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Malaise des classes populaires et Anomie politique L’inquiétante alchimie sociale du 21 Avril 2002 Louis Chauvel http://louis.chauvel.free.fr Maître de conférences des Universités Sciences-Po Paris.
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Malaise des classes populaires et Anomie politique • L’inquiétante alchimie sociale du 21 Avril 2002 • Louis Chauvel • http://louis.chauvel.free.fr • Maître de conférences des Universités • Sciences-Po Paris
2- Réalité contemporaine : objectivement, stagnation des revenus, incertitudes croissantes pour les classes populaires, risques accrus de marginalisation, mais, subjectivement, effacement continu de la conscience de classes • (voir : Chauvel L., 2001d, " Le retour des classes sociales ? ", Revue de l’OFCE, n°79, pp. 315-359 ; accès par site : http://louis.chauvel.free.fr ) • L’« Accident » et le contexte de long terme de la dynamique sociale : • 1- Ancienne théorie « Trente Glorieuses » : moyennisation effacement subjectif des classes, égalisation objective,...
Une contradiction nouvelle génératrice d’anxiété et d’instabilité, au centre du malaise des classes populaires
Trois éléments lourds, structurels des vingt dernières années : 1- La France, un pays objectivement égalitaire mais allergique aux inégalités : la légitimité problématique des élites 2- Les progrès de l’autonomie et les périls de l’individualisation : l’érosion de la « conscience de classes » et ses conséquences 3- Un capital social plus sélectif : un risque pour l’intégration sociale des classes populaires • 3 éléments complémentaires d’un malaise croissant
1- Un pays objectivement égal mais subjectivement égalitariste Faibles inégalités économiques Fortes inégalités économiques Fortes oppositions aux inégalités 90 Differences in income too large : Strongly agree (ISSP 1999) 80 RUS RussiaD9/D1=9 SVK Slovakia 70 H Hungary 60 F France CZ Czech Rep IL Israel 50 SLO Slovenia PL Poland 40 A Austria E Spain GB Great Britain 30 S Sweden CDN Canada N Norway Ch Switzerland 20 AUS Australia USA United States D-W Germany West NIRL North Ireland Faibles oppositions aux inégalités 10 Inequality measure: D9/D1 (Lisproject) 0 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 Source : degré d’inégalité, données www.lisproject.org ; complété par données ISSP 1999
1- La France, un pays relativement égal, mais allergique aux inégalités a- Aux Etats-Unis, l’inégalité est vue comme une rétribution méritée b- En France, les riches sont suspects (corruption, détournement des règles du jeu, abus, etc.) : une France rousseauiste ? c- Les populations des pays nordiques sont satisfaites de leurs faibles inégalités La contradiction entre idéal démocratique d’égalité et réalités inégalitaires du capitalisme est plus difficile à gérer en France
2- Déclin de la conscience de classe, individualisme et autonomie • Sentiment d’appartenir à une classe sociale 1966-2002 (en %) 69 67 65 63 61 59 57 55 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Source : Source : IFOP en 1966 et SOFRES de 1976 à 1994 (Michelat et Simon, 1996) présenté dans Dirn (1998). Complété par "Panel Electoral Français 2002 » Cevipof.
2- L’expansion des individualismes et de l’autonomie 100 75 1988 50 2002 25 0 ouv. qual artisans prof. lib industriels ouv. spec. ouv. agric employes agriculteurs perso. service commercants contremaitres prof. intermed cadres prof. intel Une convergence subjective des classes populaires et des classes moyennes • Sentiment d’appartenir à la “classe moyenne”, ou “supérieure”, ou “cadre” ou “bourgeoisie” ou encore aucune appartenance, NSP Source : Enquête Cevipof 1988 et "Panel Electoral Français 2002 » Cevipof.
2- L’expansion des individualismes et de l’autonomie a- La conscience de classe, qui était structurante, laisse place à une autonomisation des identités, et à leur fragmentation b- Plus généralement, les grandes instances de régulation et les institutions régulatrices s’érodent c- Les classes moyennes étaient préparées à ce changement bénéfique Pour les classes populaires, c’est plus compliqué Risques de l’individualisme sans les moyens de l’individualisme
3- Un capital social plus sélectif 3- Le capital social et les ressources collectives divergent • Classes populaires a- Désyndicalisation, implosion du PCF b- Fin des grandes unités de production, constitutives de la classe ouvrière c- Plus généralement, érosion des dispositifs de socialisation collective (éducation populaire, colonies de vacances, quartiers ouvriers, etc.) • Classes moyennes a- Développement associatif b- Accession au pouvoir dans les localités c- Développement des groupes de pression d- Engagements flexibles dans les réseaux de sociabilité
Synthèse : la complémentarité des facteurs Capital social + : Ressources sociales et collectives élaborées Hétéronomie : faible individualisation du choix, forte dépendance des comportements aux appartenances sociales, notamment de classe, de religion, etc. Autonomie : émergence de comportements individualisés, éventuellement fragmentaires, lié aux allégeances changeantes Capital social - : Ressources sociales et collectives limitées
Complémentarité des deux dimensions « autonomie » et « capital social » Une traduction durkheimienne des deux axes Intégration + Intégration + (capital social +) Intégration hiérarchique Intégration réticulaire Régulation hiérarchique - (Autonomie) Régulation hiérarchique + (Hétéronomie) Foule solitaire (anomie) Régulation totalitaire Intégration - Intégration - (capital social -)
Complémentarité des deux dimensions « autonomie » et « capital social » L’autonomisation : un impact différent selon les classes Classes moyennes 2002 Intégration + (capital social +) Associationnisme, participation politique locale, groupes de pression, etc. Classes moyennes 1960 Classes Populaires 1960 Régulation - (Autonomie) Régulation + (Hétéronomie) Désyndicalisation, éclatement des grandes unités de production, etc. Classes Populaires 2002 Intégration - (capital social -)
Complémentarité des deux dimensions « autonomie » et « capital social » a- Pour les classes moyennes, la plus grande autonomie permet une meilleure intégration sociale et une participation accrue à la société civile b- Sur les classes populaires pèse le risque d’être laissé sans encadrement => un phénomène social inattendu, porteur d’anomie (à la Durkheim)
Pour synthétiser • L a population française a un rapport particulier aux inégalités : • exigence de plus d’égalité et suspicion à l’égard des élites. • L’identification croissante des classes populaires aux « classes moyennes » implique un risque de déstabilisation des identités : • contradiction entre les aspirations et le vécu objectif (1200€/mois). • Pour les classes populaires, l’extension de l’autonomie sans les moyens intégrateurs est un processus socialement dangereux : • autoritarisme, anti-libéralisme culturel, xénophobie, repli, populisme comme réponses perverses à une vraie question Pour conclure
Pour conclure • Faute de réelle prise en compte par les élites politiques, la réponse des classes populaires pourrait poser problème (moindre participation, instabilité, tentations populistes, défiance vis-à-vis des partis de gouvernement, etc.) • Ouvriers + Employés = 60 % • Pour les partis de gouvernement, les conséquences sont plus complexes pour la gauche que pour la droite • Il faut passer devant le peuple des électeurs : plus compliqué en France et en Europe Continentale qu’aux Etats-Unis et au Royaume-Uni • L’« accident » du 21 avril pourrait connaître des répliques