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Analyse du système foncier gabonais par l a Société civile : Limites et enjeux . . Par: Richelieu ZUE OBAME Sociologue du Développement Coordonnateur du Programme de gouvernance forestière de Brainforest . Libreville le 11 juillet 2012. Plan de l’exposé. Introduction.
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Analyse du système foncier gabonais par la Société civile : Limites et enjeux. Par: Richelieu ZUE OBAME Sociologue du Développement Coordonnateur du Programme de gouvernance forestière de Brainforest Libreville le 11 juillet 2012
Plan de l’exposé Introduction. I- Le contexte institutionnel de la tenure foncière. 1.1 Le Cadre réglementaire II- Les limites du système. 2.1 L’archaïsme colonial du régime de la propriété; 2.2 La fonction actuelle du cadastre; 2.3 La procédure d’attribution de la propriété 2.4 Les effets pervers de la procédure d’attribution foncière
III- Les enjeux de la politique foncière. 3.1 Propriété foncière, citoyenneté et renforcement de l’Etat; 3.2 La politique foncière: son objet, ses outils 3.3 La politique foncière et les autres politiques sectorielles 3.4 La Politique foncière: une question de gouvernance 3.5 Le retour du foncier dans les politiques de coopération IV- Conclusion
Introduction Partout dans le monde, et à n’importe quel moment de l’histoire, la « terre » est un concept complexe qui englobe de multiples aspects. Même lorsque l’on réduit sa définition à la question du contrôle des terres agricoles et pastorales (plutôt qu’aux droits d’accès aux ressources naturelles comme l’eau, les minerais ou les forêts qui sont liés et « ancrés » dans une large mesure dans la question des droits fonciers), la problématique foncière reste une question aux multiples facettes : économique, juridique, politique, sociale et spirituelle.
La terre en effet, joue un rôle important en tant que: - moyen de production destiné à sa propre subsistance ou à la vente commerciale ; - zone où s’exerce l’autorité politique et qui peut être soumise à des impôts (le concept de « territoire ») ; • moyen par lequel les familles et les individus maintiennent leur influence et leur statut social; • source « d’attachement » aux valeurs ancestrales et traditionnelles. « lorsqu’on perd sa terre, on ne perd pas seulement ses moyens de subsistance, on perd aussi son identité »́.
La communication que nous donnons se propose d’examiner le phénomène foncier sous le double angle de: • la caractérisation des limites du système national actuel; • la mise en relief des enjeux d’une politique foncière.
I- Le contexte institutionnel de la tenure foncière 1.1 Le Cadre réglementaire Le domaine législatif foncier gabonais est régi par : • L’Ordonnance 4/PR du 2 Janvier 1962, modifiant et complétant l’article 46 du décret du 28 mars 1899 fixant le régime de la propriété foncière. • La Loi 14/63 du 8 mai 1963, fixant la composition du Domaine de l’Etat et les règles qui en déterminent les modes de gestion et d’aliénation. • La Loi 15/63 du 8 mai 1963, fixant le régime de la propriété foncière. • L’Ordonnance 37/67 du 2 août 1967, portant modification de la Loi 15/63 du 8 mai 1963, fixant le régime de la propriété foncière.
La Loi 14/68 du 9 novembre 1968, autorisant la cession amiable d’immeubles ou droits immobiliers appartenant à l’Etat. • L’Ordonnance 51/70 du 1er Octobre 1970 sur la plus-value des terrains non bâtis. • L’Ordonnance 53/70 du 3 Octobre 1970, relative à l’expropriation des terrains insuffisamment mis en valeur. • La Loi 15/74 du 21 Janvier 1975, portant modification des articles 11, 18 et 69 de la loi 15/63 du 8 mai 1963, fixant le régime de la propriété foncière. • L’0rdonnance 1/76 du 6 janvier 1976, fixant les modalités de retour au domaine des terrains nus immatriculés. • La Loi 12/78 du 7 décembre 1978, modifiant les articles 3 et 42 de la loi 15/63 du 8 mai 1963 fixant régime de la propriété foncière.
La Loi 8/84 du 12 juillet 1984, portant annulation des titres fonciers des propriétés forestières et agricoles.
L’examen de ce cadre réglementaire permet de comprendre les blocages actuels en matière de politique foncière de l’Etat. • Inspiré par le Torrens Act du 2 juillet 1858 (lors de la colonisation de l’Australie), le législateur gabonais a inauguré un dualisme Droit positif/Règles coutumières d’accès à la terre, en introduisant dans l’ordonnancement juridique national l’esprit de ce texte qui consacre le rôle de l’Etat comme propriétaire ou gestionnaire exclusif des terres; • La volonté de contrôler le foncier est manifeste et s’est traduite par l’adoption tardive de la Loi 14/63 du 8 mai 1963 fixant le régime de la propriété foncière, alors que la loi constitutionnelle N° 1/61 datait de Février 1961, soit deux années plus tard; • l’Ordonnance 4/PR du 2 Janvier 1962 modifiant et complétant l’article 46 du décret du 28 mars 1899 fixant le régime de la propriété foncière avait été signée comme pour dire qu’il n’y avait aucun changement dans la continuité.
Les terres appartiennent donc à l’Etat nonobstant l’antériorité des populations sur les espaces où elles se polarisent, et sur lesquels elles revendiquent des droits de propriété par le fait de la primo-implantation et la mise en valeur. ANDRZEJ RAPACZYNSKI : « ‘L’idée selon laquelle il suffirait d’instituer un régime juridique approprié pour établir un ensemble de droits de propriété capables de soutenir un système économique moderne est extrêmement peu plausible, car le système judiciaire ne peut faire respecter la plupart de ces droits que de manière marginale. Le cœur de l’institution de la propriété est fait de pratiques sociales et économiques non contestées et largement inconscientes, qui doivent être enracinées dans des développements non juridiques ». Thomas HOBBES :
« quand la plupart des gens obéissent à la loi, le gouvernement peut faire respecter celle-ci efficacement et a relativement peu de frais en s’en prenant aux rares individus qui la violent.Mais quand l’obéissance disparaît à une échelle assez large, aucune autorité n’est assez forte pour ramener tout le monde à l’ordre. Dans cette hypothèse, où la répression du Léviathan devient de moins en moins efficace, les individus se sentent incités à suivre leurs propres intérêts, sans souci de ce qui est imposé sur le papier ». C’est le retour à l’état de nature, symbole de la faillite du contrat social.
II- Les limites du système foncier 2.1 L’archaïsme colonial du régime de la propriété foncière au Gabon. • le régime foncier du Gabon reste largement influencé par un décret qui date de la coloniale(1899). • 1899-2012, soit 113 années plus tard, et 1960-2012 soit 52 années d’indépendance après, nous sommes incapables de remettre en cause ou de contextualiser les dispositions réglementaires sur le foncier, afin de permettre à cet important élément du processus de production et d’accumulation du capital de jouer son rôle catalyseur au sein de l’économie libérale à laquelle le Gabon a fait le choix d’adhérer .
2.2 La fonction actuelle du cadastre Au Gabon comme dans beaucoup de pays de la région, le cadastre reste un outil. La fonction de cet outil est de reconnaître l’usage des terrains et de les délimiter en vue de leur détachement du domaine public et de leur appropriation par une personne privée. Le cadastre s’inscrit alors à l’intérieur d’une procédure complexe qui suppose de sa part, une série d’interventions successives, plusieurs déplacements sur chaque parcelle et un important travail administratif. Le rôle du cadastre n’est par contre, ni de contribuer à l’établissement des bases d’un impôt foncier, ni d’entretenir la connaissance des titulaires successifs de droits sur un terrain. Il n’est d’ailleurs pas informé des mutations foncières qui peuvent survenir après qu’un terrain ait été immatriculé.
Les deux fonctions actuelles peuvent donc se définir d’une part, comme une mission de création et d’entretien de l’information topographique, et d’autre part comme une participation à la procédure de fabrication de la propriété.
2.3 La procédure d’attribution de la propriété D’après la loi, la procédure d’attribution des terrains s’engage au cas par cas, à la demande de la personne intéressée. Elle comporte les étapes ci-après: • La procédure est placée sous le contrôle direct de l’Etat, considéré comme propriétaire de tout le territoire à l’intérieur duquel les terrains privés immatriculés font figure d’exceptions. C’est le Conseil des Ministres lui-même qui doit d’ailleurs approuver, par décret, les attributions. La procédure étant centralisée à Libreville pour tout ce qui concerne les Domaines et la Conservation foncière. • Elle ne se déclenche et ne se poursuit qu’à l’initiative du requérant, qui doit engager une série de démarches auprès des différents services et payer les différentes taxes à chaque étape. D’après les textes, la procédure s’annule normalement d’elle-même si le requérant a été négligent ou n’a pas eu les moyens de réaliser la construction prévue dans les délais impartis, bien qu’en réalité un terrain attribué, même provisoirement, reste indéfiniment entre les mains de la famille qui l’a obtenu.
Elle fait reposer une importante charge de travail sur le service du cadastre, avec plusieurs déplacements sur le terrain, pour le reconnaître, pour le borner, pour y accomplir les formalités d’affichage de la demande d’attribution et recueillir les oppositions. Pour vérifier l’exactitude de la mise en valeur, afin de procéder enfin à un second levé topographique vérifiant le premier. • Chaque terrain fait l’objet d’un plan individuel de bornage au 1/500ème qui figurera dans le dossier individuel du requérant et sera reporté sur le plan de la section cadastrale dressé le plus souvent au 1/2000ème.
2.4 Les effets pervers de la procédure foncière Du point de vue de l’administration: - le système légal de régularisation foncière est incroyablement coûteux à gérer. Il suppose, pour chaque parcelle, une longue succession de procédures impliquant au moins quatre visites sur le terrain et l’intervention de sept administrations différentes (Cadastre, Domaines, Conseils des Ministres, Urbanisme, Commission d’attribution, Conservation foncière, Tribunal). Du point de vue de l’usager: il s’agit d’un véritable parcours du combattant qui suppose de multiples démarches, la perception des droits successifs (en s’en tenant aux seules taxes légales). De fait, la plupart des intéressés ne dépassent pas le stade de l’attribution provisoire, même si leur situation devient théoriquement illégale passé le délai accordé pour la « mise en valeur ». Et rares sont ceux qui transforment, pour finir, leur attribution définitive en titre foncier.
III- Les enjeux de la politique foncière 3.1Propriété foncière, citoyenneté, et renforcement de l’Etat. L’enjeu est de construire un corps politique à partir d’individus radicalement indépendants et autonomes du point de vu de la jouissance de leurs droits en matière de propriété, tout en relevant le défi de construire des institutions pérennes. Comme l’indiquent Schnapper et Bachelier (2000 : 29-30), l’Etat moderne a l’obligation de prendre en compte simultanément deux valeurs opposées: • La souveraineté́ de l’individu; • L’obligation de soumettre cette souveraineté,́ et donc la liberté́ qui en découle au projet social commun, de manière à assurer la cohésion du groupe majeur dans la durée.
3.2 La politique foncière son objet, ses outils L’objet: le principal objet des politiques foncières est de définir les modes légaux d’occupation et d’usage des sols, les droits reconnus, leur authentification et leur garantie. Il est également de designer les structures responsables de l’administration foncière et de définir leurs attributions, d’intervenir sur la répartition des terres, d’arbitrer entre les acteurs en cas de conflits pour l’appropriation et l’usage du sol et, si possible, de régler durablement les différends.
Les politiques foncières traduisent donc une volonté d’arbitrage entre différentes fonctions et affectations du sol, et entre les différents groupes d’intérêt. Elles visent à favoriser un usage socialement équitable du sol. Elles sont au service des politiques économiques et sociales globales, et plus largement, de la politique (au sens de politicsen anglais). Le foncier est un puissant outil d’intégration sociale, mais peut aussi entrer au service d’intérêts particuliers.
Les outils des politiques foncières. Les politiques foncières prennent appui sur les pouvoirs qu’exerce la puissance publique par le biais de l’administration foncière. Le terme administration foncière renvoie: • (i) aux processus de régulation visant à la mise en valeur, l’usage et la conservation des terres; • (ii) à la collecte des revenus de leur vente, de leur cession, de leur location et à la fiscalité́ sur le foncier bâti et non bâti; • (iii) à la résolution des conflits de propriété́ et d’usage du sol; • (iv) au recueil et à la diffusion de l’information relative à la tenure
3.3 La politique foncière et les autres politiques sectorielles Vues sous l’angle du droit et de la régulation foncière, les politiques foncières sont leur propre finalité́. Mais elles sont aussi des moyens pour d’autres politiques sectorielles et pour la politique économique et sociale globale d’un pays. Une réflexion sur une reforme des politiques foncières doit donc prendre en compte leur cohérence avec les orientations de la politique générale du pays (en terme économique et en terme social : degré́ d’ouverture au marché, degré́ de tolérance aux inégalités, etc.) et avec les autres politiques qui sont en relation avec elle : • celles auxquelles les politiques foncières doivent contribuer (urbanisme, développement agricole, aménagement, fiscalité́, etc.) ; • celles qui vont peser sur sa réussite ou dont l’effectivité́ est une condition (administration territoriale, justice, etc.).
3.4 La Politique foncière une question de gouvernance La définition d’une politique foncière requiert l’adhésion de différents acteurs. La définition des politiques foncières pose la question de la négociation des choix à chaque échelle territoriale. Leur mise en œuvre pose celle des échelles d’intervention, des modes de coordination et d’arbitrage entre les conceptions et les intérêts des différents acteurs. La gouvernance foncière, à partir de ce moment, pose la nécessité d’inventer des régulations assurant à long terme le développement harmonieux d’intérêts contradictoires et leur cohésion. C’est une pratique de l’action publique qui assure à la fois la participation d’intérêts divergents, une bonne gestion sociale des biens publics et une stabilité́ du contrat social global.
3.5 Le retour du foncier dans les politiques de coopération Nouvelle donne sociopolitique et émergence de la question foncière. Jusqu’à une époque récente, le foncier n’était pas un objet majeur de préoccupation dans les dispositifs de la coopération. Il s’est imposé dans l’agenda international à partir du milieu des années 1980, sous l’effet de plusieurs facteurs : • Les politiques de libéralisation économique qui mettent en cause la propriété́ de l’Etat, ses interventions autoritaires et qui favorisent le développement d’un marché foncier ; • Une aggravation des tensions foncières dans plusieurs parties du monde, du fait de la croissance démographique et de la raréfaction des terres ; • Les processus de démocratisation qui favorisent les revendications locales et mettent en avant la dimension foncière de la question sociale (Brésil, Afrique du Sud, etc.).
IV- Conclusion Margaret GRUTER : « Le droit… n’est pas seulement une série de règles orales, écrites ou formalisées que l’on suivrait aveuglement. Il représente plutôt la formalisation de règles comportementales admises par un haut pourcentage de la population, qui reflètent des tendances comportementales et dont le respect peut apporter des avantages. (Quand les gens ne voient pas ces avantages potentiels, ou quand ils n’y croient pas, le droit est souvent méprisé ou enfreint…) ».