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SOCIOLOGIE DU RISQUE (3). Christian THUDEROZ Centre des Humanités. POURQUOI PLAIDER POUR « UN « CATASTROPHISME ECLAIRE » ?. Questions : Sommes-nous entrés dans le temps des catastrophes inéluctables ?
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SOCIOLOGIE DU RISQUE (3) Christian THUDEROZ Centre des Humanités
POURQUOI PLAIDER POUR « UN « CATASTROPHISME ECLAIRE » ? Questions : Sommes-nous entrés dans le temps des catastrophes inéluctables ? Réchauffement climatique, épuisement de l'énergie fossile, prolifération des armes de destruction massive, maladie de la vache folle, etc. : pouvons-nous échapper à une destinée (apocalyptique) dont nous avons produit les conditions ? Principes de précaution et prévention des risques = une rassurante illusion ?
Proposition de Jean-Pierre DUPUY (philosophe, Ecole Polytechnique) : • Le principe de précaution ne nous protège pas de la catastrophe : une fois appliqué, il l'efface du champ des possibles et du probable ! Remède = le « catastrophisme éclairé »... (Raisonnement tiré de Le catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, 2002)
Raisonnement… … à partir du philosophe Henri Bergson, philosophe français, début du XXe siècle : La possibilité (d'une action, d'un événement) n'est pas antérieure à sa réalité, mais le devient APRES que la réalité est apparue ! Exemples…
Exemples : • avant son déclenchement, la Guerre de 1914 - 1918 apparaissait aux contemporains aussi probable (« Elle aura lieu !) qu'impossible (« Ils l’éviteront, vous verrez ! »)... • avant son déclenchement, la Guerre Etats-Unis / Irak apparaissait (fin 2002) aussi probable qu'impossible...
Autrement dit… … Le possible ne pré-existe pas au surgissement de l'événement dans le temps, il se constitue après coup, après l'événement ! La preuve… …Les attentats de New York et de Washington du 11 septembre 2001 ne deviennent possibles qu'après qu'ils aient eu lieu...
Méthode du catastrophisme éclairé : • Se projeter dans le futur, dans le temps de l'après-catastrophe pour la considérer rétrospectivement. • Donc, plutôt que de s'en prémunir (principe de prudence, de précaution, etc.), considérer que la catastrophe aura bien lieu ! Qu’elle est inéluctable ! • Et profiter de cette certitude de la catastrophe pour... s'en prémunir ! Et…
Agir pour qu’elle n’ait pas lieu ! • Contradiction !!!???? = Comment une catastrophe peut être dite inéluctable si on peut la prévenir et l’empêcher ? Réponse : si une fois survenue, elle était inéluctable, avant qu’elle se produise, elle pouvait ne pas se produire !Donc …
Prédire pour prévenir… • « La prophétie du malheur est faite pour éviter qu'elle ne se réalise » (Hans Jonas, philosophe allemand) • = la sociologie comme science sociale prédictive : indiquer aux dirigeants que les conditions sont désormais réunies pour qu'un conflit social, une révolte de prisonniers, une grève de la faim de sans-papiers, etc., éclate, c'est faire en sorte que des décisions soient prises pour les éviter ; donc, elles peuvent ne pas se produire !
Catastrophisme ou précaution ? Différence du catastrophisme éclairé avec le principe de précaution : • précaution = principe d'incertitude : on ne connaît pas l'impact futur d'une action • catastrophisme éclairé = principe de certitude : c'est parce qu'on connaît le danger qu'il faut agir pour qu'il n'ait pas lieu !
Renversement de la métaphysique du temps : • Regarder notre présent depuis le point de vue du futur, considérer le futur comme fixe et le passé (qui, au regard de cet avenir, est notre présent) comme ouvert.... « Le souvenir d'une catastrophe qui n'a pas eu lieu permet sa prévention, son évitement ». (En moins extraordinaire : cf. le « management de projet » = rétroaction du futur sur le passé. En fonction d'un futur (objet technique que l'on veut réaliser) sont planifiées les phases de sa réalisation et donc l'action immédiate.
Un outil d’aide à la décision… • Catastrophisme éclairé = une hypothèse conditionnelle dans une délibération qui doit aboutir à choisir le pire le moins dommageable possible (en théorie de la décision, choisir le minimax : rendre minimal le dommage maximum…)
Et un outil d’affirmation de notre liberté… • Coordonner nos actions, non pas en fonction du passé (« Je vous ai promis de vous rembourser, donc je le fais » ; ou « Vous ne m’avez jamais trahi, donc je vous fais confiance », etc.), mais en fonction de l’avenir : « Je pars en week-end ce vendredi soir car ils ont prévu des embouteillages demain », ou « Je vote X lors de ce référendum en prévision de l’élection présidentielle Y à venir »…
Et considérer l’avenir… • Comme un point fixe et, par contre (= renversement de la métaphysique du temps), « le passé » (notre présent, donc) comme un temps ouvert : plusieurs chemins peuvent être pris aujourd’hui, certains produiront cet avenir, d’autres, non ! (donc, cet avenir n’est pas fixe…)
Digression (en passant, sur le temps)… • Ce n’est pas tout l’avenir qui peut devenir présent. L’avenir contient un nombre plus élevé de possibilités que celles qui peuvent être actualisées dans le présent (et qui seront transférées dans le passé)… • Donc nous avons tendance à découper le futur à l’aune du présent et à sélectionner divers scénarios d’avenir que nous pensons probables parce que souhaitables…en ignorant, plus ou moins volontairement, certains de ces scénarios.
Or… • En progressant dans l’avenir, le présent produit, par cette sélection de possibilités, de nouveaux présents possibles et de nouveaux horizons d’avenir pour ces divers présents possibles… • De sorte que sont générés, à chaque instant, de multiples scénarios possibles qui sont autant de présents à venir…
Dès lors, il nous faut… • Envisager un avenir, parmi tous les avenirs possibles, qu’on ne souhaite pas, le tenir pour certain car nos actions d’aujourd’hui vont à coup sûr le fabriquer et, donc, ensuite, agir de telle manière pour que cet avenir n’ait pas lieu… : • Variante : envisager un avenir que l’on désire et qui soit suffisamment crédible pour déclencher nos actions pour y parvenir…
TEST… Quelle « machine » inventer pour qu’à coup sûr un jeune délinquant incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis devienne, après son temps de peine, un dangereux récidiviste ?
Réponse… • Entretenir une sur-population dans les prisons (54000 individus en 2000, pour 47 000 places…) • Mélanger adultes et mineurs • Créer des conditions difficiles au travail scolaire (bruit, locaux exigus, pas de manuels…) • S’assurer de la présence de « caïds » mettant sous leur coupe les primo-délinquants • Ne pas former le personnel pénitentiaire aux tâches socio-éducatives…
TEST 2… • Quelle « machine » inventer pour qu’à coup sûr l’absentéisme des élèves-ingénieurs INSA en classe soit maximal et que les cours des enseignants soient ennuyeux et magistraux ?