Les femmes marocaines immigrantes au Qu bec : entre d sillusion et changement.

1. Les femmes marocaines immigrantes au Qu�bec�: entre d�sillusion et changement. Mich�le Vatz Laaroussi Universit� de Sherbrooke Canada

2. Plan de la pr�sentation Portrait de la situation au Canada et au Qu�bec L�insertion socio-�conomique: obstacles et parcours Les trajectoires combinant les strat�gies d�insertion socio-professionnelle et les dynamiques familiales Conclusion sur les tendances �mergentes: mariages, divorces�

3. Le Canada: un pays d�immigration Depuis 1860 247�000 personnes ayant le statut de r�sidents permanents arrivent en 2008 Modification des vagues migratoires dans les ann�es 1980. En 2008: 49% des immigrants �conomiques viennent de l�Asie, 21% de l�Afrique et du Moyen Orient L�Europe et le Royaume Uni ne repr�sentent plus que 19% des nouveaux arrivants.

4. La communaut� marocaine au Canada En 1998, on d�comptait 1187 marocains parmi les r�sidents permanents au Canada alors qu�ils sont 3789 en 2007 et 3907 en 2008. S�y ajoutent toutes les populations marocaines qui ont acquis le statut de citoyens canadiens qu�on peut obtenir apr�s trois ann�es de r�sidence permanente au Canada, et qui ont ainsi la double nationalit� canadienne et marocaine. Croissance, encore limit�e mais r�guli�re, du nombre d��tudiants �trangers en provenance du Maroc qui passe de 1273 en 1999 � 2118 en 2008. Selon les statistiques consulaires, le nombre estim� de marocains vivant au Canada en 2008 serait de 110�000 pour 45�000 adultes immatricul�s au consulat du Maroc.

5. La communaut� marocaine au Qu�bec Le Qu�bec, province canadienne dont la langue officielle est le Fran�ais, a pass� en 1991 un accord avec le gouvernement f�d�ral du Canada selon lequel la province est responsable de la s�lection des immigrants sur son territoire. Le Maghreb du fait de sa francophonie et le Maroc, soci�t� habitu�e � l��migration, deviennent d�s lors des bassins d�immigration potentiels, recherch�s et investis par le gouvernement Qu�b�cois. 75% des marocains vivent au Qu�bec En 2008, ce sont les immigrants en provenance d�Afrique (30,4% d�immigrants dont le Maghreb, 17,7 %) qui sont en t�te des immigrants au Qu�bec. Entre 2004 et 2008, le Maroc devient le troisi�me pays de provenance des immigrants admis au Qu�bec avec 16406 nouveaux arrivants (7,4% du nombre total d�immigrants) dont 3579 en 2008. Et on a accueilli 870 �tudiant(e)s marocain(e)s en 2008 comparativement � 622 en 200 avec une chute � 543 en 2002 apr�s les �v�nements du 11 septembre 2001.

6. Les femmes marocaines au Qu�bec 42% de la population marocaine totale (�chantillon du Consulat du Maroc � Montr�al) alors qu�en 2008 on a admis 1661 femmes pour 1918 hommes soit 46,2% de femmes. Peu � peu le nombre de femmes marocaines arrivant au Qu�bec augmente et cette population est en voie d��galer prochainement celle des hommes Arrivent majoritairement avec le statut de r�sidentes permanentes ou avec le statut de famille.

7. Le portrait: jeunes, en famille, qualifi�es Pr�s de 50% d�entre elles ont entre 25 et 34 ans � leur arriv�e entre 1999 et 2008. � ont entre 35 et 44 ans. Deux tiers arrivent d�j� mari�es alors qu�un tiers d�entre elles sont c�libataires � l�arriv�e, cette partie de la population correspondant aux femmes les plus jeunes. En ce sens elles diff�rent des hommes marocains dont la majorit� des requ�rants principaux est c�libataire � l�arriv�e. Elles ont des dipl�mes professionnels post-secondaires pour 1/3 d�entre elles, des dipl�mes universitaires de 1er, 2�me et 3�me cycles pour 1/3 24% ont un niveau secondaire ou primaire. Si leur niveau d��ducation est l�g�rement inf�rieur � celui des hommes marocains dont pr�s de 50% ont des dipl�mes universitaires, il reste largement sup�rieur � celui des femmes qu�b�coises.

8. Les domaines de qualification � l�arriv�e elles visent pour 1/3 le secteur des finances et de l�administration, pour pr�s de 10% celui des sciences naturelles et appliqu�es et pour 10% aussi celui de l�enseignement et des sciences sociales. Elles sont moins nombreuses que d�autres femmes immigrantes � viser le secteur de la sant� et des services. Elles sont sur-repr�sent�es dans les secteurs du g�nie et des sciences appliqu�es, des math�matiques, de l�informatique et des sciences physiques.

9. Des attentes importantes Pour les femmes marocaines, le potentiel de promotion sociale et �conomique promis par la soci�t� qu�b�coise est tout aussi attirant que pour les hommes. Il est m�me renforc� par une soci�t� qui promeut � l�ext�rieur ses valeurs d��galit� hommes-femmes, d�ouverture d�mocratique et de multiculturalisme reconnaissant les appartenances culturelles et religieuses vari�es. C�est donc avec beaucoup d�attentes qu�elles arrivent et s�installent dans cette soci�t� o� on leur transmet le message qu�elles sont les bienvenues.

10. L�insertion socio-professionnelle Au Qu�bec, les maghr�bins, hommes et femmes confondus, ont le plus haut taux de ch�mage. Alors que le taux de ch�mage de la population en g�n�ral est � 7% au Qu�bec, pour les Maghr�bins, la situation est toute autre avec un chiffre qui fr�le les 28% - pour les immigrants qui sont ici depuis moins de cinq ans (La Presse, f�vrier 2008). En 2008, le taux de ch�mage des immigrants admis au Qu�bec, n�s en Afrique du Nord, est de 20,2% chez les hommes et de 18% chez les femmes en recherche active d�emploi (Statistique Canada, Enqu�te sur la population active).

11. Les femmes au foyer: choix ou contrainte? Parmi la population de femmes immigrantes arriv�es au Qu�bec entre 2004 et 2008, 64% projetaient d�entrer sur le march� du travail par rapport � 86% chez les hommes. Et plus le niveau d��ducation est �lev� plus les femmes veulent �tre en activit� professionnelle�: en 2008, 74% de celles qui veulent entrer en emploi ont plus de 14 ann�es de scolarit�.

12. Le niveau de revenus Pour les immigrantes r�centes, la proportion du revenu moyen est �gale � 70% du revenu de l�ensemble des femmes du Qu�bec. Le revenu moyen de celles qui, comme les immigrantes marocaines, ont un dipl�me universitaire n�atteint que 82 % de celui que touchent l�ensemble des femmes qu�b�coises ayant une scolarit� comparable. Les femmes qu�b�coises, � dipl�me �gal, ont un taux de revenu plus faible que celui des hommes qu�b�cois.

13. La d�sillusion Ainsi �tant donn� le niveau de scolarit� des femmes marocaines au Qu�bec, on peut affirmer que leurs attentes envers le march� de l�emploi qu�b�cois sont �lev�es et que les obstacles � leur insertion professionnelle les frappent de plein fouet.

14. Les obstacles Trois de ces dimensions sont communes et ont le m�me impact pour les hommes et les femmes marocaines�: il s�agit du probl�me de la reconnaissance des dipl�mes, du manque d�exp�rience qu�b�coise et de la fermeture des ordres professionnels. Par contre les deux autres dimensions discriminatoires, si elles touchent ensemble les femmes et leurs conjoints, ont des impacts diff�rents selon le genre�: il s�agit de l�appartenance religieuse et du climat anti-arabo-musulman qui a fait suite au 11 septembre 2001. Finalement une sixi�me dimension est sp�cifique aux femmes, il s�agit de leur appartenance de genre et de leur place dans la dynamique familiale.

15. Les probl�mes de reconnaissance Pas de reconnaissance des dipl�mes D�valuation de la scolarit� faite ailleurs qu�au Qu�bec N�cessit� d�une exp�rience professionnelle qu�b�coise Protectionnisme des ordres professionnels tr�s nombreux Non ma�trise de l�anglais

16. Le couple multiplie les obstacles Pour les professionnel(le)s marocain(e)s, le d�fi est majeur et le fait de multiplier ces obstacles par les deux membres du couple qui s�y trouvent confront�s en m�me temps, ne fait que les renforcer et augmenter le sentiment d�impuissance et de d�sillusion des unes et des autres.

17. Des femmes musulmanes Au regard de la seule variable religion, en 2007, au Qu�bec,�le taux de ch�mage chez les citoyens de foi musulmane, toutes origines confondues, �g�s entre 25 et 44 ans, atteint 25%, comparativement � 8% dans le reste de la population Tout comme les �v�nements du 11 septembre 2001 aux �tats-Unis, leur appartenance religieuse musulmane place les femmes marocaines dans une situation ambig�e aux yeux de la soci�t� qu�b�coise. D�une part on se repr�sente les hommes comme des terroristes, extr�mistes, int�gristes, mena�ant pour la soci�t�, pour les entreprises et pour leurs femmes. D�autre part on voit celles-ci comme victimes de leur culture, de leur religion et de leurs maris. Mais on accepte d�autant moins qu�elles revendiquent leurs appartenances religieuses, culturelles et familiales.

18. La transformation de la dynamique familiale La majorit� d�entre elles arrivent en couples et souvent avec de jeunes enfants. Plusieurs vont arriver du Maroc apr�s le mariage avec un Marocain d�j� r�sident permanent au Qu�bec. Quant � celles qui arrivent c�libataires, elles auront dans les ann�es qui suivent des projets de mariage. Toutes ont donc � combiner une dynamique familiale � leur trajectoire socio-professionnelle. Et plusieurs d�entre elles, apr�s quelques mois de vie au Qu�bec, vont porter le lourd fardeau de la d�ception familiale entre autre face � la d�qualification professionnelle. Mais leur genre va aussi les placer dans des situations partag�es par les autres femmes du Qu�bec�: difficult�s � trouver des garderies pour les enfants, heures de scolarit� qui ne correspondent pas aux heures de travail et finalement une politique familiale qui n�a pas encore suffisemment suivi l�entr�e massive des femmes sur le march� du travail. Pour les femmes marocaines b�n�ficiant au Maroc de l�aide du r�seau familial pour s�occuper des enfants, l�isolement v�cu au Qu�bec va aussi repr�senter une difficult� suppl�mentaire v�cue tr�s difficilement � des moments particuliers comme la naissance d�un enfant ou la maladie d�un membre de la famille.

19. Strat�gies de promotion et dynamiques familiales La trajectoire de retour aux �tudes. R�sultats mitig�s La trajectoire de r�orientation professionnelle: entrepreneurship familial ou f�minin. D�veloppement de r�seaux d�affaire La trajectoire de mobilit� g�ographique: des co�ts sociaux et familiaux. Engagement dans des r�seaux f�ministes, locaux, internationaux, musulmans.

20. Strat�gies de promotion et dynamiques familiales Les trajectoires de s�paration familiale temporaire: le fardeau de l�insertion locale et familiale repose sur la femme. Engagement dans des r�seaux locaux. Les trajectoires de s�paration familiale d�finitive: les retours au Maroc des hommes, les d�pressions des hommes et des femmes. La responsabilit� de l�insertion des enfants. Les retours familiaux au Maroc: rares, suivent parfois les d�pressions, parfois pr�par�s pour les enfants (�cole fran�aise pour leur faciliter la r�insertion au Maroc).

21. Entre force et vuln�rabilit� Ainsi les femmes marocaines d�montrent une grande force dans leur insertion au Qu�bec, soutenant l�ensemble familial, et cr�ant de nouveaux r�seaux marocains mais aussi locaux, f�ministes et transnationaux. Plusieurs entrent aussi en politique. On peut cependant observer que certaines vont �tre fragilis�es par la situation d�immigration, les difficult�s d�insertion socio-professionnelle et la red�finition des dynamiques familiales. Il sera certainement tr�s important de les soutenir dans leurs strat�gies de continuit�, de promotion et de liens entre le Qu�bec et le Maroc.

22. Les tendances �mergentes�: mariages, s�parations, remariages Nous sommes encore dans la premi�re g�n�ration d�immigration. La grande majorit� des mariages des femmes marocaines au Qu�bec s�effectue avec des Marocains dont une partie avec des hommes d�j� install�s ici, d'autres qui sont pass�s par la France et finalement en faisant venir les conjoints du Maroc. Par ailleurs des femmes arrivent aussi par mariage avec des Marocains d�j� install�s ici. Pour les s�parations qui restent � investiguer, je pose l'hypoth�se que dans plusieurs cas l'homme retourne au Maroc et la femme reste ici avec les enfants scolaris�s. Pour les plus jeunes, il peut aussi y avoir des mariages exogames avec d�autres immigrants ou des Qu�b�cois mais ils sont encore rares. Par contre peut �tre que ce sont les femmes marocaines divorc�es qui se marient ici et plus avec des Qu�b�cois. Finalement il y a aussi le cas des jeunes femmes qui arrivent par mariage et connaissance internet avec des Qu�b�cois. Il s�agit de cas rares et peut �tre d�une situation qui va augmenter dans les ann�es � venir.

23. Remerciements Madame la Consule du Maroc � Montr�al pour la transmission des donn�es du consulat. Minist�re de l�immigration et des communaut�s culturelles du Qu�bec, service de la recherche, pour les donn�es concernant les femmes marocaines (� partir des donn�es de Statistique Canada)