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Prévention de l'illettrisme à l'école maternelle : réflexions sur les pratiques scolaires

Stage du 30 janvier au 10 février 2012 Bruno Fondeville IUFM de Tarbes. Prévention de l'illettrisme à l'école maternelle : réflexions sur les pratiques scolaires. Les objectifs de cette journée.

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Prévention de l'illettrisme à l'école maternelle : réflexions sur les pratiques scolaires

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Presentation Transcript


  1. Stage du 30 janvier au 10 février 2012 Bruno Fondeville IUFM de Tarbes Prévention de l'illettrisme à l'école maternelle : réflexions sur les pratiques scolaires

  2. Les objectifs de cette journée • Il s'agit de construire des références communes et d'affiner des questionnements professionnels sur la Prévention de l'illettrisme • Pour cela, et en s'appuyant sur le cadrage proposé par Cathy Lavit, la journée s'organisera de la manière suivante : • Un exposé pour fournir des repères sur les difficultés scolaires et les questions que ces difficultés posent aux pratiques scolaires dès la maternelle ; • L'étude d'un cas (vidéo) posant des questions sur les ressources et les obstacles qui se présentent à un enseignant pour gérer une situation orale collective lors du rituel du matin ; • Un retour sur l'exposé à partir de l'étude du cas et une première mutualisation des questionnements professionnels qui émergent à l'issue de la cette première journée ; • Présentation d'un outil de travail virtuel qui nous suivra au cours des trois semaines avec Aurélia Beauval.

  3. Trois temps de l'exposé • De l'illettrisme aux difficultés de certains élèves dans les tâches de compréhension : situer les enjeux en s'appuyant sur diverses évaluations bilans. • Rapport au langage et à la langue française : comprendre les formes de résistance de certains élèves aux usages scolaires de la langue. • Rapport à la langue, difficultés scolaires et pratiques scolaires : identifier des leviers pédagogiques sur lesquels il serait possible d'agir dès l'école maternelle.

  4. De l'illettrisme aux difficultés de certains élèves dans les tâches de compréhension Premier temps

  5. Des repères avec l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI) • 3 100 000 personnes en situation d’illettrisme, soit 9% de la population âgée de 18 à 65 ans vivant en France métropolitaine et ayant été scolarisée en France • « C’est une chose que de n’avoir jamais été scolarisé, d’être analphabète, comme le sont beaucoup d’hommes et surtout de femmes dans les pays où la scolarité n’est pas obligatoire. Mais c’est vivre une toute autre situation que de se trouver, alors que l’on a été scolarisé en France, dans l’incapacité de faire un chèque, de lire un panneau indicateur, de retirer seul de l’argent d’un distributeur automatique, de lire des consignes de sécurité, d’écrire une liste de courses, de lire le bulletin scolaire de son enfant… C’est vivre une situation très difficile, que l’on cherche le plus souvent à cacher de peur d’être stigmatisé, que de ne pas maîtriser la base de la base, la lecture, l’écriture, le calcul, les compétences de base indispensables pour être autonome dans les situations simples de la vie courante : c’est cela être confronté à l’illettrisme » • Marie-Thérèse GEFFROY Directrice de l’ANLCI • L’ANLCI a

  6. Des repères avec l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI) • 4,5% des jeunes de 18 à 25 ans sont confrontés à l’illettrisme (fin de la scolarité obligatoire encore très proche). Ils ont passé plus de 10 ans à l’école et ne maîtrisent pas au terme de la scolarité obligatoire la lecture, l’écriture, la compréhension d’un message simple de la vie courante : questions posées à l'école. • La majorité des personnes en situation d’illettrisme a plus de 45 ans. Le pourcentage de personnes qui sont confrontées à l’illettrisme croît au fur et à mesure que l’âge augmente : questions posées à la formation tout au long de la vie.

  7. La compréhension en fin de collège • Source : note d'information 10.22 Décembre • Trois grands domaines de compétences ont été retenus, gradués en fonction d’une complexité croissante des opérations mentales nécessaires pour les mettre en œuvre : • prélever l’information ; • organiser l’information prélevée ; • exploiter l’information de manière complexe.

  8. La compréhension en fin de collège • Prélever l'information : « ensemble des moyens dont l’élève dispose pour accéder aux informations contenues dans les documents (textes, images, graphiques, cartes, plans…). L’information à prélever peut l’être de façon immédiate (information explicite), ou nécessiter le repérage de plusieurs éléments à combiner ». • Organiser l'information prélevée : « consiste à trier, associer, choisir, reformuler, transposer d’un support à un autre, appliquer directement un principe, une règle, une méthode donnée à une nouvelle situation, effectuer des inférences simples à partir de vocabulaire inconnu, à partir d’indices textuels ou typographiques, ou d’accords éventuels ». • Exploiter l’information de manière complexe : « est défini par le raisonnement déductif et la construction d’inférences complexes nécessaires à la compréhension du sens implicite d’un texte ou des relations de cause et de conséquence, au choix d’une argumentation, ou à la mise en œuvre d’une démarche expérimentale ».

  9. La compréhension en fin de collège • Groupe 0 (4 %) :au vu des résultats de l’évaluation, les élèves du groupe 0 ne répondent que ponctuellement à des items dont les compétences sont relatives au prélèvement d’information. • Groupe 1 (13,9 %) :les compétences relatives au prélèvement d’information sont majoritairement représentées chez les élèves du groupe 1. Ils ne sont pas encore en mesure d’organiser ni d'exploiter une ou plusieurs informations. Les élèves qui constituent les groupes 0 et 1 sont des élèves en grande difficulté. Ils arrivent en fin de scolarité au collège avec des compétences très limitées qui seront un obstacle à la poursuite d’études mais aussi dans l’adaptation à la vie quotidienne

  10. La compréhension en fin de collège • Groupe 2 (29,5 %) :la majorité des compétences maîtrisées par les élèves du groupe 2 sont encore des compétences relatives au prélèvement d’information. Ils commencent néanmoins à savoir organiser les informations prélevées. En particulier, ils commencent à être capables d’organiser une ou plusieurs informations après avoir effectué un traitement. Les élèves du groupe 2 sont capables de justifier une réponse en identifiant les éléments d’un document nécessaire à sa compréhension et d’utiliser les codes de la discipline. S’ils savent prélever l’information et commencer à l’organiser, ils ne sont pas encore capables de l’exploiter pleinement. • C’est à partir du groupe 3 (28 %)que commence à s’installer la compétence « exploiter l’information de manière complexe ». Les élèves deviennent capables de mettre en relation différentes informations et de comprendre des relations de cause à effet. La mise en œuvre d’un procédé ou d’une expérience à partir d’instructions devient possible à partir de ce niveau. L’exploitation des informations de manière complexe est une compétence qui est, toutefois, encore fragile chez les élèves de ce groupe.

  11. La compréhension en fin de collège • Les élèves dugroupe 4 (17,5 %)sont capables de situer des événements dans le temps, ils commencent à comprendre le cadre spatial et temporel. La capacité à raisonner, mettre en œuvre une démarche commencent vraiment à s’installer à partir de ce groupe. L’exploitation de l’information de manière complexe est beaucoup plus aisée que dans le groupe précédent. Dès le groupe 4, les élèves se montrent très compétents lorsqu’il faut organiser l’information. • Ce qui caractérise les élèves du groupe 5 (7,1 %), c’est une maîtrise relativement équilibrée des différentes compétences évaluées. Les élèves sont capables de mettre en œuvre des démarches scientifiques, comprennent le sens implicite d’un texte et mènent des raisonnements complexes.

  12. Les élèves en difficulté face à l'écrit à la fin de l'école primaire • Les résultats issus des évaluations nationales (évaluations diagnostiques ; évaluations bilans) se recoupent sur deux points : • - il existe une hétérogénéité importante des élèves dans le domaine de la maîtrise de la langue ; • - si la plupart des élèves sont capables d'identifier des informations explicites, les compétences qui concernent la compréhensiondifférencient fortement les élèves en difficulté des autres.

  13. Les élèves en difficulté face à l'écrit à la fin de l'école primaire • source : note évaluation 04.10 MENESR(www.education.gouv.fr/stateval) • Il s'agit d'une évaluation-bilan qui vise à faire le point sur les compétences et connaissances des élèves au regard des programmes en fin de cycle III. • Le protocole est construit autour des compétences attendues en fin d'école primaire dans des situations de compréhension à l'écrit et à l'oral, et de production orale. • Les domaines de compétences concernés en compréhension écrite et orale vont de l'identification de mots à la compréhension fine (d'un texte, d'un document, etc.) : • prélever une information explicite ; • analyser un document et tirer les éléments essentiels qui aident à la compréhension de celui-ci ; • synthétiser un document, • en trouver le thème ou choisir un résumé ; etc.

  14. Les élèves en difficulté face à l'écrit à la fin de l'école primaire • 30% (environ) des élèves ont des performances qui permettent de considérer qu'ils maîtrisent les compétences attendues par les programmes (exploiter les informations d'un texte pour en dégager le sens et l'interpréter avec finesse). • 15% (environ) sont en difficulté (en grande difficulté pour 3% d'entre eux) : ils sont capables de prélever dans un texte des informations explicites, mais ne parviennent pas à réaliser des tâches plus complexes. • Pour un peu plus de 50% des élèves, on constate des compétences mal assurées, donc fragiles : ils sont notamment en difficulté face à des textes qui exigent une lecture suivie.

  15. L'évolution du nombre d'élèves en difficulté face à l'écrit • Source : L’évolution du nombre d’élèves en difficulté face à l’écrit depuis une dizaine d’années. Jeanne-Marie Daussin, Saskia Keskpaik, Thierry Rocher. France, portrait social - édition 2011 • Les auteurs croisent les résultats de différentes études et évaluations bilans pour appréhender cette évolution, à la fin du CM2 et à l'entrée en sixième. • On constate une augmentation de la proportion d'élèves en difficulté face à l'écrit depuis une dizaine d'années. • Ce phénomène concerne aujourd’hui près d’un élève sur cinq : en fin d’école, le pourcentage d’élèves faibles en compréhension de l’écrit a presque doublé de 1997 à 2007, passant de 11,0% à 21,4%.

  16. L'évolution du nombre d'élèves en difficulté face à l'écrit • Une analyse plus détaillée permet de mettre en évidence les éléments suivants : • L’orthographe est moins bien maîtrisée aujourd’hui qu’il y a vingt ans. La même dictée a été proposée aux élèves de CM2 en 1987 et en 2007, à partir d’un texte d’une dizaine de lignes. Le nombre moyen d’erreurs est passé de 10,7 en 1987 à 14,7 en 2007. Le pourcentage d’élèves qui faisaient plus de 15 erreurs était de 26%en 1987, il est aujourd’hui de 46 %. • Ce sont principalement les erreurs grammaticales qui ont augmenté : de 7 en moyenne en 1987 à 11 en 2007. • Par exemple, 87 % des élèves conjuguaient correctement « tombait » dans la phrase « Le soir tombait. » ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 63 %. • En revanche, sur des conjugaisons difficiles pour les élèves de CM2, comme l’accord avec l’auxiliaire « avoir », le pourcentage de réussite n’évolue pas : environ 30%des élèves, que ce soit en 1987 ou en 2007, écrivent correctement « vus » dans la phrase « Elle les a peut-être vus ! »

  17. L'évolution du nombre d'élèves en difficulté face à l'écrit • Les mécanismes de base, c’est-à-dire les automatismes impliqués dans l’identification des mots, restent stables tandis que les compétences langagières se dégradent. • En effet, parmi les mécanismes de base de la lecture, le degré de connaissances phonologiques (exercices de prononciation), morphologiques (reconnaître des mots de la même famille), les connaissances lexicales sur mots fréquents (reconnaître les mots qui existent parmi une liste de vrais mots et de non-mots), ainsi que la rapidité des élèves à identifier des mots écrits sont globalement constants entre 1997 et 2007 : les pourcentages d’élèves éprouvant des difficultés dans ces dimensions restent stables sur dix ans. • Une maîtrise de la langue française moins bonne : • un niveau de vocabulaire plus pauvre, • une moins grande maîtrise orthographique, • un plus faible niveau de compréhension d’énoncés écrits. • Or, ce sont ces dimensions liées au langage qui sont les plus corrélées avec le niveau des élèves en français.

  18. L'évolution du nombre d'élèves en difficulté face à l'écrit • L’augmentation du nombre d’élèves faibles en compréhension de l’écrit est donc à rapprocher de l’appauvrissement de ces compétences langagières, plutôt que de problèmes « fonctionnels » de lecture.

  19. Rapport au langage et à la langue française : comprendre les formes de résistance de certains élèves aux usages scolaires de la langue Second temps

  20. Comprendre le rapport de ces élèves fragiles au langage et à la langue française • source : travaux de l'équipe E.SCOL à partir d'une analyse des productions des élèves dans le cadre de l'ancienne évaluation nationale 6ième. • Pour rendre compte des difficultés de certains élèves, il faut travailler sur le rapport entre la compréhension fine des textes et la grande faiblesse des élèves concernés dans l'étude grammaticale de la langue. • Il ne s'agit pas de souligner que telle ou telle règle n'est pas maîtrisée. Le problème, c'est plutôt de constater que l'absence d'attention sur les marques linguistiques (tenir compte des différents accords par exemple et les prendre en considération dans la construction du sens des textes) est lourde de conséquences dans la construction du rapport à la langue qui est nécessaire pour comprendre finement les textes. • Pour le comprendre, cinq points méritent un développement particulier.

  21. Premier point : comprendre un texte est une activité bien plus complexe que celle qui consiste à prélever une information explicite dans un texte • Si la quasi totalité des élèves sont capables de trouver dans un texte des informations factuelles (« combien de jours couve une cigogne ? »), cette compétence n'est pas identifiable à la compréhension d'un texte (identification d'une intention). • Pour comprendre un texte, il s'agit de re-combiner des données hétérogènes à une fin d'interprétation : des indices linguistiques (les substituts, les liens entre les phrases, etc.), les contenus exprimés et des connaissances culturelles qui ne figurent pas dans le texte. • C'est sur les tâches de compréhension que les élèves en difficulté se différencient des autres. • L'analyse des productions écrites montre que ces élèves minorent souvent la prise en compte des indices linguistiques du texte au profit de ce qu'ils ont envie de lire et de croire.

  22. Premier point : comprendre un texte est une activité bien plus complexe que celle qui consiste à prélever une information explicite dans un texte • Exemple tiré des évaluations • Le narrateur d'un texte donné à lire aux élèves, Camara Laye, raconte qu'étant enfant, il s'est amusé, inconscient du danger, avec un serpent, ce dernier avalant peu à peu, comme par jeu (« il ne se dérobait pas, il prenait goût au jeu ») et sans agressivité, un roseau que l'enfant tenait à la main. • « Brusquement j'avais interrompu de jouer, l'attention, toute mon attention, captée par un serpent qui rampait autour de la case, qui vraiment paraissait se promener autour de la case; et je m'étais bientôt approché. J'avais ramassé un roseau qui traînait dans la cour — il en traînait toujours, qui se détachaient de la palissade de roseaux tressés qui enclôt notre concession — et, à présent, j'enfonçais ce roseau dans la gueule de la bête. Le serpent ne se dérobait pas: il prenait goût au jeu; il avalait lentement le roseau, il l'avalait comme une proie, avec la même volupté, me semblait-il, les yeux brillants de bonheur, et sa tête, petit à petit, se rapprochait de ma main ».

  23. Premier point : comprendre un texte est une activité bien plus complexe que celle qui consiste à prélever une information explicite dans un texte • Or, la plupart des élèves ont dit que le serpent attaquait l'enfant ou qu'il se débattait (deux des réponses que l'on pouvait cocher, les deux autres étant : « il a peur et il s'enfuit » ; « il accepte le jeu de l'enfant »). - La réponse « il se débat » témoigne sans doute d'une lecture approximative (« il ne se dérobait pas »). - La réponse « il attaque » semble correspondre à la projection d'une connaissance culturelle vraisemblable.

  24. Second point : cette minoration des indices linguistiques indique sans doute que leur pertinence n'est pas éprouvée (et construite) par les élèves et /ou apparaît trop complexe pour être maîtrisée. • Un premier exemple tiré des évaluations • un message est donné à lire aux élèves, il a été laissé sur sa porte par Dominique (prénom volontairement ambigu) : « Nous sommes partis à la piscine. Viens nous rejoindre. Si tu es trop fatigué, tu peux prendre la voiture : elle marche, je suis passée chez le garagiste ce matin ». • Il leur était demandé de dire si l'auteur et le destinataire sont un ou des hommes ou une ou des femmes et de relever les mots qui ont permis de donner la réponse.

  25. Second point : cette minoration des indices linguistiques indique sans doute que leur pertinence n'est pas éprouvée (et construite) par les élèves et /ou apparaît trop complexe pour être maîtrisée. • On constate dans les réponses que les élèves ne perçoivent pas ou peu l'intérêt de s'appuyer sur des indices linguistiques : • certains indiquent que c'est un homme qui écrit (Parce que la voiture reste une affaire d'homme ? Indice culturel ! ), • d'autres, dans leurs réponses, témoignent d'une utilisation très approximative, voire non réfléchie, des marques linguistiques : certains relèvent le pronom « elle » pour justifier que c'est une femme qui écrit le message (elle désigne la voiture) par exemple.

  26. Second point : cette minoration des indices linguistiques indique sans doute que leur pertinence n'est pas éprouvée (et construite) par les élèves et /ou apparaît trop complexe pour être maîtrisée. • Un second exemple tiré des évaluations • Pour la plupart des élèves qui connaissent des difficultés, les accords entre les différents éléments d'une phrase (sujet-verbe, article-nom, nom-adjectif) ne représentent pas une contrainte à respecter : les formes sont alors produites d'une façon qui semble aléatoire, sans que l'on retrouve dans les productions le moindre signe de régularité. • En témoigne cet extrait d'un texte écrit par un élève : • « Elle réfléchie et tout d'incou elle sore un prenom garou et il devin amis ils samuser tout au long de la journe en jouant à cachecache et il reste toujours ensanmble »

  27. Troisième point : pour ces élèves, la langue n'est donc pas vécue comme possédant une cohérence réglée, ni comme un ensemble de règles à respecter • Ceci implique un phénomène problématique : ces élèves ne perçoivent pas que la compréhension partagée de ce que l'on écrit, la construction de la signification souhaitée et la participation à un collectif exige de s'inscrire (ou d'essayer de s'inscrire) dans ce savoir collectif (grammatical, orthographique) : • Ainsi, « tout semble se passer comme si écrire un verbe ou un nom d'une manière ou d'une autre n'avait guère d'importance, comme si les phénomènes formels étaient mineurs au regard de la communication des contenus » indique E. Bautier.

  28. Quatrième point : le constat précédent montre la difficulté à observer la langue de manière réfléchie, et plus largement, à se centrer sur les détails de cette langue • La langue sous sa forme grammaticale n'est pas considérée comme un système de marques pertinentes (pour comprendre, écrire, etc.). • Ceci explique que ces élèves échouent souvent sur des tâches qui portent sur l'utilisation de la langue (par exemple, face à une tâche où il s'agit de trouver des mots de même famille, un élève, pour « légèrement », indique « se quon marche dousement ») : ils se trompent de tâche. • Et ceci explique le peu d'attention portée par ces élèves aux détails d'un texte, et donc leur difficulté pour comprendre un texte. Cette difficulté ne concerne pas que la maîtrise de la langue, elle renvoie plus largement à une posture d'élève où les apprentissages sont abordés dans de la globalité, alors même que sur un plan intellectuel, le détail est, à l'école, toujours décisif (c'est vrai en sciences, en mathématiques, etc.).

  29. Cinquième point : le rapport à la langue de ces élèves produit des effets de cumul des difficultés dans les apprentissages • Parce que ces élèves « se trompent » dans l'usage du langage qui est attendu d'eux, ils « se trompent » aussi dans la réalisation des tâches et ils se trouvent en difficulté pour comprendre ce qu'ils lisent. • Deux exemples : • La nuit, qui couve les oeufs ? Oui, c'est la nuit qui couve les oeufs. • Où se passe l'histoire ? L'été (méconnaissance du pronom « Où »).

  30. Le rapport à la langue des élèves fragiles • Peu familiarisés avec l'écrit et ses usages les plus élaborés et les plus productifs, ces élèves « résistent » aux activités leur demandant de constituer la langue et ses usages en objets de description et d'analyse • Par exemple, contrairement à ce que croient et font certains élèves, à l'école, • décrire les étapes logiques d'un récit, c'est faire autre chose que de parler de ce que l'on a aimé ou pas aimé dans le récit. • formuler une hypothèse, ce n'est pas la même chose que de formuler une affirmation. • interpréter le contenu d'un document ne se réduit pas à l'expression d'un accord ou d'un désaccord, mais au fait de rapporter cette expression aux indices du document qui l'étayent.

  31. Le rapport à la langue des élèves fragiles • Certains enfants font massivement de l’oral un usage d’acte. Parler c’est, pour eux, prioritairement agir ! Parler c’est prioritairement construire un échange où l'on interrompt l'autre, mais où l'on a du mal à organiser et maîtriser la construction d'un discours commun en coopérant à son élaboration. • Or d’autres enfants, au contraire, se voient offrir par leurs parents dès l’âge de la maternelle la lecture de messages écrits monogérés (récits par ex.) et dès l’accès à la lecture réinvestissent à l’oral, dans leurs conversations des conduites discursives monogérées, qui vont bien au delà du simple tour de parole (raconter quelque chose à quelqu’un ; expliquer quelque chose à quelqu’un dans un exposé, etc. ) et de la simple gestion d'actes de langage comme « demander », « poser une question », « dire merci »….

  32. Le rapport à la langue des élèves fragiles • De même, dès l’âge de la maternelle certains enfants sont sollicités par l’enseignant pour entrer dans une coopération afin d'établir des conduites discursives qui ont pour enjeu de décrire quelque chose, d’expliquer, de raconter, etc. Il est de nombreuses situations orales scolaires où il s’agit de mener une explication ou de développer un raisonnement… • Il faut alors être en possession d’une compétence à gérer des conduites langagières, d’un langage structuré,mais, de plus, il est indispensable d’obtenir de la part des autres membres de la classe le pouvoir d’exercer ces conduites discursives.

  33. Le rapport à la langue des élèves fragiles • L’école, mais aussi le cercle familial et les espaces publics ont une grande responsabilité dans le développement ou l’inhibition de ce pouvoir : c’est ici que peuvent se créer des inégalités • Chez des enfants de petite section de maternelle il y a ceux qui savent déjà raconter une histoire et les autres. Les classer a priori en petit et grand parleur risque de masquer des différences qualitatives sans doute plus bien importantes • Partons plutôt de la proposition du sociologue B. Lahire : les enfants se distinguent par un usage social de l’oral très différent et c’est sur cet usage social qu’il faut intervenir afin d’obtenir de tous les élèves un usage maîtrisé des conduites principales discursives, la capacité à expliquer par exemple dans une situation appropriée.

  34. Rapport à la langue, difficultés scolaires et pratiques scolaires : identifier des leviers pédagogiques sur lesquels il serait possible d'agir dès l'école maternelle Illustration de trois obstacles pédagogiques aux apprentissages scolaires des élèves les plus fragiles Une référence aux travaux du réseau RESEIDA pour prolonger et étayer la réflexion Troisième temps

  35. Quand un cadrage insuffisant des situations scolaires installe des malentendus chez les élèves les plus fragiles • Nommer et désigner des images : un exemple emprunté à E. Bautier (2006, p.174 et suivantes) • Les élèves sont ici censés nommer ce qu'ils voient lors du visionnement d'une série d'images. Mais les erreurs sont manifestes : certains élèves pensent qu'il s'agit de dire des mots d'animaux, ils « récitent » ceux dont ils se rappellent. • Maîtresse. - Oui, on voit des pies dans les arbres. Et puis ? Qu'est-ce qu'il y a d'autre dans les arbres, il n'y a pas que des pies. • Élève 1 – y a des fleurs. • Maîtresse - y a quelques fleurs par terre. Mais il y a beaucoup d'animaux, regardez bien. • Élève 2 – y a le chat côté là. • Élève 3 – y a le père Noël • Maîtresse. Montre-moi le chat, montre moi ce que tu appelles un chat, élève 2.

  36. Quand un cadrage insuffisant des situations scolaires installe des malentendus chez les élèves les plus fragiles • Élève 2 montre un animal • Maîtresse – Non, ce n'est pas un chat. Qu'est-ce que c'est ? • Élève – une fleur … hibou • Maîtresse – où il est le hibou ? • Une fillette montre les fleurs, une autre le hibou, dans un arbre, l'enseignante ne relève pas ces deux interventions. • Élève – il est là le hibou • Maîtresse – Non, c'est un singe ça. • Etc. (l'échange se poursuit sur le même registre de confusion)

  37. Quand un cadrage insuffisant des situations scolaires installe des malentendus chez les élèves les plus fragiles • En quoi cette situation « ordinaire » à la maternelle peut-elle devenir problématique sur la durée ? • La digression est un phénomène fréquent chez les jeunes enfants, un effet de la pensée syncrétique : un thème contamine souvent l'autre par association et amène les enfants à vouloir participer aux échanges … au détriment des spécificités de la situation proposée (ici nommer les animaux qui figurent sur l'image). • Cependant, certains enfants vont « s'installer » durablement dans cette posture de « participant » qui s'exprime à partir de la situation proposée … mais n'identifie pas les spécificités des conduites sollicitées par cette situation. • Ainsi, comme l'objet de l'apprentissage reste implicite, ils ne vont pas initier les conduites attendues = décrire l'image, montrer l'animal dont on connait le nom, maintenir son attention sur un animal, etc.

  38. Quand les élèves les plus fragiles sont peu initiés aux discours qui permettent d'apprendre • L'exemple emprunté à M. Grandaty d'une conduite discursive : Expliquer • L’exemple, en fin de grande section, de deux élèves qui doivent dire à la classe voisine « comment ils font pour emprunter des livres ». • Maîtresse. - Qui pourrait reformuler? Tu veux expliquer rapidement Julie comment ça fonctionne ? • Julie - alors on choisit un livre d'abord dans les panières / y a trois panières avec les trois formes/ y a le carré le rond et le triangle/ quand on a choisi celui-là livre on s'inscrit derrière / on écrit son prénom et on met la date/ quand on le ramène la maîtresse elle met l'autre date/ là où on le ramène on le ramène le jeudi et on le prend le jeudi et on le garde une semaine/ et voilà ! • Anaëlle - et après • Julie - et bé je raconte pas une histoire ! • Maîtresse. - qu'est-ce que tu fais ? • Julie - je leur explique ! Anaëlle elle croit que je leur raconte une histoire.

  39. Quand les élèves les plus fragiles sont peu initiés aux discours qui permettent d'apprendre • En quoi Julie gère-t-elle « bien » sa conduite ? • Non seulement Julie parvient à récapituler et relater le fonctionnement de l’emprunt de livres dans sa classe à une autre classe de G.S. qui voudrait faire de même, mais elle reprend Anaëlle qui souhaite l’aider. • Elle lui signifie qu’elle a terminé son discours, que le discours est clos sur lui-même, cohérent et achevé (« et voilà », comme le fait un élève à l’écrit lorsqu’il met à la fin de son récit le mot « fin »). • Elle lui dit aussi - de manière implicite bien sûr - que le connecteur « et après » relève plus d’une conduite narrative (il est très courant en maternelle que les élèves s’appuient sur « et après….et après… » pour raconter) et que le but, la fonction du dialogue qui les occupe, est d’expliciter un fonctionnement.

  40. Quand les élèves les plus fragiles sont peu initiés aux discours qui permettent d'apprendre • Certaines conduites portent sur des faits telles décrire, récapituler, expliquer en répondant à une question (comment la glace se dilate ? etc.) alors que d’autres portent sur des valeurs véhiculées telles convaincre, raconter. • Julie en mesure ici la différence : il n'y a pas de digression (elle pourrait par exemple porter un jugement sur le fonctionnement décrit ou inciter ses partenaires à tel ou tel choix). • Notons, à travers divers corpus enregistrés, qu’il est plus facile pour un élève de ZEP de développer un discours sur des faits, faits explorés et abordés dans le strict cadre d’un apprentissage disciplinaire que de raconter une histoire, ce qui implique une culture familiale • Expliquer est, de plus, utile à la réussite scolaire immédiate dans plusieurs disciplines.

  41. Quand les élèves les plus fragiles sont peu initiés aux discours qui permettent d'apprendre • Identifier et maîtriser les différents registres langagiers à partir desquels il est possible d'appréhender le monde est décisif à l'école : une description ne se confond pas avec une interprétation ; formuler une hypothèse ne peut pas se confondre avec une affirmation ; participer à un échange oral visant la production d'une connaissance ne peut pas se réduire à l'expression d'un accord ou d'un désaccord avec le dernier intervenant ; etc. • Cette identification et cette maîtrise relève d'un apprentissage scolaire qui commence dès l'école maternelle.

  42. Quand la manipulation ou la simplification détourne les élèves les plus fragiles des apprentissages à effectuer • Le recours à la manipulation d'objets matériels est fréquent à l'école maternelle (au cycle 2 aussi) lorsqu'il s'agit d'aider les élèves faibles. • De la même manière, la tendance à vouloir simplifier la tâche des élèves faibles peut parfois maintenir ces élèves à l'écart des exigences scolaires.

  43. Une étude récente sur la construction des inégalités scolaires coordonnée par Rochex et Crinon (2011) • Une étude pluridisciplinaire qui associe des sociologues, des psychologues et des didacticiens. • Un objectif : comprendre la manière dont les inégalités scolaires se construisent dans le quotidien des classes. • Une méthode : observations longues dans des classes, suivi d'élèves fragiles lors des passages de la GS au CP et du CM2 à la sixième. • Dans ce qui suit : examen de certaines analyses issues de cet ouvrage susceptibles • d'interroger les pratiques scolaires de l'école maternelle ; • d'affiner le questionnement professionnel.

  44. Premier phénomène – La difficulté scolaire du fait d'une gestion indifférenciée des élèves • Ce qui apparaît dans un premier temps différenciateur et générateur d’inégalité, c’est l’absence de traitement différencié entre les élèves • C'est le cas lorsque la pratique scolaire présuppose de tous les modes de faire et d’interprétation des situations scolaires, et les dispositions à l’étude, dont seuls disposent ceux qui sont déjà les plus familiarisés avec l’univers scolaire. • Les savoirs visés sont peu identifiables par certains élèves dans les dispositifs et les pratiques ordinaires que l’on peut observer dans nombre de classes. Ils restent invisibles aux élèves qui n’ont pas construit les ressources pour pouvoir les identifier dans les situations où ils les rencontrent alors en classe. • Faute notamment d’une explicitation suffisante, le malentendu prévaut entre les buts de l’enseignant et ce que les élèves en perçoivent (Bautier et Rochex, 1997), et l’écart se creuse entre des élèves qui sont dans l’activité intellectuelle requise et ceux qui la miment et ne voient que les aspects les plus extérieurs et mécaniques de la tâche scolaire (cf. vidéo Océane et Quentin)

  45. Second phénomène – La difficulté du fait d'une adaptation aux élèves fragiles • Les enseignants tentent d’adapter leurs interventions et leurs dispositifs aux difficultés rencontrées par certains élèves ou à leur représentation du niveau de leurs élèves. • Pourtant, beaucoup de ces pratiques d’aide différenciée n’atteignent pas les objectifs supposés, mais peuvent constituer de véritables empêchements d’accès aux savoirs, • en réduisant par exemple les exigences intellectuelles de la tâche, • ou encore en complexifiant l’activité, par des exigences paradoxalement plus grandes que celles que l’enseignant manifeste à l’égard des bons élèves, chez lesquels les compétences correspondantes sont supposées aller de soi sans interrogation particulière. • Se nouent également, dans l’ordinaire des classes, des formats d’interaction entre les enseignants et les différents types d’élèves qui constituent de véritables « contrats didactiques différenciels » et qui conduisent à ce que, sur le long terme de l’année scolaire, les différentes catégories d’élèves ne fréquentent pas les mêmes univers et les mêmes pratiques de savoir.

  46. Cinq questions à réfléchir • Quelle est la pertinence des tâches proposées au regard des enjeux cognitifs visés ? • Quelle est la « durée de vie » des problèmes et des questions pour la classe, mais aussi pour chaque élève ? • En quoi la manière dont on régule l'activité des élèves contribue-t-elle à maintenir ou appauvrir les exigences intellectuelles de l'apprentissage visé ? • Comment s'y prendre pour instituer les notions et les savoirs qui sont en jeu dans les tâches proposées ? • Comment l'enseignant gère-t-il, auprès des élèves, l'inscription de chaque tâche dans un ensemble plus large ?

  47. Fin du diaporama

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