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Chambéry, 19 juin 2005. Limites de l'EBM et orientations actuelles une nouvelle génération des recherches en psychothérapies. Dr Jean-Michel THURIN Psychiatre-psychanalyste (Paris) Rédacteur en chef de Pour la Recherche membre de l’expertise collective École de psychosomatique
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Chambéry, 19 juin 2005 Limites de l'EBM et orientations actuelles une nouvelle génération des recherches en psychothérapies Dr Jean-Michel THURIN Psychiatre-psychanalyste (Paris) Rédacteur en chef de Pour la Recherchemembre de l’expertise collectiveÉcole de psychosomatique jmthurin@internet-medical.comwww.techniques-psychotherapiques.org
Plan • Apparition, définitions et limites des ECRs et des ESTs • Émergence de recommandations pour une nouvelle génération de recherche • Leur mise en application dans 3 types de recherche : • Enquête naturaliste (Seligman) • ECRs de 2ème niveau (Guthrie, Blatt, Barber) • Études de cas isolés et leur réunion en bases de données (Kazdin, Howard et Lutz, Gabbard, notre étude)
Introduction • La publication des résultats de l’expertise collective Inserm, valorisant considérablement les TCC aux dépens des autres psychothérapies, notamment psychanalytiques, a suscité une large émotion et ouvert en France une polémique. • On ne connaît pas toujours à quel point certains de ses termes et de son contexte se retrouvent au niveau international depuis maintenant dix ans. • Une meilleure connaissance de ce contexte peut nous permettre de • Mieux appréhender la logique méthodologique générale des études évaluatives qui a conduit à ce tableau des preuves d’efficacité, • Nous appuyer sur les limites de cette méthodologie, largement décrites, pour contester la généralisation abusive qui peut en être faite • Utiliser les nouvelles approches qui en sont issues pour avancer sur des voies intéressantes et utiles pour le patient, le clinicien, et le champ professionnel
1 Quelques repères • 1917-1930. Premières études • 1952. Eysenck « la psychothérapie n’a pas plus d’effet que le temps qui passe » ………………………………………… • 1985. NIMH décide d'appliquer la même méthodologie pour évaluer la psychothérapie que celle utilisée dans la recherche pour les médicaments : l'Essai Contrôlé Randomisé (ECR) • 1990-95. Implantation de Médecine Basée sur la Preuve (EBM), dans pratiques médicales • 1995. La Task Force de la division 12 de l’APA, s’inscrit dans la logique de l’EBM. Elle établit un premier rapport dans lequel « un certain nombre d'interventions psychologiques sont identifiées comme "traitements validés (soutenus) empiriquement" (ESTs) ».
1 Essai contrôlé randomisé • Objectif : affirmer l’efficacité d’un traitement • Méthode • Une thérapie est prescrite à un groupe homogène de patients (20-40). Les résultats obtenus sont comparés à ceux d’un autre groupe semblable qui n’en reçoit pas (L.A ou “TAU“) ou reçoit un traitement alternatif. • Certaines conditions sont utilisées pour que l’effet puisse bien être attribué au traitement (validité interne) : • Durée limitée, trouble unique, diagnostic suivant “état de l’art“ (DSM), objectif focalisé, manuel de traitement*, patients randomisés, évaluations aveugles
1 Médecine par la preuve (EBM) • Bases du mouvement de l’EBM (Chambless) • Le soin du patient peut être amélioré par l’acquisition et l’usage d’une connaissance fondée sur la recherche mise à jour • Il est difficile pour les cliniciens de se tenir à jour avec de l’information nouvelle pertinente pour leur pratique • S’ils ne le font pas, leur connaissance et leur performance clinique vont se détériorer après leur formation • En conséquence les cliniciens ont besoin de résumés de la preuve fournis par des revues d’experts et d’instructions concernant la façon d’accéder à cette information durant leur pratique courante
1 Traitements validés empiriquement (ESTs) • Cat. I : • I) au moins 2 études avec comparaison de groupe (ECRs) démontrant une efficacité • A) supérieure (statistiquement) à un traitement placebo • B) Équivalente à un traitement déjà démontré efficace dans des études avec un nombre de patients adéquat OU II) un nombre important de protocoles à cas unique* (N=9 ou +) démontrant l’efficacité • Ayant utilisé un bon protocole expérimental • Ayant comparé l’intervention à une autre intervention *« comparable single-case design approaches » (Chambless, 2001)
1 Traitements validés empiriquement Mise à jour 1998 (Chambless et al.) • ESTs catégorie I ou II(adultes) • 25 en 1995* • 71 en 1998** • 108 en 2001* ? en 2004*** • *quasi uniquement des TCC** 3 thérapies, psychodynamiques :5%*** 15 à 17 études psychodynamiques • L’APA inclut dans son programme • diffusion liste ESTs • développement de formation aux ESTs
1 Repères … suite • 1996. L’Institut National de Santé Mentale aux USA (NIMH) lance un appel à ce qu’il y ait davantage de recherches portant spécifiquement sur l’efficacité réelle • 1995-2005. • Critique méthodologique des ESTs et recommandations alternatives. Sélection d’articles de • Seligman (1995), Silverman (1996) Golfried et al. , Kazdin et Kendall (1998), Beutler, Guthrie (2000), Gabbard et Gunderson, Holmes (2002), Westen et al., Ablon et Marci (2004), Blatt et Zuroff (2005), et beaucoup d’autres … • Holmes (2002) « Nous sommes en train d’entrer dans une ère “post thérapie cognitivo-comportementale“ » 2004Publication en France d’un rapport d’expertise utilisant la méthodologie de l’EBM
1 Critiques méthodologiques des ECRs • Peu de validité clinique (recrutement, DSM) • A partir de 347 patients sélectionnés de façon aléatoire dans une population clinique HMO, 67% d’entre eux ne réunissaient les critères d’aucun ECR pour quelque trouble (primaire ou secondaire que ce soit) Stirman et al. 2003 • Le fait qu’un patient « clinique » ayant un trouble isolé correspondant à un EST puisse répondre favorablement à ce traitement ne signifie pas que les personnes ayant des troubles complexes parmi lesquels se trouble figure y répondent. Westen et al. 2004
1 Critiques méthodologiques des ECRs « [la méthode des ECRs] conduit à la situation plutôt curieuse où la plupart des études de traitement psychologique ciblent des patients qui, dans la pratique clinique, seraient traités par des médicaments, et excluent les patients à qui, en pratique clinique, on proposerait un traitement psychologique. » Guthrie 2000 « Les essais contrôlés randomisés testent un traitement quelque peu artificiel dans une configuration artificiellement contrôlée avec des patients atypiques, si bien qu’ils ont peu de capacité de généralisation au monde réel de la délivrance de soin en santé mentale. » Ablon et Jones 2002
1 Critiques méthodologiques des ECRs • Manuels de traitement • Incompatibilité avec la complexité des cas et des situations (Beutler) • L‘art de la psychothérapie est de partir de principes simples de relation et d’influence interpersonnelle et de les appliquer de façon créative pour s’adapter aux permutations et aux complexités sans fin qui caractérisent les personnes qui s’adressent à nos services. Si un clinicien est uniquement un technicien, ce clinicien n’arrivera jamais à se débrouiller avec les problèmes complexes qui se présentent en pratique clinique. • Devant un cas complexe, faut-il prescrire les uns après les autres, des manuels destinés à des patients « purs » ? (Westen) • Quelle validation ?(Silverman) • Impact clinique réduit : un ensemble de décisions à priori (durée, mélange d’interventions, moment de leur utilisation) dont on ne sait rien de ce qui agit parmi elles (Haaga)
1 Critiques méthodologiques des ECRs • Mesure des résultats (objectifs focalisés) • Réduction : limitation aux symptômes ; absence de prise en compte du fonctionnement • Peu de valeur informative et d’impact clinique : • absence analyse processus, • faible spécificité des traitements (“marques“) • ++ la conception générale (un “traitement donné“ agit sur un “trouble donné“) pourrait bien être fausse : quelles sont les variables réellement agissantes dans les résultats ? (Blatt) • Groupes « homogènes » … voire (contexte)
2 Émergence de recommandations (1) • Travailler avec populations cliniques et se centrer sur problèmes cliniques • Élargir le champ des dimensions d’évaluation (fonctionnement relationnel, régulation émotionnelle, capacités de réponse à réalité, possibilité observ personnelle) • Mieux appréhender les processus (facteurs patient/thérapeute/interaction, étapes de la psychothérapie) • considérer éléments actifs, compétences et techniques spécifiques, ainsi que similitudes et différences entre différentes approches • Utiliser méthode du cas isolé pour psychothérapies longues et gagner en ajustement clinique • Élaborer guides à partir des processus et centrés sur dilemmes • Développer une collaboration cliniciens chercheurs • Développer les collaborations multisites(quand elles sont nécessaires)
2 Émergence de recommandations (2) • Faire évoluer les ECRs • Vers l’évaluation des variables patient, thérapeute, d’intervention de « haute-priorité » (celles qui ont l’effet le plus important) • Concernant des populations cliniques (pas nécessairement DSM) • Centrés sur stratégies thérapeutiques et des mécanismes de changement (Goldfried et al. 2004) • Faire respecter cette évolution par règles techniques
3 Étude naturaliste prospectiveSeligman • L’étude du Consumer reports • Ce que serait l’étude idéale • Alliant meilleures caractéristiques études d’efficacité potentielle (évaluations détaillées et instruments validés)et réalisme de la méthode d’enquête. • évaluations différenciées avant et après le traitement, préservant • déroulement du processus, • durée du traitement, • auto correction par le thérapeute de sa technique, • possibilité pour le patient de présenter des problèmes multiples et de choisir son traitement.
3 Essais contrôlés de deuxième typeGuthrie, Blatt, Barber … • En population clinique • Isoler un ou deux paramètres spécifiques dans un groupe « homogène » et comparer les résultats • Études de • Blatt (personnalité/alliance/dépression) • Barber (personnalité/style de réponse (ext-int)//technique) • Organiser les groupes homogènes sur un problème clinique plutôt que sur un trouble • Ex: tendance à se faire du mal, présentation de plaintes somatiques, symptômes névrotiques chroniques qui ne répondent pas au traitement psychiatrique • Analyser résultats sur variables de fonctionnement
3 Approche par cas isolés, réunisKazdin, Howard, Gabbard, Lutz, notre étude • Étudier la psychothérapie de cas cliniques « ordinaires », c’est à dire « complexes » (troubles de nature diverse s’inscrivant dans une histoire compliquée, associés dans la plupart des cas à troubles de la personnalité) • Suivant méthodologie structurée • Dans une perspective processus-résultats
3 Approche par cas isolés, réunis • Indications • Cas complexes pour lesquels les ECRs ne peuvent convenir • leur traitement ne relève pas d’une thérapie brève « standardisée », ilcomporte différentes étapes, impliquant chacune des objectifs et des processus particuliers où les interactions thérapeutiques sont particulièrement importantes • La réunion dans un même cadre thérapeutique et au même moment de groupes homogènes est impossible • L’évaluation des résultats suivant la disparition des principaux symptômes n’est pas pertinente car ils sont le plus souvent relatifs à des fonctionnements pathologiques dans des configurations particulières ou étendues
3 Approche par cas isolés, réunis • Plusieurs types de recherche possibles • Évaluation individuelle de résultat (cas comme son propre témoin) • Cumul et mise en relation d’expériences permettant : • Analyse et comparaison des démarches et des résultats pour des cas du même type • Élaboration de guides pratiques centrés sur les aspects compliqués (ex : comment commencer, terminer une psychothérapie avec un cas borderline, que faire en cas de passages à l’acte, etc., effets des associations thérapeutiques)
3 Howard et Lutz • Comparer l’évolution d’un cas suivi en traitement à celle dune série de cas du même type • Cas et psychothérapie caractérisés • Mesures multidimensionnelles régulières portant sur symptômes, fonctionnement, lien thérapeutique, bien-être, satisfaction) • Les mesures de départ ont une valeur prédictive et la ligne d’évolution permet une situation en fonction d’un grand nombre de données • Repérer et analyser les différences éventuelles • Compléter éventuellement par analyse des séances difficiles et contexte • Intervenir en conséquence
3 Lutz(2002) Cours observé, attendu, en échec, limite normale pour un patient avec un trouble dépressif majeur
3 Gabbard et al. • Étude multisites (instituts) de résultats • Mesures de résultat et de processus (PQS) • réunies au début, annuellement et à la fin du traitement, • émanant des thérapeutes et si possible des patients • Croisement des données de processus et de résultat • considère le caractère approprié ou non de la méthode de traitement pour des groupes de patients spécifiques
3 Thurin et al. • Étude multi-sites (cabinets, centres de soins) • Démarche processus résultats, proche précédente, mais • Mixte qualitative-quantitative • Organisée en groupe de pairs • Instruments validés et diagnostic standardisé • utilisés à partir d’un corpus de notes et/ou d’enregistrements • complètent et ne remplacent pas la démarche qualitative de formulation du cas • Base d’élaboration de guides et de recherches secondaires
Théorie Méthode Manuel Formation Expérience 3. Caractérisation psychothérapie PPQS APS Alliance thérapeutique • 3. Formulation du cas • symptômes et problèmes • évènements et stress précipitants • évènements de vie ou stress prédisposant • mécanismes explicatifs 4. Suivi Hoglend 2. Évaluation clinique 1. Ligne de base Conception heuristique Adhésion Par groupe de pairs Diagnostic psycho-pathologique • origines de la demande • antécédents • - données démographiques… • - traitement psychotrope en cours • présentation par le patient de ses difficultés et de sa demande • … Buts, objectifs , stratégie intermédiaires ESM DSM (5 axes) [Notes de séance formatées] Un cas (a) (b) (c) (e) (f) (g) (h) Post- Évaluation (7) Suivi (5) Appréciation (2) Élaboration (3) Actes (4) Accès à la thérapie (1) Bouclage (6) Fin du suivi Fin de thérapie Pré-thérapie 3 Un cas sur un protocole spécifique
Des possibilités de recherche et de statistiques multi-critères Thérapeutes Méthodes Patients Motifs Diagnostics Objectifs Processus Changements Représentation de la relation et du processus Représentation du thérapeute Représentation du Patient • origines de la demande • antécédents • - données démographiques… • - traitement psychotrope en cours • présentation par le patient de ses difficultés et de sa demande • … Théorie Méthode Manuel Formation Expérience • Formulation du cas • symptômes et problèmes • évènements et stress précipitants • évènements de vie ou stress prédisposant • mécanismes explicatifs Caractérisation de la psychothérapie PPQS APS Alliance thérapeutique Suivi Hoglend Évaluation clinique Conception heuristique Adhésion Par groupe de pairs Diagnostic psycho-pathologique Buts, objectifs intermédiaires, stratégie ESM DSM (5 axes) [Notes de séance formatées] Un cas Un cas Un cas Un cas Un cas Un cas Un cas Un cas Un cas (a) (b) (c) (e) (f) (h) (g) Post- Évaluation (7) Suivi (5) Appréciation (2) Élaboration (3) Actes (4) Accès à la thérapie (1) Bouclage (6) Fin du suivi Fin de thérapie Une base de cas Pré-thérapie 3 Une base de cas
En conclusion (1) • Au cours des 20 dernières années, les ECRs type 1 ont constitué une étape de la recherche en psychothérapie • Ils ont apporté un certain nombre de bénéfices • Crédibilité empirique des traitements psychologiques majorée • Développement de traitements spécifiques pour troubles très spécifiques • +++Formalisation des concepts, élaboration d’instruments, … • Et fait de gros dégâts • Inadéquation aux questions cliniques, stigmatisation des troubles complexes (pourtant très largement majoritaires) et de leurs psychothérapies • Combats professionnels et entre approches, écart cliniciens-chercheurs Miller SD, Hubble MA. Psychotherapy at the crossroads Préfface à l’édition allemande de The Heart and Soul of Change
En conclusion (2) • De nouvelles perspectives s’ouvrent dont les principales lignes sont les suivantes : • Recentrage sur les questions cliniques et les études en situation réelle • Abandon des approches par « marques », spécification des ingrédients et analyse des processus de changement • Différenciation des indicateurs de résultats ; implication des cliniciens et des patients dans la cotation • Prise en compte des contextes individuels, culturels et institutionnels • Revalorisation des études de cas bénéficiant des apports des ECRs sans leurs inconvénients • Utilisation des ECRs pour des études expérimentales focales • Utilisation des technologies modernes pour travail en réseau, mise en relation des données et comparaison des résultats • Ces démarches pragmatiques devraient intéresser les cliniciens
Références bibliographiques • Disponibles à l’adresse suivante : http://www.techniques-psychotherapiques.org/Documentation/ArticlesAccesLibre/articlesJMT/ArguBiblioChambery.rtf