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Voie étroite ou voie large de l’économie politique. Entreprise et innovation : de Schumpeter aux questions actuelles.
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Voie étroite ou voie large de l’économie politique Entreprise et innovation :de Schumpeter aux questions actuelles François MARTOU - 14/11/2003
« Je crois que le capitalisme de marché est le meilleur système économique jamais inventé par la création de richesse ; mais il doit être honnête, il doit être réglementé, il doit être éthique. Les excès des derniè-res années montrent des échecs dans les trois domaines.Seuls les capitalistes peuvent détruire le capitalisme ». Felix Rohatyn – Novembre 2002New York Review of BooksFrom New York to Bagdad
L’entrepreneur et l’entreprise - Schumpeter critique une vision négative et statique de l’entrepreneur introduite par Walras : « entrepeneur ne faisant ni bénéfice ni perte ».
- La vision dynamique du progrès et de l’entreprise amenée par Schumpeter, vise à dépasser le système néoclassique en intégrant à sa formation margina-liste la compréhension des analyses de l’école historique et du marxisme.Dupriez, dans « Philosophie des con-jonctures économiques » explique que l’on ne peut plus analyser l’entreprise dans un état donné de technique et d’organisation(1959).
- « Les grappes d’innovations » (des-truction créatrice) ont pour moteur l’entrepreneur et les monopoles. Mais on oublie qu’il diagnostique des con-tradictions : la concentration crois-sante va engendrer un climat d’hostilité aux grandes entreprises et l’évolution routinière du processus d’innovation, provoquer le « crépuscule » de l’entrepreneur.
- Mais dès 1932, Bearle et Means montrent la distinction croissante entre proprié-taires (Actionnaires) et manager (Agent). Ce ne seraient plus les AG et les CA qui jugeraient la qualité des gestionnaires mais le cours de la Bourse. Conflits d’intérêt et distinction entre Sharehold Value et Stock holder Value apparaîtront progressivement dans la littérature. On n’a pas assez retenu Stiglitz et l’asymétrie d’information.
- Modigliani et Miller en 1958 révolution-nent la science financière en soutenant que la structure financière d’une société ne devrait pas avoir d’impact sur sa valorisation, et donc que le dividende est indifférent pour les investisseurs. La « corporate finance » valorisera l’efficience des marchés et poussera les managers au soutien du cours de bourse, aux stock-options et aux programmes de fusions et acquisitions.
- En 1985, l’ouvrage de Williamson : « The Economic Institutions of Capitalism » est salué par Chandler comme le meilleur ouvrage depuis ceux de Shumpeter pour comprendre l’évolution des institutions modernes. Il va surtout permettre le développement de l’économie des coûts de transactions, de la théorie des contrats et des incitants et… de la corporate gouvernance.
- Mais on retiendra aussi que Williamson s’intéressait aux fins, aux objectifs : « des sacrifices d’efficacité qui sont opérés volontairement et en connaissance de cause afin de mener à bien quelqu’autre objectif plus valoisé ne sont que des coûts ». Et prémonitoire : « ces risques de sous-optimisation et les besoins de contrôle de la véracité sont similaires aussi bien dans les systèmes socialistes que capitalistes ».
Les années 1990 : exubérance irrationnelle et crises - Après Enron, Worldcom, Vivendi, Ahald… et la guerre en Irak, il est difficile de conclure à la fin de l’histoire (Fukuyama), à la supériorité du Modèle américain de marché, à la fin du modèle social européen, etc.
- Il y aura heureusement un au-delà à l’hystérie libérale des années 1990 qui n’a eu qu’un rêve face à la chute du modèle soviétique : supprimer l’état, les syndicats, les réglements, les contrepouvoirs, etc.
- La « nouvelle économie » et la croissance américaine reposaient sur un carré magique d’innovation technologique, de déréglementation, d’innovation financière… et de corruption privée. Tout était en place pour une bulle technologique et une bulle financière.
L’injustice c’est que : « Des dirigeants déjà grassement rétribués ont utilisé pour s’enrichir personnellement l’information dont ils disposaient, alors même qu’ils exhortaient leurs salariés à se serrer la ceinture et à conserver l’argent de leur retraite en actions de la compagnie ».J. Stiglitz, 2003.
- Reconstruire nécessite de retrouver la voie du contrat social avec l’état, les syndicats, les groupes de pression envi-ronnementaux. Il faudra non pas plus de réglement mais plus d’efficacité avec des contrats plus clairs et des évaluations plus sérieuses. Le modèle social européen a une nouvelle chance et elle ne viendra pas du marché seul.
- Le Consensus de Washington a fait croire au monde qu’il fallait confier à la concurrence et privatiser l’eau, la sécurité des aéroports, l’électricité, etc. Au nom de la « Good Gouvernance » on a privatisé 1500 contrats de gestion d’eau dans le Tiers-Monde au profit d’Enron, de Vivendi, de Suez, etc. alors qu’un milliard 500 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le Tiers-Monde.
- Attention à l’avenir de nos pensions et au rôle des fonds de pension dans la crise des années 1990. Un système de réparti-tion a des avantages certains et le rôle des fonds de pension dans le marché doit être précisé.
Les corrections nécessaires - Capital gain, Stocks options, Fusions-Acquisitions, Investment Banks, Corruption. Retrouver la voie du dividende qui mesure une valeur ajoutée, nécessite de taxer les plus-values et renégocier les rémunérations.
Les stocks options ne sont pas compta- bilisées comme dépenses salariales ni comme dette de l’entreprise. En 2001, le bénéfice de Microsoft aurait été réduit d’un tiers (7,3 milliards $).Les Investment Bank et les managers ne peuvent continuer à être rémunérés en actions lors des introductions en bourse et des fusions-acquisitions.
- Le mur chinois entre les banques, les analystes financiers, les auditeurs doit être reconstruits et surveillés.La suppression avec USA du glass-steagall act de 1993 est la principale mesure de déréglementation bancaire qui a supprimé les garde-fous. Citygroup et J.M. Morgan Chase étaient les deux banques d’affaires les plus largement impliquées dans le scandale Enron. Mais il faut aussi réglementer et contrôler les conflits d’intérêts. Contrôle prudentiel et justice ont du travail.
- Retrouver des normes comptables qui s’intéressent à la vérité économique et sociale tant à long qu’à court terme de l’entreprise est un travail européen de résistance au système anglo-saxon.
- Retrouver une place dans le contrôle des managers nécessite de réguler les désignations et les rémunérations des administrateurs. Je suggère que les administrateurs indépendants soient proposés par un comité où ne siègerait ni le CEO ni le président du CA. La confir-mation de leur indépendance pourrait venir d’un avis du Conseil d’entreprise.
- Un dialogue entre la Commission Euro-péenne et les partenaires sociaux euro-péens devrait codifier les meilleures pratiques de bonne Gouvernance en Europe. La Suède et l’Allemagne ont des expériences différentes de la France et de la Belgique.
Ethique et auto contrôle et/ou régulation par l’Etat, les régle-ments, les syndicats, etc. - Si la « responsabilité sociale de l’entre-prise » ce n’est ni la législation, ni les réglements, ni les conventions collectives alors l’entreprise n’est pas citoyenne.
Rappelons la vision claire de Milton Friedman :« Peu d’évolutions pourraient miner aussi profondément les fondations mêmes de notre société libre que l’acceptation par les dirigeants d’entreprises d’une responsabilité sociale autre que celle de faire le plus d’argent possible pour les actionnaires » (in Capitalisme et liberté).
Préoccupations éthiques, code de bonne gouvernance, charte autoproclamée, labels sociaux, placements éthiques, agence de notation sociale autant de tentatives de moraliser sans l’Etat et les syndicats. Video SA (Nicole Nottat), SA 8000 ONG américaine, Social Accoun-tability International, AA1000 Cabinets britani-ques d’audit, (Institute of Social and Ethical Accountability) ne peuvent remplacer le système normatif de
l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et les organisations syndicales.Ce n’est pas l’AGCS et l’OMC qui sauveront la nécessaire réforme des normes internationales et le Consensus de Washington. La réforme du FMI et les relations avec l’OIT et l’ONU sont aussi une question éthique.
- Une plaie béante c’est évidemment le modèle social européen. Toutes les questions évoquées ci-dessus nécessitent un sursaut social européen mais aussi des normes sociales comptables et de contrôle prudentiel qui soient activéespar un gouvernement et un parlement européen dans le cadre du dialogue social.
N’oubliez pas de lire - De Keuleneer Eric, « Aspects éthiques de la surveillance des entreprises par le marché et les fusions et acquisitions », pages 49 à 144, in « L’entreprise surveillée », Bruylant, 2003.
- Fonteneau Gérard : « Responsabilité sociale des entreprises simple effet cosmétique ? in Démocratie n° 18 et 19, bimensuel, septembre 2003. - Stiglitz Joseph : « Quand le capitalisme perd la tête », Fayard, 2003. - et le livre à paraître de Philippe de Woot.