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Histoire des faits économiques et de l’entreprise. Thème 3 : LES CRISES . Arnaud Diemer, Université d’Auvergne, 1ère année Licence Economie. Introduction I. NATURE ET CARACTERISTIQUES DES CRISES A. La crise dans le cycle Juglar B. Les cycles longs « Kondratief »
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Histoire des faits économiques et de l’entreprise Thème 3 : LES CRISES Arnaud Diemer, Université d’Auvergne, 1ère année Licence Economie
Introduction I. NATURE ET CARACTERISTIQUES DES CRISES A. La crise dans le cycle Juglar B. Les cycles longs « Kondratief » C. Perspectives historiques des crises II. L’INTERPRETATION THEORIQUE DES CRISES A. L’école libérale et la crise de l’offre B. L’école keynésienne et la crise de la demande C. L’école de la régulation et la crise du modèle fordiste D. Schumpeter et la création - destruction III. LES CRISES CONTEMPORAINES A. La crise de 1929 B. La crise de 1975 C. La crise de 1992 D. La crise de 2007
INTRODUCTION C’est avec l’avènement du capitalisme comme système économique dominant dans l’Angleterre du 19ème siècle, qu’il convient d’associer la notion de crises. La dynamique du capitalisme, marquée par l’accumulation du capital et la croissance économique, n’est pas linéaire. Elle est sujette à des rythmes qui lui sont propres et qui s’expriment en particulier par des crises économiques dont il convient d’analyser le caractère, la spécificité, la nature… Au sens étymologique, le mot crise renvoie à un moment paroxystique dans l’évolution d’une maladie. Il est cependant possible de dissocier les « petites » crises (dites conjoncturelles) des « grandes » crises (dites structurelles), lesquelles remettent en cause le modèle économique, à l’image de la crise de 1929 ou de la crise de 2007. Dans le langage économique, la crise désigne le moment de retournement de la conjoncture économique, le temps de passage d’une période d’expansion ou d’essor assez soutenue à celui d’un phase de dépression ou de contraction plus ou moins longue.
Dans la suite de cet exposé, nous analyserons le phénomène des crises sous en trois temps. Dans un premier temps, nous commencerons par observer la nature et les caractéristiques des crises à l’aide des travaux de Juglar et Kondratiev. Nous pourrons ainsi comprendre l’émergence de ce concept. Dans un second temps , nous reviendrons sur les différentes interprétations théoriques des crises. En effet, il n’y pas d’observation sans théorie et de théorie sans observation. Ainsi les différents remèdes préconisés dépendent du schéma de pensée retenu.. Dans un troisième temps, nous examinerons la place prise par certaines crises dans l’histoire du capitalisme. Si la crise de 1929 est présentée comme la grande crise du XX siècle, il semblerait que l’économie mondiale soit soumise à une multiplication des crises depuis 1974.
L’observation des crises a permis de cerner leur origine, leur nature et leurs caractéristiques. Les monographies ont donné lieu à une interprétation en termes de cycles conjoncturels ou cycles longs; puis une analyse des crises financières. A. La crise dans le cycle Juglar Au XIXème siècle, l’économiste français Clément Juglar montra que l’activité économique est constituée d’une succession de phases : l’expansion, la crise, la dépression et la reprise. Clément Juglar est frappé par la régularité de ces phénomènes et il considère que la reproduction de ces phases se produit au cours des cycles d’une durée de huit ans en moyenne. De fait, 13 cycles Juglar se sont produits de 1825 à 1938.
Phase de dépression: 3 La baisse des prix, de la production et des revenus se poursuit Phase d’expansion : 1 Hausse de la production, des prix et des revenus Dvpt excessif des crédits PIB Phase de reprise : 4 Arrêt de la baisse des prix et des revenus Reprise de la production Phase de crise : 2 Retournement de conjoncture Baisse des prix Réduction des crédits Recul de la production Durée du cycle : 8 ans
Parallèlement, d’autres cycles plus courts furent observés, les cycles mineurs ou cycles Kitchind’une durée moyenne de 40 mois, ainsi que des cycles spécifiques à certaines activités: cycle de bâtiment, cycle agricole (cycle du porc).... Cependant à partir de 1945, le phénomène ne s’observe plus de la même manière dans les économies occidentales. Ainsi, aux périodes d’expansion, succèdent des périodes de récession caractérisées, non par la réduction de la production, mais par la réduction des taux de croissance. En outre, bien que des baisses de prix, notamment sur les produits de base, puissent se produire, il n’y a plus, au cours des phases de stagnation économique, de baisse du niveau général des prix. Au contraire, la persistance de l’inflation accompagne souvent la récession, on appelle ce phénomène la stagflation. Enfin, on n’observe plus de périodicité régulière des fluctuations.
B. Les cycles longs « Kondratiev » C’et en 1922 que l’économiste russe N.D Kondratiev met en évidence l’existence de mouvements longs et concordants des prix et de la production (cycle d’une durée moyenne de 50 ans environ). A ces variations de prix correspondaient des variations de même sens des profits et de l’activité économique. Schumpeter a désigné ces ondes longues du nom de « cycle kondratiev » ou plus simplement de Kondratiev. Les prix et la production connaîtraient une succession de périodes d’expansion longue et de périodes de dépression longue, périodes encore désignées par François Simiand de phase A et de phase B du Kondratiev. Les phases longues ascendantes (25 ans environ) sont liées à la mise en oeuvre d’une ou de plusieurs grandes innovations : exemple de la machine à vapeur (1780 - 1810/1817), du chemin de fer et de l’acier (1844/1851), (1870/1875), de l’électricité, du moteur thermique et de la chimie (1890/1896), (1914/1920). Les innovations majeures donnent naissance à des branches motrices, elles sont à l’origine de vagues d’innovations ou de grappes d’innovations qui sont copiées par les entrepreneurs en dehors même des branches d’origine. Elles sont en effet l’occasion de profits supplémentaires et elles déclenchent de nombreux investissements.
Les phases longues de déclin (25 ans environ) succèdent aux phases ascendantes lorsque les branches motrices liées aux innovations principales arrivent à maturité ou entrent en déclin et lorsqu’il n’y a plus de possibilités nouvelles d’exploitation de ces innovations. Il n’y a donc au cours de ces phases une raréfaction des occasions d’investissement et de profit tandis que la concurrence entre les entreprises se fait de plus en plus destructrice. Trois Kondratiev ont été ainsi repérés dans l’histoire du capitalisme jusqu’à la seconde guerre mondiale :
La dépression longue des années 1970 – 1980, survenant après une période de croissance accélérée d’environ un quart de siècle (les trente glorieuses) tend à accréditer l’idée selon laquelle cette succession assez remarquable constituerait les deux phases classiques d’un cycle long (4e cycle). Entre 1991 et 2000, l’économie américaine a connu l’expansion la plus longue depuis 1945, dépassant même celle de 1961 – 1969. Elle a été suivie d’une nouvelle récession et d’une phase dépressive au début du XXI siècle. Certains n’hésitent pas à parler du 5e cycle Kondratiev.
C. Perspective historique des crises Il n’a pas de capitalisme sans crises financières. Charles Kindleberger a retracé sur longue période (du XVII siècle jusqu’à 1987) les grands épisodes qui ont déstabilisé les marchés, ruiner les institutions et redistribuer les richesses, on peut ainsi citer : La crise des bulbes de tulipe (1634 – 1637) La crise de la South Sea Company et de la Compagnie des Indes (1720) Les crises engendrées par les guerres (huit entre 1713 et 1820) La crise des chemins de fer et de canaux au 19ème siècle
En dissociant les quatre grandes périodes suivantes (étalon or, l’entre deux guerres, Bretton Woods, l’après Bretton Woods) et les quatre types de crises (boursières, bancaires, cambiaires, jumelles), Bordo et al (2003), Dehove (2003), Boucher (2003), Boyer, Dehove et Plihon (2004)… ont mis en avant les résultats suivants : La fréquence des crises financières (bancaires ou cambiaires) s’est accrue depuis l’abandon du système de Bretton Woods (1971). Ainsi la probabilité de subir une crise de change ou une crise bancaire pendant la période 1973 – 1997 s’élevait à 10 ou 13%. On voit ainsi réapparaître les crises bancaires et les crises doubles (bancaire et cambiaire) Les pays émergents (crise asiatique 1997-1998) sont touchés par les crises de change et les crises jumelles (notamment ceux ouverts à la globalisation financière). Il s’agit d’une combinaison de spéculation intense contre la monnaie nationale (méfiance dans la stabilité du taux de change) et d’une vague de défaillances bancaires (méfiance à l’égard de la liquidité ou de la solvabilité des intermédiaires bancaires). On assiste ainsi à une contagion régionale et une extension de l’espace géographique des crises Les crises boursières présentes dans les années 30, réapparaissent de manière importante dans les années 2000 (valeurs technologiques en 2001, Subprime en 2007).
Fréquence des crises bancaires, crises de change, crises doubles : 1890-1997 14 12 10 8 6 4 2 0 Crises bancaires Crises de change Crises jumelles Toutes crises 1880-1913 1919-1930 1945-1971 1973-1997 1973-1997 21 pays 56 pays La fréquence des crises est égale au nombre de crises divisé par le nombre d’années multiplié par le nombre de pays pour chaque période. Source : Bordo et al (2001)
Fréquence des crises boursières aux Etats-Unis : 1900 - 2003
Lorsqu’une crise financière se déclenche, l’expérience montre que l’Etat s’abstient rarement d’intervenir, quelle que soit son orientation politique, son niveau de développement. Les crises bancaires sont ainsi coûteuses en terme de budget public (montant moyen des sommes engagées par les Etats entre 1970 – 2000 : 12.8% du PIB) Indonésie (1997) Chili (1981) Thaïlande (1997) Uruguay (1981) Corée (1997) Côte d’Ivoire (1988) Venezuela (1994) Japon (1992) Mexique (1994) Malaisie (1997) Slovaquie (1992) Philippines (1983) Brésil (1994) Équateur (1996) Bulgarie (1996) République tchèque (1989) Finlande (1991) Hongrie (1991) Sénégal (1988) Norvège (1987) Espagne (1977) Paraguay (1995) Sri Lanka (1989) Colombie (1982) Malaisie (1991) Suède (1991 50 40 30 20 10 0 En % du PIB Source : Honoban, Klingebiel, 2000
Les crises financières ont un impact fortement récessionniste. Le FMI (1998) a estimé à 11.5% l’impact des crises bancaires récentes sur le PIB des économies frappées et à 14% celui des crises jumelles. Source : Bordo et al (2001)
Les crises financières seraient dorénavant systémiques et non plus isolées. Leurs conséquences dépendent donc du degré d’intégration financière des économies à l’économie mondiale (globalisation financière initiée dans les années 80). Les crises les plus ruineuses se sont déroulées dans des pays ayant bénéficié d’un afflux massif de capitaux étrangers. • Les déséquilibres fondamentaux (déficit extérieur, déficit public, taux d’endettement…) apparaissent de moins en moins comme les causes directes des crises des pays nouvellement financiarisés. La contagion est l’un des traits marquants des crises financières. • Crise du SME 1992 – 1993 (Finlande, Italie Autres pays) • Crise mexicaine de 1994 • Crise asiatique de 1997 (Philippines, Thaïlande, Indonésie, Corée…) • Crise russe de 1998
A. L’école libérale et la crise de l’offre Aux yeux des économistes classiques qui dominent la pensée économique de la première moitié du XIX siècle, les crises apparaissent comme des accidents de nature conjoncturelle. A la fin du XIXe siècle, le courant dit marginaliste (Stanley Jevons, Carl Menger, Léon Walras) continuera à entretenir cette idée. Ainsi, dans le modèle néoclassique, l’équilibre est automatique et la crise est logiquement impossible. Les déséquilibres observés ne peuvent provenir que de facteurs exogènes venant entraver le libre jeu de marchés supposés autorégulateurs. D’où la condamnation par les économistes néoclassiques des dysfonctionnements de certains marchés ainsi que de la plupart des interventions publiques. Les crises sont des crises de l’offre dues à l’excès des coûts de production résultats de salaires trop élevés ainsi que de charges sociales et fiscales trop lourdes. Les déficits publics provoquent la hausse des taux d’intérêt. Les décisions changeantes en matière de politique monétaire accentuent l’instabilité de l’économie. Les réglementations portant atteinte aux lois de la concurrence (salaire minimum ou monopoles des services publics...) retardent les ajustements nécessaires.
B. Keynes et l’insuffisance de la demande Pour l’Ecole Keynésienne, les mécanismes de marché sont souvent imparfaits et la plupart des marchés sont en déséquilibre. La correction de ces déséquilibres par le libre jeu de l’offre et la demande est impossible : le chômage ne peut être résorbé grâce à l’instauration d’une liberté complète sur le marché du travail. La crise (notamment de 1929) est une crise d’insuffisance de la demande, causée par les nouvelles politiques salariales (indexation des salaires), le développement du chômage, la crise de l’investissement et la préférence des entreprises pour les placements financiers, ainsi que les politiques libérales de réduction des déficits publics.
Niveau de la Technique Niveau des salaires Importance de l’outillage et de la main d’œuvre inemployés Situation des marchés et de la concurrence Consommation + Epargne Propension à consommer Revenu Marché de la monnaie : offre et demande de monnaie Taux d’intérêt Propension à investir Efficacité marginale du capital Offre Globale Demande Globale Demande effective Intervention de l’Etat sous la forme d’une variation des dépenses publiques ou des recettes publiques (fiscalité) Volume de la production Volume de l’emploi Niveau général des Prix
C. Ecole de la régulation et crise du modèle fordiste Pour l’Ecole de la Régulation(Aglietta, Boyer, Mistral...), l’évolution historique du régime d’accumulation rythme l’évolution économique.
Trois régimes d’accumulation se sont ainsi succédés depuis le début du XIXème siècle : (i) le régime d’accumulation à dominante extensive fondé sur la coopération simple dans le travail, de faibles gains de productivité et l’importance de la production de biens d’équipement ; (ii) le régime d’accumulation intensive sans consommation de masse, fondé sur le taylorisme, de forts gains de productivité, la mise en place d’un secteur de biens de consommation mais la persistance de rapports sociaux anciens ; (iii) le régime d’accumulation intensive avec consommation de masse fondé sur des rapports salariaux de type nouveau, caractéristiques du Fordisme, où l’existence de salaires élevés au rendement permet d’assurer simultanément la progression de la production et de la consommation.
La crise actuelle serait une crise du Fordisme sous divers aspects : remise en cause de l’OST, remise en cause des normes de consommation du fait de la progression de la demande de services et de la diversification des besoins, remise en cause de la production de masse standardisée, remise en cause du bouclage macroéconomique fordiste fondé sur les hauts salaires permettant de soutenir la consommation et d’éviter la surproduction, remise en cause de l’ancienne division internationale du travail et du rôle régulateur de l’Etat-Nation confronté à la mondialisation, remise en cause de l’Etat-Providence en raison du poids des déficits publics et des prélèvements obligatoires
C. Schumpeter et la création - destruction Dans son ouvrage Business Cycles, Joseph Schumpeter (1939) a centré son analyse sur l’investissement et sur le processus de l’innovation. Il s’agit ici de l’innovation technique qu’il convient de distinguer de la découverte : l’innovation correspond à la mise en œuvre effective, opérationnelle, d’une découverte, qui peut survenir longtemps après elle. C’est l’innovation qui, par l’intervention de l’entrepreneur et de l’investissement, engage l’économie dans un processus évolutionniste. Les innovations surviennent pas grappes et se généralisent par un effet de diffusion à partir des entrepreneurs les plus dynamiques qui ont largement recours au crédit. La mise en œuvre et la diffusion de l’innovation génératrice de profit correspondent à la période de l’expansion. Le boom des investissements innovants va cependant progressivement s’estomper et les perspectives de profit se détériorer. La crise puis la dépression vont survenir. Le capitalisme serait ainsi associée à de puissantes vagues de destruction – création.
Dans la seconde moitié du XX siècle, la thèse de Schumpeter sera reprise par un grand nombre d’économistes : Pour K.G Zinn, l’essor de 1945 à 1975 s’explique par le rôle de l’Etat-Entrepreneur dans le domaine des transports, de l’énergie, et la libéralisation des échanges qui a permis la diffusion internationale de l’innovation. La crise correspond à l’arrivée aux limites des innovations en matière de produit mais aussi des méthodes d’organisation qui avaient provoqué l’essor. Pour C. Freeman, la crise provient d’une transition d’un ancien régime technologique fondé sur le pétrole à bon marché vers un nouveau régime technologique fondé sur les éléments micro électroniques à bas coût de revient.
Si la crise de 1929 constitue par son ampleur, la grande crise du XX siècle, il convient de rappeler qu’un grand nombre de crises se sont succédées. A. La crise de 1929 La crise de 1929 s’ouvre aux Etats-Unis par la gigantesque débâcle boursière de Wall Street, le jeudi noir (24 octobre). Près de 13 millions de titres sont vendus en une seule journée. Cette catastrophe financière est le reflet décalé d’un début de repli des taux de profit (déclin de l’indice de la production industrielle dès juin 1929) dans une conjoncture spéculative.
L’économiste John Kenneth Galbraith (1961) a présenté une interprétation de la crise de 1929 à partir d’un ensemble de faits marquants du capitalisme américain. Le retournement de la conjoncture économique de 1929 serait essentiellement dû à l’écart entre l’élévation de la productivité du travail industriel (+ 43%) et la quasi-stagnation des salaires et des prix. Ceci entraîna : un accroissement des profits (dépenses classes aisées) une spéculation boursière un niveau d’investissement élevé et une consommation populaire faible Dans un contexte où l’investissement productif est stimulé par la spéculation, le rythme de la production industrielle commence à dépasser la demande de biens de consommation et de biens d’équipement. Le recul du taux de profit et le coup d’arrêt donné aux dépenses d’investissement entraîne à leur tour une baisse de la demande et de la production, déclenchant ainsi une crise.
Galbraith ajoute que l’économie américaine était fondamentalement « malsaine », Une répartition très inégalitaire des revenus (5% de la population percevait le 1/3 du revenu total) Les effets pervers de la forme dominante des structures industrielles dans une conjoncture spéculative (les holdings, sociétés de capitaux, détournent de l’investissement, les profits des entreprises du groupe, pour rémunérer leurs actionnaires (distribution de dividendes). Le rôle des facteurs monétaires et financiers, Galbraith insiste sur ce qu’il appelle « l’orgie financière » : Chacun pense qu’il pourra toujours revendre des titres à un prix plus élevé sur le marché. La spéculation boursière est encouragée par les intermédiaires financiers (notamment par le crédit). Le caractère non pertinent des mesures de politique économique visant à stopper la déflation.
Avec le krach boursier, la dépression s’amorce brutalement aux Etats Unis et se répand progressivement aux autres pays capitalistes. * Charles Kindleberger a attribué la propagation internationale de la crise au fait que la période était marquée par l’absence de leadership, l’économie devenue dominante – les Etats Unis – ne l’exerce pas encore alors que l’Angleterre y prétend toujours. * Entre 1929 et 1932, la production industrielle mondiale reculera de plus de moitié, les prix de gros industriels de plus d’un tiers; le nombre des chômeurs atteindra 30 millions de personnes en 1933 au sein des pays industrialisés. Aux Etats Unis, le chômage touche près d’un quart de la population.
B. La crise de 1975 En 1975, la crise a été déclenchée par la hausse du prix du pétrole qui avait quadruplé en 1973. Ce choc a affecté doublement l’économie. La hausse du prix du pétrole a en effet entraîné une augmentation des coûts de production et des prix de vente, ainsi qu’une baisse du revenu disponible après règlement des dépenses d’énergie... Ce qui a provoqué une baisse de la demande et une hausse des salaires nominaux, donc de l’inflation. Cependant, on accorde aujourd’hui à penser que la crise du pétrole n’a été que le détonateur de la crise économique : en effet, la hausse des coûts (de l’énergie, de la main d’oeuvre) a coïncidé avec la saturation de la demande sur certains marchés (textile, chantiers navals...) pour provoquer une chute de la rentabilité des entreprises et un cercle vicieux dépressif. Ainsi la crise de 1975 a été caractérisée par la réduction des marges des entreprises et un partage salaires-profits favorables aux salariés ; l’inflation par les coûts et la récession économique ; la dégradation de la situation de l’emploi. Cette situation paradoxale, conjuguant à la fois la stagnation économique et l’inflation a alors été qualifiée de stagflation.
Baisse du revenu disponible après règlement des dépenses d’énergie Baisse de la demande Hausse du prix du pétrole Hausse des salaires nominaux et inflation Hausse des coûts de production et des prix de vente Baisse des revenus distribués Crise de l’investissement productif Crise du secteur des biens de production baisse de la rentabilité
C. La crise de 1992 – 1993 La crise qui a affecté en 1992-1993 l’économie européenne dans son ensemble et l’économie française en particulier, a présenté d’autres caractéristiques. Le choc initial a été provoqué par la politique monétaire. Après la chute du Mur de Berlin (1989), la réunification allemande a contraint le gouvernement allemand à emprunter des capitaux pour financer la reconstruction des Länder de l’Est, ce qui a provoqué la hausse des taux d’intérêt. Parallèlement, le refus de recourir exagérément au crédit et à la création monétaire par peur de l’inflation a renforcé le mouvement de hausse des taux d’intérêt : l’argent est fortement demandé, il reste rare, il coûte donc cher. Pour éviter une fuite des capitaux en Allemagne et une baisse du Franc par rapport au Mark sur le marché des changes, le gouvernement français a été contraint de relever ses taux d’intérêt nominaux. Dans ces conditions, les taux d’intérêt réels (taux d’intérêt nominaux - taux d’inflation), qui étaient de l’ordre de 1 à 2% dans les années 1960 et 1970, s’élevèrent à 6% environ, bloquant l’expansion économique au travers de plusieurs mécanismes.
Arbitrage des entreprises en faveur des placements financiers Baisse de l’investissement Hausse des taux d’intérêt réels Baisse de valeur des actifs réels, et crise de l’immobilier Crise du Bâtiment qui se transmet à d’autres secteurs Partage de la valeur ajoutée défavorable aux salaires pour restaurer la profitabilité menacée par la hausse des charges financières Perte de valeur du patrimoine Baisse de la consommation
Ainsi, la crise de 1993 est caractérisée par : une tendance à la déflation au japon et une inflation très faible en Europe (suite à la baisse des prix des matières premières et de l’immobilier, une modération des hausses de salaires, et une politique monétaire stricte) ; l’importance des phénomènes spéculatifs qui fragilisent les agents économiques et les économies nationales; l’aggravation du chômage (progression presque continue du chômage depuis 1974) et de la précarité (l’emploi devient précaire, développement des CDD, de l’intérimaire...).
D. La crise des « subprime » 2007-2008 Cette crise a pour origine des prêts accordés aux ménages américains présentant de trop faibles garanties pour accéder aux emprunts normaux dits prime. En 2006, ce type de crédits représentait près de 45% des nouveaux prêts hypothécaires. Dans ce système, tout le monde y trouvait son compte. Les ménages les moins solvables étaient séduits par une politique bancaire qui leur permettait d’accéder à la propriété (cette politique tablait sur des remboursements faibles durant les premières années, puis un alourdissement progressif de la charge de la dette). Les conseillers financiers et immobiliers empochaient des commissions importantes. Les établissements bancaires sortaient ces créances « douteuses » de leur actif pour les convertir en titres vendus sur les marchés financiers (c’est ce que l’on nomme la titrisation). Des investisseurs achetaient ces titres qui offraient des rémunérations élevées.
Toutefois, la machine commença à se gripper au 4ème trimestre 2006. Un nombre croissant de ménages ne pouvant faire face à leurs échéances, les taux de défaut sur les prêts dits subprime augmentèrent dans des proportions importantes. Certains ménages furent ainsi amenés à revendre leur bien immobilier sur le marché désormais en pleine déprime. Au 1er trimestre 2007, ce fût le tour des établissements spécialisés qui s’étaient trop engagés sur ces produits. Près d’une vingtaine d’établissements durent fermer leurs portes. La crise prit une nouvelle dimension au cours de l’été 2007, lorsque deux fonds spéculatifs (hedges funds) de la banque d’investissement Bear Stern furent incapables de faire face aux demandes de retrait de leurs déposants et que leurs créanciers refusèrent de reconduire leurs crédits. Bien qu’il n’y ait pas d’équivalent du marché des subprime en Europe, les banques européennes qui avaient pris de nombreuses positions sur des titres adossés à du subprime, furent également touchées. Deux banques allemandes, IKB et SachsenLB, ne durent leur salut qu’aux lignes de crédits dégagées par la banque publique allemande Kreditanstalt für Wiederaufbau (soit près de 9 milliards d’€) et un groupe de banques régionales – Landesbanken (soit plus de 17 milliards d’€).
Une dernière étape fût enfin franchie durant le mois d’août 2007. La crise des subprime se transforma en crise de liquidité (le taux au jour le jour passa de 4 à 4.7%). La disparition de toute transaction sur certains segments du marché de la titrisation aux Etats-Unis conduisit à une absence de prix de référence et à une illiquidité quasi totale des actifs figurant dans les portefeuilles des fonds. Le 10 août 2007, BNP-Paribas, leader français bancaire, annonça la suspension temporaire du calcul de la valeur liquidative de trois fonds composés d’Asset Backed Securities (ABS), des titres adossés à des portefeuilles de créances, notamment hypothécaires – Parvest Dynamics ABS, BNP Paribas ABS Euribor, BNP Paribas ABS Eonia. En septembre 2007, ce fût au tour de l’Angleterre d’entrer dans la tourmente. La Northern Rocks, 5ème banque anglaise de crédit hypothécaire (77% de ses actifs étaient des prêts immobiliers, la moitié concernait des particuliers), commença à éprouver des difficultés importantes pour se refinancer sur les marchés. Elle n’eut d’autre choix que de se tourner vers la Banque d’Angleterre (la BoE) qui lui accorda un financement d’urgence. Les banques centrales américaine, européenne, japonaise…furent ainsi amenées à prêter largement aux banques commerciales (respectivement 35 milliards de dollars ; 95 puis 61 milliards d’euros sous la forme d’un appel d’offres à trois jours ; 1 000 milliards de yens) afin de rapidement rétablir la confiance entre acteurs financiers et sauvegarder le financement de l’économie.
CONCLUSION Les crises, notamment celle de 1929 et 2007, ont révélé plusieurs contradictions internes au capitalisme : Une crise des débouchés (insuffisance de la demande adressée aux entreprises, émergence de nouveaux pays exportateurs). • Un endettement croissant des ménages (plus de 120% aux USA et près de 68% en France) face à une stagnation du pouvoir d’achat. • Des normes de rentabilité (Return on Equity = 15%) très élevées qui supposent elles mêmes des taux de croissance importants • Les innovations financières (produits dérivés, titrisation des créances bancaires) secrétées par le capitalisme financier, ont été présentées comme des outils de gestion du risque or ils sont également de puissants instruments de spéculation. • Un échec de l’hypothèse d’efficience des marchés financiers (contexte d’incertitude, J.M Keynes) et les conséquences de la globalisation financière mal maîtrisée (J. Stiglitz)
BIBLIOGRAPHIE Boyer R., Dehove M., Plihon D. (2004), Les crises financières, La Documentation Française. Dockès P., Rosier B. (2003), Les théories des crises économiques, Repères, La découverte. Plihon D. (2008), Une perspective historique des crises financières, Université d’été d’ATTAC, filière 5, août, 25 p.