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L’art érotique ou suggestif sur nos édifices religieux de France. Par Dédé-Francis. Défilement manuel. Dans les pages suivantes, vous allez découvrir certaines images pour le moins inattendues dans ces édifices voués au culte.
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L’art érotique ou suggestif sur nos édifices religieux de France Par Dédé-Francis Défilement manuel
Dans les pages suivantes, vous allez découvrir certaines images pour le moins inattendues dans ces édifices voués au culte. Ces représentations ne manquent pas d'abord de poser la question de la part de liberté des sculpteurs face aux prescriptions des commanditaires à moins qu‘il soit nécessaire d' envisager que les pouvoirs ecclésiastiques eux-mêmes aient souhaité l'insertion de certaines figurations apparemment scabreuses dans les programmes iconographiques religieux traditionnels. Peut-être n‘est-il pas inutile de rappeler aussi qu'à l'époque le sacré et le profane coexistaient pour une part dans l' église qui était le lieu de rencontre du village.
Eglise Saint-Romain, Guitinières, Charente-Maritime. Eglise de Sainte Colombe, Charente.
Alors quel peut être le sens de ces images à caractère licencieux ? Remarquons d’abord que ces nombreuses sculptures obscènes rencontrées dans de nombreuses églises du Moyen-âge n'ont jamais été expliquées de façon entièrement satisfaisante. Il n’y a pas d’accord entre les spécialistes à leur sujet ; d'ailleurs il semble qu'une attention très relative ait été accordée le plus souvent à cette délicate question. Les hypothèses interprétatives de ces représentations à caractère licencieux sont de différents ordres.
Eglise Saint-Quentin, XII-XIIIe siècles, Chermignac, Charente-Maritime. Etreinte d'un couple. Modillon aujourd'hui situé à l'intérieur de la partie basse romane de la chapelle attenante ( XVIe siècle )à la nef.
Des figurations perçues comme moyen de diabolisation de la chair. La condamnation vigoureuse de la recherche des plaisirs charnels a de tout temps était au centre de la morale chrétienne parce qu'ils empêchent le plein accomplissement spirituel de l'être. À la fornication comme recherche du plaisir, l'Église oppose le mariage et sa fin : la procréation. On trouve sur les corniches, façades, tympans, chapiteaux des images qui vilipendent avec force la luxure et visent à susciter le mépris de la chair. Ce sont le plus fréquemment les dénonciations de la luxure sous la forme des femmes dont les seins sont tétés par des serpents, des crapauds ou des bêtes fantastiques. La luxure étant un péché inséparable de la femme dans la pensée chrétienne du temps !!!
Eglise Saint-Martin, Archingeay, XIIe-XIIIe siècles, Charente-Maritime.
Eglise de Chaix, Vendée. Lorsque les femmes-vulves offrent leur intimité au regard ce serait dans une perspective atropopaïque moins à titre de séduction que de répulsion. A l'époque romane, l'église, havre de paix et de salut, était largement considérée comme environnée par des forces menaçantes. L'effroi symbolique procuré par ces figures maintiendrait les êtres démoniaques loin du lieu sacré.
Des figurations envisagées comme expression d'une culture profane populaire. Exposer des sexes masculins ou féminins, des étreintes physiques ou des scènes de défécation cela peut être moins de la pornographie que simplement du vécu égrillard, rappelant la partie terrestre et animale de l'homme. Peut-être faut-il s'abstenir de vouloir déchiffrer à tout prix un message caché derrière ces sculptures, il y a un pas qu'il faut peut-être parfois se garder de franchir. A la différence des scènes de luxure féminine ou masculine certaines images ne semblent pas faire intervenir de condamnation. Loin de délivrer un message ces figurations crues, grivoises ne pourraient-elles pas manifester seulement un goût pour la gaudriole ? Libérés des programmes iconographiques prescrits par les commanditaires les tailleurs de pierre pourraient avoir donné libre cours à leur inventivité, puisant leur inspiration créatrice dans la culture populaire du temps et, par là-même se libérant des sévères prescriptions morales des hommes de religion
Eglise de Chalais ( Saint-Pierre-le-Vieux ),Vendée. Eglise Saint-Genès, Châteaumeillant, Cher.
Eglise de Mailhat, Puy-de-Dôme . Eglise de Saint-Ouenne, Deux-Sèvres D’un côté, la nudité signifie, d'une part, la sauvagerie ou l'indigence, d'autre part, elle symbolise aussi la pureté dans les premiers siècles du christianisme. Ainsi, les nouveaux chrétiens baptisés par immersion sont nus à l'image de l'enfant venant au monde. Elle peut-être aussi à la limite signe d'un état spirituel supérieur dans le cas de personnages hors du commun à l'exemple de saint François quittant publiquement ses vêtements. De l’autre, il est certain que l'Eglise institutionnalisée a condamné la nudité, au motif que l’impudeur et l’érotisme constituaient un danger moral ; par là, elle rompait avec les pratiques du monde antique.
Champagnolles Sainte-Radegonde Poitiers (Vienne)
Quelquefois, il est bien évident que les sculpteurs ont souvent sculpté les représentants des pêchés avec beaucoup de sympathie. Quoique la représentation de la Luxure est presque toujours choquante - le torse émacié, décharné, le visage tordu de souffrance et d'angoisse, les seins desséchés et ridés sous les serpents ou les crapauds qui les sucent - il y a des belles exhibitionnistes ou amusantes, des couples faisant l'amour interdite avec tendresse et joie, comme il y a des beaux monstres qui attaquent ou qui avalent les beaux damnés Il y a des exhibitionnistes mâles qu'on a évidemment sculptés avec beaucoup de plaisir sublimés et peut-être même sublime!
Saint-Vivien en Gironde Eglise Sainte-Radegonde, Poitiers
Saint-Ouen. Gironde Solignac. Haute-Vienne
Cahors. Ces sculptures s'ébattent sur la cathédrale le long d'une frise qui défrise.
Vinax, Charente Maritime La Godivelle, Puy-de-Dome
Eglise Saint-Blaise, Givrezac, Charente-Maritime Eglise Saint-Romain, Guitinières
Ces sculptures évoquant de façon très apparente des sexes masculins ou féminins, des étreintes physiques ou des scènes de défécation que l'on trouve non seulement dans les petits édifices ruraux mais parfois aussi dans les cathédrales, sous les corniches extérieures mais aussi parfois sous certaines corniches intérieures, dans un coin discret mais également parfois offerts à la vue de tous ? Avec ces parties intimes de l'être humain explicitement dévoilées, on peut sembler très loin de la béatitude. Or, un édifice roman n'est-il pas d'abord un édifice chrétien et devons-nous pas nous attendre à y trouver des représentations sculptées exprimant une perspective chrétienne du monde .
On peut penser que les thèmes des sculptures sont d'ordinaire prescrits expressément par le commanditaire. Mais il en est, sans doute moins ainsi pour le petit peuple des modillons que pour les programmes iconographiques ou les motifs symboliques des façades et des chapiteaux. Moins soumis au contrôle strict du maître d'ouvrage le sculpteur de modillons peut laisser davantage libre cours à son imagination, à ses préoccupations courantes, à la quotidienneté vécue ( activités laborieuses mais aussi festives, amour, objets...), au cadre de vie, animaux et végétaux. Ce qui nous vaut des scènes réalistes ou fabuleuses, pittoresques ou grotesques, terre à terre ou parfois à message, archaïques et naïves ou remarquables et d'une grande habileté selon le talent du tailleur de pierre. Ainsi, le monde savoureux des modillons est-il pleinement le reflet d'une société et d'une époque.
Cathédrale de Strasbourg Certains soirs, alors que le ciel est pur et serein, qu'il n'y a pas le moindre nuage à l'horizon, que les clients sont paisiblement attablés aux terrasses des cafés, un coup de vent aussi soudain qu'imprévisible vient balayer le parvis de la cathédrale. Les Strasbourgeois, eux, savent que c'est le vent du diable. Ils le savent parce que leur grand-père les a mis en garde contre ces bourrasques diaboliques qui, périodiquement et sans crier gare, parcourent les abords de la cathédrale… Légende. Le souffleur du cul ou Camille-des-vents sur une œuvre invisible du parvis de Notre-Dame de Strasbourg
Couple en copulation. Monbos (Dordogne)
A défaut de document laissant entendre le sens exact qu'il convient donner, l'interprétation de cet art populaire que constituent les modillons restera toujours délicate. Entre manifestation de la grossièreté et l'amour de la gaudriole dans le menu peuple, d'une part, et expression de symboles, d'autre part, plusieurs niveaux de lecture de ces images sculptées modillonnaires demeurent possibles. Un aimable ami tailleur de pierre de son état m'a rappelé l'hypothèse interprétative suivante : le caractère irrévérencieux, irrespectueux, " choquant " de certains modillons sur des édifices qui étaient des havres de paix et de salut pourrait s'interpréter comme une réaction des tailleurs de pierre face à des commanditaires tenant mal leurs obligations financières à leur égard…??
Saint-Antonin-Noble-Val Tarn et Garonne Oô Haute-Garonne
Cette présentation n'est qu'un aperçu de ce monde savoureux des modillons. Lors de vos prochaines visites de notre patrimoine roman, baladez-vous le nez en l'air, bien des surprises vous sont réservées, il suffit juste d'avoir l'oeil pour dénicher ce petit monde populaire trop souvent méconnu... Réalisation et montage par Dédé-Francis • Images du net