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Sociologie du SYNDICALISME. Christian THUDEROZ Centre des Humanités. Plan de la séance. 1. DIVERSITE DES SRP ET DES SYNDICALISMES 2. ORIGINES DU SYNDICALISME 3 SYNDICALISMES ET POLITIQUE 4. ELEMENTS D’HISTOIRE DU SYNDICALISME EN France 5. PARADOXES ET RATIONALITE DE L’ACTION COLLECTIVE
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Sociologie du SYNDICALISME Christian THUDEROZ Centre des Humanités
Plan de la séance • 1. DIVERSITE DES SRP ET DES SYNDICALISMES • 2. ORIGINES DU SYNDICALISME • 3 SYNDICALISMES ET POLITIQUE • 4. ELEMENTS D’HISTOIRE DU SYNDICALISME EN France • 5. PARADOXES ET RATIONALITE DE L’ACTION COLLECTIVE • 6. A QUOI SERT LE SYNDICALISME ? • 7. LA NOTION DE « MOUVEMENT SOCIAL »
1. DIVERSITE DES SRP ET DES SYNDICALISMES • Chaque SRP est né des effets des révolutions indus-trielles des XVIIIe et XIXe siècles. Et chacune s’est accomplie dans un contexte historique, socio-économique, politique et culturel particulier. • Donc : pas de modèle unique ! De nombreuses configurations ! Très grande variété ! • Exemple 1 : le SRP allemand : • des betriebsräte dans les entreprises, sans monopole syndical, • mais des syndicats puissants, • une législation fédérale et par länder, • des procédures réglementaires de déclenchement des grèves
Diversité des SRP (suite) • Le SRP des Etats-Unis : • un seul syndicat par entreprise, accrédité, • si union plant, retenue des cotisations à la source, • procédures individuelles de « grief », • durée minimale des conventions collectives d’entreprises (3 à 5 ans, parfois 8), • grève interdite durant l’application de la CC • Le SRP français : • pluralisme syndical, adhésion libre, • grève inopinée possible (préavis uniquement dans le secteur public), • pluralisme conventionnel (un seul syndicat signe) • Etat très interventionniste
D’où… • …DES syndicalismes, des manières différentes de représenter les salariés, de les protéger ou de leur proposer un projet de société. • Diversité : des doctrines/ des méthodes d’action /des statuts et des types d’organisation / du recrutement et des mécanismes d’adhésion / des liens entre syndicat local, fédération et confédération
2. ORIGINES DU SYNDICALISME • Les premières formes d’organisation des salariés au XIXe siècle : les mutuelles (Caisses de secours mutuel, « Bourses du travail »)... • ...Pour parer aux risques de l’industrialisation et conforter la résistance aux employeurs. • Mais très rapidement, une césure entre : • mutualisme • syndicalisme • Depuis, deux traditions différentes, même si idéal commun...
3 modes possibles de défense et de promotion des intérêts des salariés… • Le mutualisme (cotisation individuelle pour couvrir un risque collectif) • La réglementation légale (l’Etat légifère et institue des caisses de retraite ou de maladie) • La négociation collective (Collective bargaining) : ce sont les parties prenantes elles-mêmes - patrons et ouvriers qui contractent et édifient ensemble un régime paritaire de maladie. • Dans les faits, toujours un peu des trois....
Mais… • ... Ces modes d’organisation et de défense des salariés sont différents du point de vue de qui prend la décision… : • soit une seule des parties (mutualisme), • soit les deux parties (négociation), • soit un tiers (l’Etat et ses lois du travail)
Origine du syndicalisme… • Origine du syndicalisme : les ouvriers de métier, cherchant à maîtriser leurs conditions de travail et réguler leur emplois, pour éviter qu’une main-d’œuvre abondante et moins qualifiée ne fasse baisser les salaires et leur fasse perdre leur emploi. • C’est la technique dite du closed shop : fermer l’accès au marché du travail à un certain nombre de salariés et organiser soi-même ce marché du travail. C’est encore le cas chez les dockers, ou dans l’Imprimerie de Labeur (« le Livre »)
3. SYNDICALISMES ET POLITIQUE • Un rapport intéressant entre citoyenneté économique et citoyenneté politique : • cf . le raisonnement de Seymour Lipset (1983) : l’obtention de droits politiques et économiques précoces ou tardifs produisent des syndicalismes différents…
Quels rapports entre Parti politique et syndicat ? • 3 modèles : • Syndicat Parti socialiste (cas de la Grande - Bretagne : les Trade Unions donnent naissance au Labour Party) • Syndicat, pas de parti socialiste (cas des Etats-Unis : seuls des syndicats puissants et réformistes) • Syndicat, Parti socialiste : des concurrents ! (cas de la France, cf. l’épisode du PARE ou des 35 H) • En France, une conception plus « politique » de l’action militante qu’en GB ou USA, moins orientée vers la régulation de la concurrence économique...
4. ELEMENTS D’HISTOIRE DU SYNDICALISME EN FRANCE Rappels de quelques grandes dates : • 25 mai 1684 : reconnaissance du droit de grève • 21 mars 1884 : droit de coalition : le syndicalisme est reconnu ! • Février 1919 : loi sur les conventions collectives • Juin 1936 : création des délégués d’atelier et accords de Matignon • 1947 : création des comités d’entreprise et des délégués du personnel • Décembre 1968 : reconnaissance du syndicat dans l’entreprise • Novembre1982 : droit d’expression direct et collectif et obligation annuelle de négocier les salaires et les conditions de travail • 1998 et 200 : lois sur les 35 H
Historique rapide des confédérations syndicales • 1892 création de la Fédération des Bourses du Travail • 1895 création de la CGT, à partir de la Fédération des Syndicats • 1906 Congrès et charte d’Amiens, fusion de la FBT et de la FS : « Le syndicat comme groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale » + affirmation de l’indépendance syndicale • 1921 : création du Syndicat des Employés chrétiens, qui deviendra la CFTC, Confédération Française des Travailleurs Chrétiens • 1922 : création, à partir de la CGT, de la CGTU (communiste) • 1936 : unification CGT et CGTU • 1944 : création de la CGC • 1947 : création de FO, Force Ouvrière, à partir d’une scission de la CGT • 1947 : création de la FEN, Fédération de l’Education nationale, refusant de choisir entre FO et CGT • 1995 : création de SUD, Solidarité, Unité et démocratie, à partir de la CFDT • 1996 : création de l’UNSA, Union Syndical des Syndicats Auto-nomes, regroupement de nombreux syndicats autonomes de la fonction publique
5. PARADOXES ET RATIONALITE DE L’ACTION COLLECTIVE • Origines de l’action collective. On agit : • par intérêt (les Syndicats professionnels de médecins : mise à l’écart des rivaux éventuels, régulation des entrants, surveillance de la formation, énonciation des codes, négociations avec les pouvoirs publics, etc.) • par contrainte (le piquet de grève : on empêche les « jaunes » d’aller travailler ; vote à main levée) • par projet (on adhère volontairement à une doctrine, à un parti et on agit collectivement en son sein)
Le paradoxe de Mancur Olson • Un individu « rationnel » (qui ne recherche que son intérêt individuel et la maximisation de ses gains) n’a pas intérêt à s’associer pour l’obtention ou la production d’un bien collectif. Pourquoi ? Cela a un coût : faire grève, c’est se priver de salaire, se faire mal voir de son chef... • Puisque le bien créé est collectif, c’est-à-dire accessible sans condition (l’augmentation de salaire est versée à tous, grévistes ou non), le comportement « rationnel » est de laisser les autres l’obtenir ou le produire, sans payer sa quote-part. • Comme ce raisonnement peut être fait par chacun, il se peut alors qu’aucune action collective ne tente d’obtenir ou produire ce bien...
D’où… • Moralité 1: l’action collective ne se déduit pas mécaniquement de la somme des intérêts individuels… • Moralité 2 : « l’intérêt » ne fonde pas mécaniquement les associations ou groupements qui créent des biens collectifs… • Moralité 3 : si chacun ne poursuit que son seul intérêt immédiat, sans vue d’ensemble, sans anticipation, il ne peut y avoir « d’intérêt général »…
Et pourtant, il y a des grèves ! Comment les expliquer ? • Il n’y a pas seulement une rationalité économique du gréviste : il peut vouloir affirmer sa dignité, sa solidarité de métier, sa sympathie envers un collègue, il peut agir par colère, etc. • Il existe aussi une rationalité en valeurs : prendre le risque de perdre, ou sacrifier un bien, au nom d’une morale, d’un projet, d’une idéologie • D’où une rationalité d’ensemble : le gréviste sait que sa grève sert à maintenir une pression sur l’employeur, donc sur les autres employeurs ; et que les grèves des autres salariés servent également à maintenir la pression, etc.
Il existe donc une rationalité de l’action collective, au-delà des rationalités individuelles. De quoi procède-t-elle ? • 1) L’intérêt individuel. L’action collective produit des biens individuels : le syndicat offre à ses adhérents et à eux seuls des conseils juridiques, des services sociaux et de loisir. L’individu a donc intérêt à adhérer pour bénéficier de ces avantages. • 2) L’interdépendance des décisions. Tout le monde sait que s’il n’y a pas assez de grévistes le jour dit, personne n’obtiendra rien... • 3) La visibilité des actions individuelles. Ne pas faire grève et rester travailler dans l’atelier, c’est s’exposer. Une « roulante » se chargera de « faire débrayer » (= d’obliger les salariés à quitter de gré ou de force leur poste de travail...)
Mais aussi… • 4) La solidarité, la communauté. Le groupe social est soudé (« les copains d’abord ! ») et chacun veille à maintenir cette solidarité... • 5) L’adhésion à un projet, une idée. Sauver les baleines ou le littoral, défendre la nature, ou manifester contre Le Pen... • 6) La contrainte, la pression morale. Les individus pensent « ne pas pouvoir se défiler » et anticipent la fin de la grève, quand il s’agira de retourner travailler dans l’atelier... • Conclusion : l’action collective est plus qu’une alliance d’intérêts, elle repose sur des liens sociaux, une contrainte morale, non réductibles au calcul...
5 conditions pour que se déclenche une action collective… • (cf. John Kelly, Rethinking Industrial Relations, 1998) • 1. doit exister un sentiment d’injustice • 2. Les acteurs doivent percevoir un ennemi commun • 3. avoir conscience de partager des intérêts communs • 4. disposer de capacités d’agir collectivement • 5. un tissu de militants actifs et expérimentés
6. A QUOI SERT LE SYNDICALISME ? • C’est un régulateur social : • Il permet de signaler à l’employeur l’ampleur du mécontentement • Il n’est pas un maximisateur de gains : il sait que la relation sociale doit durer... • Il évite les situations d’anomie en précisant, comme le soulignaient les sociologues anglais Allan Flanders et Alan Fox (1965), « ce qui est juste et ce qui est injuste, quelles sont les revendications et les espérances légitimes, quelles sont celles qui passent la mesure » • Il encadre les grèves et « sait les terminer »...
Mais aussi… • C’est un co-décideur : • Il participe à la fixation des règles du travail • Il fait respecter les engagements • C’est un contre-pouvoir : • il l’oblige l’employeur à affiner ses décisions, mieux les instruire • Il introduit des valeurs (citoyenneté, droit au travail, dignité, respect de la personne humaine), • oblige l’employeur à respecter ses engagements • Il oblige l’employeur à rechercher des solutions techniques, organisationnelles ou commerciales, de façon à maintenir un haut degré de productivité et de compétitivité.
7. LA NOTION DE « MOUVEMENT SOCIAL » • Deux acceptions : • - la première, d’usage courant, synonyme de « conflit social, grève » ; • - la seconde, acception est un concept sociologique (Alain Touraine, Le mouvement ouvrier, 1984) • « Un mouvement social est la combinaison d’un principe d’identité, d’un principe d’opposition et d’un principe de totalité »
Principes, vous avez dit « principes » ? • Principe d’identité = définition d’un acteur social par lui-même (« Qui suis-je ? » : des métallos en colère ; des paysans pauvres du Chiapas ; des cheminots défenseurs du service public ; des écologistes amoureux des oiseaux, etc.) • Principe d’opposition = définition par cet acteur de son adversaire, avec lequel il est en conflit (« Contre qui ? » : contre l’employeur, les patrons ; contre le gouvernement ; contre les chasseurs, etc.) • Principe de totalité = définition de son projet (ce qu’il veut, ce qu’il espère : « Pour quoi lutte-il ? » : pour une meilleure société, pour une nature accueillante, pour le service public, pour des retraites décentes...