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FORMER À L’ÉDUCATION AU DÉVELOPPEMENT DURABLE : enjeux, stratégies et ressources. 07 - 11 février 2011 INRP, Lyon. Le dispositif Débat. 9/2/11. A) Les ancrages historiques et contextuels. - dimension politique - dimension sociologique - dimension épistémique
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FORMER À L’ÉDUCATION AU DÉVELOPPEMENTDURABLE : enjeux, stratégies et ressources 07 - 11 février 2011 INRP, Lyon
Le dispositif Débat. 9/2/11 A) Les ancrages historiques et contextuels. • - dimension politique • - dimension sociologique • - dimension épistémique B) Les visées et objectifs du débat C) Les conditions de mise en œuvre / typologie Martine Janner-Raimondi
A) Les ancrages historiques et contextuels du dispositif débat • Dans les sociétés occidentales démocratiques, on observe que les pratiques de discussions plus ou moins formalisées et plus ou moins institutionnalisées recueillent plus de suffrages que les modèles expositifs institutionnalisés (conférences, cours magistral…). D’où vient cet engouement ? Quelle signification cela a-t-il ?
Dimension politique • Rosanvallon (2006) : « Historiquement, la démocratie s’est toujours manifestée à la fois comme une promesse et comme un problème… • Promesse d’un régime accordé aux besoins de la société avec le double impératif d’égalité et d’autonomie. • Problème : le projet démocratique n’a cessé d’être inaccompli. »
Rosanvallon (2006) présente de façon positive, les contre pouvoirs inhérents à la démocratie qui l’empêchent précisément de basculer dans la tyrannie. • La surveillance, • Les empêchements, • Les mises à l’épreuve du jugement.
Blondiaux (2008) identifie les nouvelles formes démocratiques : conseils, débats, forums, référendums consultatifs …comme autant de demandes / besoins de participation. La délibération apparaît comme un processus collectif de confrontation discursives sur la base d’échanges d’arguments dans un espace public avant une prise de décision.
Elle permet l’expression des idées des citoyens et la prise en compte du pluralisme mais nécessite la mise en débat de celles-ci pour parvenir à un consensus autour d’une décision valant pour tous.
La philosophie politique de Habermas (1997) pose la citoyenneté non plus fondée sur la nationalité mais sur l’adhésion consciente des citoyens aux principes démocratiques. • La norme tire sa légitimité des raisons publiques invoquées résultant d’un processus de délibération auquel tous les citoyens peuvent participer.
Les délibérations ainsi entendues visent la recherche du meilleur argument. • Cette exigence présuppose une attitude respectueuse qui distingue ce qui est dit, de la personne qui le dit. • Le droit à l’erreur est fondamental et la nécessité de rendre son jugement explicite aussi.
Habermas (1987). Les hommes sont capables de confronter leurs opinions de façon pacifique et sincère, pour rechercher l’argument le meilleur. Ensemble, ils peuvent chercher un horizon et des valeurs communes qui dépassent les opinions individuelles. La raison communicationnelle résulte de cette construction par la discussion intersubjective. Il s’agit de sortir de la raison stratégique et instrumentale pour retrouver des enjeux de vie commune.
Dimension sociologique • La dimension contemporaine de l’éducation invite à prendre en compte notre ancrage dans ce que les sociologues nomment la post-modernité. • Comparativement, la modernité se caractérisait par la croyance au progrès scientifique et technologique, dont l’épistémologie s’appuyait sur les valeurs de l’objectivité et de la rationalité instrumentale.
Adorno et Horkheimer (1944), marqués par les années noires du fascisme et de la barbarie totalitaire, adressent une critique violente contre l’optimisme de l’esprit des Lumières, la croyance aux progrès de la raison et de la science, l’aveuglement et l’aliénation qui résulte du fétichisme de la marchandise : « … avec l’extension de l’économie bourgeoise marchande, le sombre horizon du mythe est illuminé par le soleil de la raison calculatrice, dont la lumière glacée fait lever la semence de la barbarie.»
L’expansion du savoir scientifique et les performances technologiques sont en crise. La rationalité instrumentale étendue à tous les domaines – industriel, économique et administratif, est mise en accusation. • Parallèlement, la société redonne une place au sujet. Il devient responsable et autonome ; il émerge et revendique une place, une participation. • Lyotard (1974) parle d’un âge post-moderne. • Augé (1992) parle de surmodernité.
La post-modernité s’appréhende comme une critique du pouvoir de la rationalité, une critique de la prétention scientifique en tant que savoir arrêté. • Cette post-modernité conduit à reconsidérer la dimension éducative. Pourtois et Desmet ont tenté de définir les contour d’une pédagogie dans ce contexte post-moderne.
Pourtois et Desmet ont cherché à identifier les caractéristiques d’une pédagogie post-moderne (idées principales). • La prise en compte de la pluralité des approches et leur coordination est rendue nécessaire face à la complexité du réel. • Un processus de discussion critique entre les différents acteurs d’une situation est privilégié en vue de fonder des prises de position contextuellement adaptées.
- La démocratie prend un sens spécifique : négocier pour participer à la transformation des réalités sociales posant problème. • En éducation, il s’agit donc de développer des compétences critiques, éthiques et démocratiques. • Jonas (1992) « c’est l’avenir indéterminé, bien plus que l’espace contemporain de l’action qui forme l’horizon pertinent de la responsabilité. »
Dimension épistémique • Au XX° siècle, l’essor de la biologie et la physique modifie notre compréhension du monde. Alors que l’on concevait jusque là, la réalité matérielle comme continue et prédictible, la science physique contemporaine fait apparaître l’importance de la discontinuité et la difficulté à certains niveaux de réalité de viser une prédiction assurée des phénomènes.
Le rationalisme de la science sera soumis à une révision théorique. • Duhem (1906) puis Quine (1951) défendent le caractère global et holiste du savoir. Une expérience ne peut jamais vérifier une seule proposition mais au contraire un ensemble d’hypothèses. • Popper (1973) critique le raisonnement inductif sur lequel repose l’empirisme.
Kuhn (1962) montre combien la production scientifique s’inscrit en réalité dans l’histoire de la communauté scientifique qui le conditionne en partie. • Le contexte historique et culturel du travail scientifique permet de comprendre ses progrès en termes de discontinuités et de ruptures et non comme accumulations de savoirs.
B) Les visées et objectifs des débats • Le dispositif débat fut peu à peu préconisé dans les textes officiels, dans les années 90, notamment, en référence aux différentes structures de type « conseils ». • Dans le même temps, les débats à visée philosophiques ont été introduits en France. Plusieurs modalités de mise en œuvre ont été étudiées dans le cadre de travaux de thèses..
Nous tirons enseignement des études réalisées sur la spécificité et l’impact de ces différents dispositifs. • Tozzi (2007) distingue des versions fortes et faibles de dispositifs mettant en scène une discussion à partir d’un questionnement.
Version faible de la discussion : le M. dirige le débat, le faisceau des interactions passe principalement par lui, sollicite les interventions des é., intervient souvent et longtemps sans pour autant donner son propre avis. • Version forte : les interactions entre é. sont nombreuses et peu pilotées par le M. car elles découlent de la dynamique
(suite) des échanges entre pairs. Dans les versions fortes : Les acquis des études /débats philo. deux postures ont été identifiées et analysées : • 1) Intervention de l’animateur qui, au fur et à mesure de la dévolution de la situation par les participants, se retire. • 2) Les é. discutent sur une thématique choisie ou non, sous la conduite du M. attentif à la rigueur des échanges
2) (suite) – Il favorise ces interactions par des mises en réseaux, des relances. Des rôles peuvent être attribués aux élèves : donner la parole, reformuler, synthétiser, observer les é. • Ces deux postures relèvent de visées et d’objectifs différents :
Les visées du dispositif débat • Visée politique : • Inscrire la discussion dans le cadre d’une éducation à la citoyenneté, d’une éducation à la démocratie, Freinet (1964). • Visée de construction identitaire de la personne : - Prendre conscience que chacun est capable de penser en son nom propre Levine (2004).
Visée épistémologique socio-constructiviste : • En lien avec le concept de communauté de recherche de Dewey (1916) et les conceptions socio- constructivistes de l’apprentissage Vigotsky (1923) et l’équipe genevoise Doise, Deschamps, Mugny et Perret-Clermont (1991), ce dispositif favorise l’implication, la motivation intrinsèque et les apprentissages des é.
Lipman (2003) vise une pensée critique et créative pour atteindre une carry thinking, une pensée attentionnée et responsable.
Les objectifs possibles d’un débat • Faire s’exprimer les élèves – conceptions initiales ; • Permettre aux élèves de formuler leur pensée sur un thème ; • Favoriser la création d’une communauté de recherche au niveau d’une classe d’é. • Favoriser la co-construction d’un savoir ; • Parvenir à une décision commune en vue d’une action à entreprendre (projet, action ponctuelle…)
Différentiel entre les objectifs, les discours sur les pratiques et les réalités • Il ne suffit pas d’afficher un discours et des intentions pour parvenir réellement à mener une activité conséquente. • Pour que les débats parviennent à œuvrer dans le sens des objectifs et des visées, il est des conditions et des facteurs aidants qu’il convient de préciser.
C) Conditions d’un débat en vue d’une communauté coopérative de recherche • Les conditions relèvent non seulement d’une conception épistémologique mais tout autant d’un engagement éthique. • Vigotsky (1934) : les interactions asymétriques permettent de construire des apprentissages par zones proximales de développement.A sa suite, Doise, Mugny et Perret-Clermont (1991) ont montré l’importance du conflit socio-cognitif si l’écart entre les centrations n’est pas trop grand..
Popper (1981) nous invite à considérer la notion de tolérance pour appréhender quels sont les postures et rôles de chacun pour que le débat permette à chacun comme à tous d’avancer. • Habermas (1986) nous apprend à considérer l’éthique de la discussion au sein de l’agir communicationnel.
Le débat : une activité éthique et rationnelle selon Popper Conférence de Karl POPPER (1981) Tolérance et responsabilité intellectuelle. Ethique : Les principes à la base de toute discussion rationnelle – entendons au service de la recherche de la vérité- sont des principes éthiques. • 1° Le principe de la faillibilité : peut-être ai-je tort et peut-être as-tu raison, mais nous pouvons aussi bien avoir tort tous les deux. • 2° Le principe de discussion rationnelle : nous voulons essayer d’examiner de la façon la plus impersonnelle possible, nos arguments pour et contre une théorie déterminée critiquable. • 3° Le principe de l’approximation de la vérité . Par une discussion objective, nous nous approchons presque toujours de la vérité ; et nous parvenons à une meilleure connaissance, même si nous n’aboutissons pas à un accord. • <En quoi ces principes relèvent-ils de l’éthique et du registre de la théorie de la connaissance?
A la base de toute discussion rationnelle : des principes éthiques Ces principes induisent des attitudes de tolérance et d’indulgence : • Si je peux apprendre de toi et si je veux apprendre dans l’intérêt de la recherche de la vérité, alors je ne dois pas me contenter de tolérer mais encore de te reconnaître comme potentiellement égal en droits : l’unité potentielle et l’égalité en droits de tous les hommes sont une condition de notre disposition à discuter rationnellement. • Essentiel est également le principe selon lequel nous pouvons beaucoup apprendre d’une discussion : même si elle n’aboutit pas à un accord. Car la discussion peut nous aider à comprendre quelques unes de nos erreurs. La recherche de la vérité et l’idée de l’approximation de celle-ci sont aussi des principes éthiques dans la mesure où ils nous conduisent à la critique de soi et à la tolérance.
Vers une nouvelle éthique professionnelle, selon Popper. L’ancien idéal était de posséder la vérité et de la consolider. Il s’agissait donc d’être une autorité en la matière de façon à être reconnu et « protégé ». Cet idéal nous empêche de faillir, C’est pourquoi, la faute devient tout particulièrement inavouable. Cette ancienne éthique professionnelle est intolérante et malhonnête intellectuellement. Popper propose de fonder une nouvelle éthique professionnelle sur 12 thèses : • Notre savoir de supposition va toujours plus loin qu’e ce qu’un seul homme peut maîtriser. Dès lors, il n’y a aucune autorité qui tienne. • Il est impossible d’éviter toutes les fautes ou du moins de celles qui sont en elles-mêmes évitables. • Nous devons toujours nous efforcer d’éviter autant que possible les erreurs. 4) Même dans celles de nos théories qui ont été le mieux corroborées, des fautes peuvent se cacher.
Vers une nouvelle éthique professionnelle Popper (suite) 5) Nous devons changer notre attitude à l’égard de nos fautes. Là commence notre réforme éthique et pratique (il ne s’agit plus de cacher ou d’oublier au plus vite ). 6) Nous devons tirer enseignement précisément de nos erreurs. 7) De ceci, il appert que nous devons persister à déceler nos fautes. (les garder en mémoire et les analyser en tout sens pour découvrir leur origine).
8) La critique de soi et la droiture deviennent par conséquent un devoir. 9) Comme nous devons tirer partie de nos fautes, nous apprenons également à les accepter avec reconnaissance, quand d’autres attirent notre attention sur elles. 10) Nous devons commencer à comprendre que nous avons besoin d’autres hommes pour la découverte et la correction de nos fautes et eux de nous. D’autres hommes en particulier qui ont grandi avec d’autres idées, dans d’autres milieux.
11) Nous devons apprendre que la critique de soi est la meilleure critique mais que la critique par d’autres que soi est une nécessité. 12) La critique rationnelle doit toujours être spécifique : elle doit indiquer les raisons spécifiques et déterminées qui font que les dires spécifiques paraissent faux. Elle doit être guidée par l’idée d’approximation de la vérité objective. Elle doit être en ce sens impersonnelle.
/ Habermas • La co-construction se réalise grâce à la prise en compte de la diversité des points de vue en veillant à la mise en œuvre de l’intersubjectivité : • - solliciter la production d’arguments / idées émises ; • - veiller à la mise en réseaux des idées et des arguments de façon à problématiser les discours et ne pas en rester à une juxtaposition de points de vue.
- tester la portée et la validité des arguments fournis grâce à leur mise en discussion en prenant soin de ne pas blesser les personnes. • - chercher sincèrement ensemble le meilleur argument. • - faire apparaître le gain qualitatif entre le début du débat et la fin, du point de vue du raisonnement développé en commun et du point de vue du « raisonnable ».
- faire apparaître les besoins par rapport aux savoirs pour s’assurer que là où en est la délibération, nous atteignons le meilleur argument. • - promouvoir la notion de meilleur argument, non en termes de valorisation d’un point de vue particulier (par la persuasion) mais en termes de valorisation de l’intérêt général (qui n’est pas la somme des parties).
- appréhender la décision légitime non comme addition des volontés mais comme processus de formation des volontés. • - le débat suppose une organisation
Organisations du débat • Un lieu (espace circulaire) et un temps pour une pratique de débat : spécifique, identifiable, affichée à l’emploi du temps, anticipable donc une fréquence régulière.. • Objectiver l’historicité du débat : son objet, ses évolutions, son organisation, les arguments relevés, les décisions communes, les constructions de savoirs communs (les référents communs).
- Analyser le problème derrière les questions soulevées plutôt que de chercher des solutions d’emblée. • - Distinguer les faits des ressentis, les acquis du probable. • - Une capitalisation des expériences de débat, des problématisations, des délibérations, des décisions et du devenir de celles-ci.
Recherche d’indicateurs • - Nombre de prises de parole • - Nombre de participants • - Présence d’arguments • - Circulation des arguments et reformulations éventuelles • - Discussion des arguments fournis • - Reprise des idées et des arguments d’un tiers • - Evolution, complexification des arguments et des points de vue. • - Prise en compte de l’accord et de l’engagement de tous les membres.
Identifier des rôles, construire des règles de fonctionnement et d’évaluation • Construire des fiches d’auto évaluation avec les élèves : • - je me suis exprimé • - j’ai écouté les autres • - j’ai échangé sur mes idées avec les autres • - j’ai appris à • - j’ai appris que
Bilan en fin de débat : • Est-ce que nous nous sommes exprimés ? • Est-ce que nous nous sommes écoutés ? • Est-ce que nous avons cherché à comprendre quel était le problème ? • Qu’avons-nous appris ? Compris ?
Supports écrits : le cahier des débats • Cahier Personnel non corrigé par le M. ; il sert de support mémoire / réflexions, / informations, / explications et aux compréhensions du problème posé. • Ce cahier rend possible l’écriture progressivo-régressive, propice à la réflexion elle-même. L’é. est invité à relire ce qu’il a noté avant et après le débat, moins pour être noté que pour repérer l’évolution ou non des points de vue.
Conclusion Apprendre à débattre de manière raisonnée et raisonnable suppose : • - l’exercice du raisonnement communicationnel • - le respect de principes éthiques • - la recherche d’informations précises • - la formation de concepts, • - l’exercice critique au sein du groupe considéré • en vue de trouver le meilleur argument valable pour chacun et pour tous.
Quelques acquis d’un travail de thèse en cours : Jacky Giral UMR ADEF Aix Le débat est dit apprenant quand : - Présence d’un régulateur faisant respecter les règles du débat et d’aider les intervenants à formuler leur proposition. - Une question problème clairement posée. • La rotation des figures d’experts quel que soit leur monde de référence. • Des actes de parole constatifs et expressifs.
Des actes d’intercompréhension considérés comme le cœur du débat. • La nature communicationnelle et non stratégique (ne pas chercher à avoir raison sur autrui) du débat. • Une orientation vers l’action afin de résoudre un problème concret.