sauvegarde de justice avec mandat spécial, le mandataire spécial peut se voir confier une mission de protection de la personne (438) Compte rendu de la mission (463) Mission pouvant également être confiée au mandataire de protection future (479)
Dispositions spéciales du Code de la santé publique : • Maintien des règles spéciales posées par le Code de la santé publique prévoyant l'intervention d'un représentant légal (art. 459-1 al. 1) : • Cf notamment : • - R. 4127-42 : déontologie médecin • - L. 1111-2 et s. : cas général consentement acte médical • - L. 1121-8 et s. : recherches biomédicales • - L. 1211-2 : prélèvements éléments corps humain • - L. 1231-2 : prélèvements d'organes • - L. 1241-2 : prélèvement tissus ou cellules ou produits du corps humain (L. 1245-2 : à l'occasion d'une intervention chirurgicale)
Dispositions spéciales du Code de la santé publique : • Maintien des règles spéciales posées par le Code de la santé publique prévoyant l'intervention d'un représentant légal (art. 459-1 al. 1) : • Cf notamment : • - L. 1241-4 et 5 : prélèvement de moelle osseuse • - L. 2123-2 et s : stérilisation • - L. 2141-11 : assistance médicale procréation • - L. 3211-1 et s. : hospitalisation psychiatrique • - R. 4127-37 : fin de vie
Dispositions spéciales autres : • Protection du logement (art. 426) • Droit au maintien des comptes (art. 427) • Mariage (art. 460) et PACS (art. 461, 462) • Choix du lieu de vie et des relations personnelles (art. 459-2) • Droit de vote (art. L5 Code électoral)
Choix du lieu de vie et des relations personnelles : Le juge des tutelles, nouveau JAF ? Art. 459-2 : « La personne protégée choisit le lieu de sa résidence. Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d’être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué statue. »
Capacité électorale • De l'incapacité de plein droit à l'incapacité éventuelle pour le majeur en tutelle • Art. L5 Code électoral : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée. »
Nouveau dispositif de droit commun (art. 457-1 à 459-1) : • - Obligation d'information du majeur protégé • - Actes impliquant un consentement « strictement personnel » • - Principe d'autonomie • - Assistance ou représentation • - Actes « graves » • - Cas du majeur en « danger »
Obligation d'information du majeur protégé : Art. 457-1. « La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part. »
Actes impliquant un consentement «strictement personnel» Art. 458. « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. »
Principe d'autonomie : Art. 459. « Hors les cas prévus à l’article 458 [= actes dont la nature implique un consentement strictement personnel], la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. »
Exception : assistance ou représentation • Art. 459 al. 2 : « Lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué peut prévoir qu’elle bénéficiera, pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère, de l’assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l’ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l’intéressé. »
Actes « graves » : • Art. 459 al. 3 : « Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à l’intimité de sa vie privée. »
Actes « graves » : • Art. 459-1 al. 2 : « Toutefois, lorsque la mesure de protection a été confiée à une personne ou un service préposé d’un établissement de santé ou d’un établissement social ou médico-social dans les conditions prévues à l’article 451, et que cette personne ou ce service doit soit prendre une décision nécessitant l'autorisation du juge ou du conseil de famille en application du troisième alinéa de l'article 459, soit accomplir au bénéfice de la personne protégée une diligence ou un acte pour lequel le code de la santé publique prévoit l'intervention du juge, ce dernier peut décider, s’il estime qu’il existe un conflit d’intérêts, d’en confier la charge au subrogé curateur ou au subrogé tuteur, s’il a été nommé, et à défaut à un curateur ou à un tuteur ad hoc. »
Cas du majeur en « danger » : Art. 459 al. 4 : « La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l’égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l’intéressé ferait courir à lui-même. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué. » Portée pratique ? Faculté ou obligation ? (cf débats parlementaires) • :
Protection en matière pénale : Principes (art. 706-112 et suivants du CPP) • - Information obligatoire des organes de la tutelle • - Expertise médicale obligatoire • - Avocat obligatoire • :
Protection en matière pénale : Tempéraments (art. D. 47-14 et suivants du CPP) • - Information obligatoire du tuteur ou du curateur sur date et objet de l'audience seulement en matière criminelle, correctionnelle ou C5 • - Expertise médicale facultative en cas de procédure d'alternative aux poursuites, de composition pénale, d'ordonnance pénale ou de CRPC • - Possibilité de dispense d'expertise en matière correctionnelle, si éléments suffisants dans dossier de la mesure de protection, sauf opposition personne poursuivie et de son avocat • :
Dans le mandat de protection future : Art. 479 : « Lorsque le mandat s’étend à la protection de la personne, les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-2. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance. Le mandat fixe les modalités de contrôle de son exécution. » • :
Personne de confiance: Art. L. 1111-6 CSP : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. ... /... • :
Personne de confiance: Art. L. 1111-6 CSP : ... /... Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci. » • :
Emeric GUILLERMOU Avocat au Barreau de Toulon Président de l’Union Nationale des Associations de Familles de Traumatisés Crâniens (UNAFTC) La protection de la personne «à la française» réinterrogée au regard de la Convention Internationale des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
Thierry VERHEYDE Magistrat délégué à la protection des majeurs Cour d’Appel de Douai Ce diaporama a été réalisé sur la base d’une présentation faite par Monsieur BARINCOU, Directeur des affaires juridiques du CHRU de Lille La santé du majeur protégé entre Code civil et Code de santé publique : quelle articulation, quelle pratique entre la protection de la personne et les règles du code de santé publique ?
Loi du 5 mars 2007 : une profonde rénovation La loi n°2007-308 du 5 mars 2007 « portant réforme de la protection juridique des majeurs » rénove totalement l’ensemble du dispositif de protection des personnes vulnérables mais • sans en modifier en profondeur l’esprit • sans modifier les textes spécifiques du code de la santé publique relatifs aux soins
Plan • Les principes généraux du code civil • Les règles générales du code de la santé publique • Information du patient • Recueil du consentement • Les règles spécifiques du code de la santé publique • Les procédures de contrainte
La protection de la personne Le principe d’autonomie
Protection de la personne Article 415 Code civil : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire suivant les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »
Protection de la personne Tutelle et curatelle Article 425 code civil : « Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions. »
Protection de la personne Sauvegarde de justice Article 438 du code civil : « Le mandataire spécial peut également se voir confier une mission de protection de la personne dans le respect des articles 457-1 à 463. » NB : Les textes visés constituent la sous-section « Des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne ».
Protection de la personne Mandat de protection future Article 479 du code civil : « Lorsque le mandat s'étend à la protection de la personne, les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-2. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance. »